Seconde Guerre mondiale : les heures sombres du Débarquement
Les cérémonies des 70 ans du Débarquement de Normandie vont réunir François Hollande, Barack Obama, Angela Merkel, Vladimir Poutine. La célébration d'un grand moment d'Histoire. En voici la face sombre. Des historiens ont travaillé sur le sujet. Il y a l'image d'Epinal du héros libérateur. Et il y a aussi des comportements longtemps passés sous silence.
Cette page peu glorieuse du débarquement ne figure pas dans les livres d'histoire. Elle débute dès juillet 1944, à la libération de Cherbourg. Le port en eau profonde permet enfin de décharger tout le matériel nécessaire à la poursuite de la guerre. Y travaillent jour et nuit, par milliers, des dockers, des manutentionnaires, des chauffeurs. Ce sont les soldats de l'arrière, ceux dont on ne parle jamais mais qui vont assurer la victoire des alliés. Sur les docks jusqu'au centre-ville, s'entassent de gigantesques dépôts à ciel ouvert.
Les caisses s'élevaient plus haut que la statue de Napoléon. On trouvait des boîtes de conserve, du savon, du ravitaillement. C'était assez ostentatoire pour les populations civiles de Cherbourg.
Aux yeux de gens pauvres et rationnés pendant l'Occupation, ces tonnes de marchandises, cigarettes, nourriture, vêtements, vont générer trafics et détournements.
25 % du matériel américain, en septembre 44, n'arrive pas au front, une catastrophe pour les Américains. Ils sont en flux tendu.
Là où la moindre goutte valait de l'or, le pétrole et l'essence arrivent à profusion sur cette jetée.
Faut imaginer des canalisations qui couraient sur ce quai. Les pétroliers accostaient sur cette digue de 800 mètres de long.
Un million de jerricanes d'essence disparaîtront en France. Une sorte de monnaie d'échange.
Il y avait un barème du troc. On échangeait 2 ou 3 jerricanes contre une bouteille de calva. Ce calva a aussi créé.
La catastrophe n'est pas encore la. Au début, les relations se passent bien entre civils français et soldats américains. Mais ces soldats de l'arrière qui stationnent dans la région ne sont pas des troupes combattantes Ils sont méprisés dans leur propre armée. Pour la plupart des Noirs, pauvres, dirigés par des officiers blancs.
C'était des soldats qui subissaient la discrimination, la ségrégation. Ils se sentaient injustement traités, ce qui était le cas.
Les soldats américains ont l'image de la femme française, femme facile et frivole. Pour contrer ce sentiment, l'état-major publie cet opuscule appelant a respecter la population féminine. Sans grand effet, en témoignent ces archives.
Ça n'a pas été respecté même si ça reste un phénomène a la marge. Les historiens ont recensé à peu près 200.000 viols entre juin 1944 et fin 1945, dans La Manche. On a quelques documents, c'est une décision américaine envoyée a l'administration française. Elle avertit que le 28 février 1945, à Etienville, un soldat américain a été condamné a la peine de mort pour viol sur une Française.
Madame François avait 20 ans à l'époque. Un jour d'hiver en 1944, elle passe dans le bas de Saint-Lô et découvre un attroupement.
Je pose la question: "qu'est-ce qui se passe ?" On m'a répondu: "c'est une exécution, on va pendre un soldat américain, il a violé une ou plusieurs femmes".
La plupart des soldats pendus ont été des noirs américains, jugés sommairement par des officiers blancs. Plus de 3.500 femmes ont été violées en France par les troupes américaines entre juin 44 et juin 45. L'immense majorité de ces femmes s'est tue. Une poignée d'entre elles a porté plainte. Ce qui a donné lieu à quelques dizaines de procès seulement.
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