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Hibernation, canard en plastique et glaces d'eau : la folle épopée de la sonde Rosetta

La sonde Rosetta, lancée il y a dix ans par l'Agence spatiale européenne, va se mettre en orbite autour d'une comète pour une mission scientifique d'un an et demi.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Image d'illustration de la mise en orbite de la sonde Rosetta autour de la comète Tchourioumov-Guérassimenko, prévue pour le 6 août 2014. (AFP / CNES / ESA)

Son odyssée a duré plus de dix ans. La sonde Rosetta, qui a quitté le Centre spatial de Kourou (Guyane) le 2 mars 2004, va enfin atteindre son objectif et se mettre en orbite autour de la comète Tchourioumov-Guérassimenko, mercredi 6 août. Cette nouvelle étape de la mission de l'Agence spatiale européenne (ASE) doit permettre de poser pour la première fois un robot sur une comète, afin d'en étudier la composition.

Francetv info revient pour vous sur les grandes étapes de cette expédition spatiale sans précédent.

Etape 1 : se mettre en orbite à 400 millions de kilomètres de la Terre

Il a fallu plus de dix ans à Rosetta pour venir à bout de son long périple de plus de 6 milliards de kilomètres dans l'espace. Elle a fait cinq tours du Soleil durant cette période, afin de gagner en vitesse et de se placer sur la trajectoire de la comète Tchourioumov-Guérassimenko, qui doit passer près de notre étoile durant l'été 2015.

Après avoir photographié Mars en 2007, puis l'astéroïde Lutetia en 2010, comme le rappelle la Nasa (en anglais), la sonde a été mise en hibernation pendant 31 mois. L'ASE a été obligée de l'endormir en juin 2011, parce qu'elle s'était trop éloignée du Soleil. Rosetta a toutefois été réveillée le 20 janvier par les scientifiques, qui ont passé les derniers mois à vérifier que les appareils embarqués à son bord fonctionnaient correctement. Elle se trouvait à l'époque à 9 millions de kilomètres de la comète et avançait à une vitesse de 800 m/s (soit 2 880 km/h), rapporte l'AFP.

Rosetta a alors entamé plusieurs phases de ralentissement, afin que sa vitesse coïncide avec celle du noyau de la comète. Sans cela, la sonde "n'aurait fait que survoler la surface" de Tchourioumov-Guérassimenko, explique le Centre national d'études spatiales (Cnes), qui participe à la mission. Sa vitesse a maintenant été réduite à celle d'un marcheur, soit 1 m/s (3,6 km/h). La mise en orbite de Rosetta à 100 kilomètres de la comète, elle-même située à 400 millions de kilomètres de la Terre, sera retransmise en direct sur le site de l'ASE (en anglais), mercredi 6 août, à partir de 10h45 heure française.

Etape 2 : poser le robot Philae sur la comète

La prochaine étape de la mission spatiale européenne est aussi la plus critique : l'atterrissage. Durant les mois à venir, Rosetta va resserrer son orbite autour de la comète, jusqu'à se trouver à environ 10 kilomètres de son noyau. Le robot laboratoire Philae devra alors s'arrimer à Tchourioumov-Guérassimenko, début novembre.

Mais les ingénieurs européens pourraient rencontrer plusieurs difficultés lors de cette étape, à commencer par la sélection du lieu d'atterrissage. "Il faut prendre en compte de nombreuses considérations techniques et scientifiques", souligne Olivier Groussin, astronome au Laboratoire d'astrophysique de Marseille, contacté par francetv info.

Rosetta va prendre de nombreuses photos durant ses mois de rotation afin de cartographier le noyau de la comète et d'en étudier la forme particulière, qui pourrait compliquer la tâche des ingénieurs. Tchourioumov-Guérassimenko possède en effet un noyau composé de deux parties, qui ressemble vaguement à un canard en plastique, selon le Cnes. L'ASE a réalisé une animation 3D en vidéo afin de mieux visualiser cette comète très originale.

L'autre difficulté de l'atterrissage réside dans le risque de "dégazage" de la comète. "Lorsque la comète passe à proximité du Soleil, les glaces qui composent son noyau se 'subliment' : elles se transforment immédiatement en gaz", explique Olivier Groussin. En entraînant avec eux les poussières du noyau, ces gaz forment la chevelure de la comète. "Il serait compliqué de faire atterrir Philae dans une zone très active", poursuit l'astronome. Le risque serait en effet de voir le robot propulsé dans l'espace à cause d'un dégazage.

D'ici fin août, les scientifiques de l'ASE ont donc pour mission de sélectionner cinq lieux compatibles avec un potentiel atterrissage, grâce aux modèles 3D réalisés à partir des photos de la comète. Puis ils auront jusqu'à fin octobre pour déterminer le point exact où se posera le robot, une première historique. "Il a fallu deux ans aux équipes de Curiosity pour choisir un site d'atterrissage sur Mars. Pour Philae, nous aurons un mois", ajoute Philippe Gaudon, chef de projet pour la participation française à la mission, dans Cnes Mag (en PDF).

Etape 3 : étudier la composition de la comète

Une fois posé sur Tchourioumov-Guérassimenko, Philae effectuera des prélèvements sur le noyau de la comète, composé de poussières ainsi que de glaces d'eau, de glaces de dioxyde de carbone et de glaces de monoxyde de carbone. "Les comètes sont des corps qui se sont formés au moment de la naissance du système solaire : l'étude [des glaces très anciennes] qui les composent pourrait donc permettre de mieux comprendre comment les planètes se sont formées", détaille Olivier Groussin.

Selon l'astronome, les glaces d'eau de Tchourioumov-Guérassimenko pourraient en outre receler de précieuses informations sur l'apparition de l'eau sur Terre. De précédentes études sur les comètes ont révélé qu'elles contenaient des éléments proches de ceux de l'eau terrestre. "Philae tentera d'établir si notre eau est d'origine cométaire", explique Olivier Groussin.

Le robot laboratoire est muni de dix instruments, dont une foreuse et un microscope, qui lui permettront de récolter des prélèvements et de les étudier. "Les données enregistrées par Philae seront transmises par liaison radio aux différents groupes de scientifiques participant à la mission : chacun est responsable d'un instrument et analysera les données qu'il recevra", détaille Oliver Groussin. Les résultats obtenus seront ensuite mis en commun.

Philae réalisera une première série d'analyses grâce à sa pile, d'une autonomie de 50 heures environ, explique Cnes Mag. Une batterie solaire rechargeable prendra ensuite le relais, permettant au robot laboratoire de poursuivre ses recherches jusqu'à décembre 2015.

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