Le SMS fête son 20e anniVRSR
Voici l'histoire du SMS telle que contée dans The Guardian : "C'était il y a longtemps, avant Twitter, avant Facebook, dans un temps où les gens décrochaient un combiné ou entraient dans une cabine téléphonique pour passer un appel... ", narre le quotidien britannique. Autant dire la préhistoire des télécoms... en 1992.
C'est dans ce décor qu'aurait été envoyé le tout premier SMS. Par un certain Neil Papworth, ingénieur télécom, à l'un de ses collègues. C'est bientôt Noël. Nous sommes le 3 décembre. Papworth écrit en 15 signes : "Merry Christmas ". Il restera dans la petite histoire de ces minimessages comme le divin enfant du Short Message Service.
"En 97, 85% des gens disaient que le téléphone, c'était fait pour parler. Pas pour écrire !"
La réalité est plus prosaïque. Et la date anniversaire choisie, un peu hasardeuse. "La technologie du SMS est plutôt née en 1987 avec le développement du réseau GSM , explique Jean-Michel Huet, à l'époque chef de projet chez France Télécom, aujourd'hui expert chez BearingPoint. C'était un système de signalisation de maintenance, pour permettre aux ingénieurs de communiquer entre eux en cas du coupure sur le réseau par exemple ". Rien de grand public dans l'affaire. Mais le pager va passer par là -les Tatoo et Tam-Tam- connaissant un succès inattendu, même si de courte durée. De quoi réveiller les ambitions des opérateurs : et si, outre la voix, on offrait du texte ? Les usagers pourtant font la fine bouche : "On a réalisé des sondages dans lesquels 8 5% des gens répondaient que le téléphone, c'était fait pour parler. Pas du tout pour écrire , se rappelle Jean-Michel Huet. Incroyable, quand on voit qu'aujourd'hui, c'est presque l'inverse qui se produit ! "
L'offre SMS est néanmoins lancée pour de bon en 1997. À chaque opérateur, sa dénomination : SMS pour Orange, minimessage pour Bouygues et texto pour SFR. Les débuts sont laborieux, car vous ne pouviez écrire qu'aux abonnés de votre propre opérateur. Mais l'interopérabilité en 1999 fait tomber les barrières : à nous les SMS/textos/minimessages !
Les chiffres sont vertigineux. Selon l'Arcep, au deuxième trimestre 2012, les Français ont échangé 45,7 milliards de SMS, soit près de 30% de plus qu'en 2011 à la même période. Ca représente 242 texto en moyenne par personne et par mois (contre 91 seulement en 2009). Les moins de 25 ans pouvant faire chauffer leur clavier tactile, en en tapant jusqu'à 800 mensuels. Textos à rallonge : alors que les messages ont été longtemps limités à 160 caractères, on peut désormais laisser libre cours à son inspiration. Techniquement, un texto vaut toujours 160 signes, mais on peut en coller plusieurs, sans tronçonner sa prose.
Cette prose instantanée connaît le même engouement partout dans le monde. Selon le cabinet Strategy Analytics, plus de 4.000 milliards de SMS auraient été échangés dans le monde en 2011. Champions en la matière, les Philippines pour avoir proposé les SMS les moins chers au monde dès 1995. Mais, le spécialiste Jean-Michel Huet raconte sa stupéfaction quand il a découvert en Afrique, que de simples pêcheurs négociaient aussi, depuis leur bateau, par SMS, le prix de leur poisson, avant de rentrer au port.
Les raisons de ce succès ? Selon Jean-Michel Huet, "le système est simple, fiable, on peut garder ses messages et c'est un moyen de communication intergénérationnel idéal ".
160 caractères seulement, mais une sacrée manne pour les opérateurs. Ce fut en effet une bonne affaire, quand le SMS se payait à l'unité ou par forfait de 30 par mois. En 2008 notamment, le magazine en ligne Numerama avait calculé qu'un texto de 167 octets facturé 10 centimes coûtait en réalité à l'opérateur 0,000017 euro.
Le bénéfice néanmoins est nettement retombé depuis la multiplication des forfaits illimités. Reste tout de même une autre économie bien réelle -et bien rentable : celle des SMS surtaxés. La télévision en particulier en use et abuse en proposant aux téléspectateurs d'envoyer des SMS à 65 centimes d'euro pièce. Et que dire des spams, ces loteries fictives ou faux amis, qui vous invitent à répondre par des appels ou SMS surtaxés à votre insu.
C'est la question qui continue de diviser, même si de nombreux experts en linguistiques l'ont déjà tranchée. Non, "le langage SMS n'est pas l'ennemi des écrits scolaires ", dit le titre d'un passionnant article sur le site du CNDP. Ce serait même le contraire : les élèves SMistes auraient des compétences accrues en lecture, voire orthographe, par rapport aux non-SMistes. Une étude réalisée en Belgique à Louvain intitulée, Faites don de vos SMS à la science !, parle même des "trésors d'inventivité linguistique dont font preuve les usagers du SMS ". Quand le linguiste Alain Bentolila estime lui au contraire que les réseaux sociaux et les textos ont anémié la langue française.
Inventif ou anémié, ce langage n'en reste pas moins obscure à qui ne le pratique pas couramment. Sachez donc qu'il existe désormais des dictionnaires pour traduire ce jargon à mi-chemin entre argot et sténo, abréviations et homophonies, comme le dictionnaire-SMS.com.
Le SMS, tout à son apogée, en a-t-il encore pour longtemps ? Cet été, le phénomène se serait légèrement tassé. De quoi y voir les prémices d'un déclin ? L'expert Jean-Paul Huet n'y croit pas : "Moi, j'ai parié sur sa retraite en 2006 quand sont apparus le Chat et les services de discussion instantanée comme Messenger , confie-t-il, et en fait, non. Je pense qu'il a de beaux jours devant lui ".
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