Décollage d'un alunisseur privé : "Une mission qui emporte de quoi préparer les futures missions habitées", explique un journaliste

Le but pour la Nasa d'avoir recours à des entreprises privées pour transporter son fret vers la Lune est, bien évidemment, de faire baisser les prix, explique Olivier Sanguy, rédacteur en chef de l'actualité spatiale à la Cité de l'espace de Toulouse.
Article rédigé par franceinfo
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Une fusée SpaceX Falcon 9 a décollé de Floride jeudi 15 février avec à son bord, un alunisseur privé de la société privée Intuitive Machine. (GREGG NEWTON / AFP)

"C'est véritablement une mission qui emporte de quoi préparer les futures missions habitées", explique jeudi 15 février sur franceinfo Olivier Sanguy, rédacteur en chef de l'actualité spatiale à la Cité de l'espace de Toulouse. Une fusée transportant l'alunisseur d'une jeune entreprise américaine, Intuitive Machines, a décollé tôt dans la matinée.

L'entreprise espère devenir la première société privée à réussir à se poser sur la Lune grâce au module spatial privé Odysseus.

franceinfo : Pourquoi la Nasa s'est-elle associée à une entreprise privée dans le cadre de cette mission ?

Olivier Sanguy : Le but de cette mission s'inscrit dans ce retour général vers la Lune, où tous les pays veulent aller vers la Lune, notamment ceux qui sont partenaires de la Nasa via le programme Artemis [dont l'objectif est d'amener un équipage sur le sol lunaire d'ici 2026]. Dans ce programme Artemis, la Nasa a décidé de confier à des privés une partie de son fret lunaire. Autrement dit, au lieu que ce soit la Nasa qui fasse entièrement sa mission, elle dit à des privés : "Je dois emmener tel et tel instrument dans cet atterrisseur-là qui s'appelle Odysseus. Combien ? Quel prix ?" Et puis, elle a une liste de prix pour faire une partie de sa mission.

"En gros, c'est du covoiturage lunaire."

Olivier Sanguy, rédacteur en chef de l'actualité spatiale à la Cité de l'espace de Toulouse

à franceinfo

Le but de la Nasa, c'est de faire baisser le prix puisqu'elle n'est pas la seule à payer le ticket. Donc, la mission transporte aussi des charges utiles privées, comme notamment une œuvre d'art de Jeff Koons, qui est un artiste assez connu.

Derrière cette mission, il y a une jeune entreprise texane. Elle s'appelle Intuitive Machines. Si elle réussit, elle sera la première société privée à se poser sur la Lune. Ce serait un tournant dans la conquête spatiale ?

Oui, parce qu'on a vu que ce n'était pas facile du tout se poser sur la Lune ! Même les pays qui savaient le faire ont eu des problèmes. Je pense notamment à la Russie, qui a échoué. Maintenant, l'entreprise Intuitive Machines a été cofondée par quelqu'un qui est connu dans le spatial, Kam Ghaffarian. C'est un entrepreneur, un ingénieur américain qui est né en Iran et qui a aussi fondé Action Space, une société qui fait des vols privés dans la Station spatiale internationale et qui a obtenu le marché de la fabrication des scaphandres pour le programme Artemis de la Nasa. Donc, il sait investir dans l'espace. Si ça marche, il aura à la fois les scaphandres, un atterrisseur lunaire, et le marché des vols privés sur orbite basse vers l'ISS côté américain.

Est-ce que les États-Unis essayent de défendre leur rang dans la conquête spatiale  ? Alors que plusieurs pays sont intéressés par cette conquête, comme la Chine, l'Inde, le Japon...

Sur le plan géopolitique, le patron de la Nasa, Bill Nelson dit qu'il y a une course avec la Chine pour se poser sur la Lune au XXIe siècle, avec des hommes et des femmes. Donc, il y a clairement un nouvel élan vers la Lune et sa conquête. C'est moins marqué, quand même, que la première course à la Lune entre les États-Unis et l'Union soviétique, mais l'angle géopolitique n'est pas absent. Ensuite, il faut savoir que les bonnes places pour se poser facilement avec de l'intérêt scientifique pas loin, elles ont été répertoriées et il y en a environ treize, et les Chinois, de leur côté, les ont répertoriés aussi, et ce sont les mêmes, ce qui est logique d'ailleurs.

Et justement où va se poser cette mission, et à quoi va-t-elle servir ?

L'endroit où va se poser cette mission, c'est un endroit qui été assez peu exploré à ce stade. Odysseus va se poser dans le cratère de Malapert, qui fait 69 kilomètres de large, à 300 kilomètres du pôle Sud et, à côté du massif de Malapert. Ce qui est intéressant, c'est que ça fait partie des zones retenues pour faire les premières missions Artemis. Donc, en gros, ça va servir un peu à repérer le terrain. Il y a d'ailleurs pas mal d'expériences de la Nasa à bord de l'atterrisseur qui servent à mesurer ce qu'il se passe quand on se pose, voir comment on soulève la poussière lunaire. Donc c'est véritablement une mission qui emporte de quoi préparer les futures missions habitées.

Et l'Europe dans tout ça ? Elle a lâché la lune ?

Non, pas complètement parce que l'Europe est quand même le partenaire de premier plan du programme Artemis. Il faut savoir que la capsule Orion de la Nasa, qui va transporter les astronautes vers la Lune, ne peut pas aller vers la Lune sans le module de service de l'Agence spatiale européenne. Donc, les Américains ne vont pas vers la Lune sans l'Europe, très présente dans ce nouvel élan vers la Lune.

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