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Vidéo "Affaires sensibles". Les écoutes de la République : que savait le président Mitterrand ?

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Temps de lecture : 4min
Article rédigé par France 2
France Télévisions

François Mitterrand a toujours nié leur existence. Pourtant, c'est pour protéger certains secrets de sa vie privée qu'un vaste réseau d'écoutes téléphoniques a été mis en place à partir de 1982. Des responsables politiques, des personnalités, des journalistes, des écrivains... ont été surveillés, des milliers de conversations enregistrées… hors de tout cadre légal. Que savait exactement le président Mitterrand de cette dérive ? Extrait du magazine "Affaires sensibles" du 13 décembre 2021.

"Il n'y a pas de service d'écoutes à l'Elysée. Il ne peut pas y en avoir. Je ne sais pas comment on fait, d'ailleurs, des écoutes." C'est en ces termes que François Mitterrand s'offusque, le 2 avril 1993, de la question d'un journaliste de la Radio télévision belge francophone (RTBF) – le seul à oser l'interroger sur "cette fameuse histoire des écoutes téléphoniques qui auraient été commandées par l'Elysée…". Avant de mettre sèchement fin à l'entretien, non sans manifester son mépris face à "un tel degré de vilenie".

C'est Libération qui a fait éclater le scandale un mois auparavant, en révélant que le journaliste Edwy Plenel a été mis sur écoute en 1985 et 1986. Bien vite, "le fil s'allonge", titre le quotidien la semaine suivante, dévoilant que 114 personnes (responsables politiques, hommes d'affaires, journalistes, avocats, éditeurs, écrivains... et même la comédienne Carole Bouquet) ont été écoutées pendant trois ans par une cellule placée sous l'autorité directe de l'Elysée. Et ce afin de protéger des secrets de la vie privée du président, tels l'existence de Mazarine, sa fille cachée, ou le cancer dont il se savait atteint. Mais à l'époque, personne ne peut affirmer que François Mitterrand joue la comédie lors de cette interview télévisée… Suite aux révélations du quotidien, une enquête a été confiée à un juge réputé pour sa rigueur, Jean-Paul Valat, mais les éléments tangibles manquent.

Le mystère de la dame en noir

C'est deux ans plus tard que "la dynamite explose", selon les mots du juge Jean-Claude Kross, qui présidait le procès des écoutes en 2004 : lorsqu'une mystérieuse femme en noir fait son entrée au palais de justice de Paris. "Il y a eu toutes les rumeurs, tous les fantasmes concernant cette fameuse dame en noir, sourit le magistrat. On ne sait toujours pas qui c'est au jour d'aujourd'hui…" Au gendarme en faction, elle remet une enveloppe destinée au juge Valat. A l'intérieur, cinq disquettes contenant les sauvegardes de plusieurs fichiers créés par la cellule antiterroriste. Près de 2 000 personnes recensées, plus de 3 000 conversations.

Une mention "Vu" authentifiée 

En 1997, nouveau rebondissement avec la découverte des archives personnelles de Christian Prouteau, le chef de la fameuse "cellule". Les enquêteurs saisissent des listings de personnes écoutées et, surtout, des transcriptions d'écoutes portant la mention "Vu", authentifiée comme étant de la main de François Mitterrand.

"Les choses sont claires à ce niveau-là: Mitterrand est à l'origine des écoutes, il surveille, il suit… C'est étonnant. C'est pour nous quelque chose qui a été une très grande surprise : à quel point il a été pointilleux sur ces écoutes téléphoniques."

Jean-Claude Kross, président de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris

dans "Affaires sensibles"

A l'époque, le ministre de l'Intérieur Pierre Joxe aurait été l'un des seuls à dire au chef de l'Etat qu'il fallait arrêter ces écoutes. Il témoigne dans ce document du magazine "Affaires sensibles", à voir le 13 décembre 2021. "Moi, je suis sorti de l'ambiguïté en disant : 'Il faut arrêter ça complètement et immédiatement'." La cellule ne sera dissoute qu'en 1988. 

"Même des gens très intelligents font des choses complètement idiotes ! C'était complètement idiot. Mitterrand était très intelligent, et il a laissé toute l'équipe de Prouteau, Esquivié et compagnie, faire des choses complètement idiotes et, à mon avis, totalement inutiles. Et dangereuses. Et illégales ! Et contraires à ses propres principes." 

Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur de juillet 1984 à mars 1986

dans "Affaires sensibles"

L'affaire des écoutes n'aura eu aucune conséquence directe sur le second mandat de François Mitterrand. Il meurt début 1996, un an avant la découverte du box de Prouteau, sans avoir jamais été interrogé par la justice. 

Extrait de "Les écoutes de la République", une enquête d’Emilie Lançon, Jérémy Frey et Jérôme Prouvost, à voir le 13 décembre 2021 dans "Affaires sensibles", un magazine présenté par Fabrice Drouelle et coproduit par France Télévisions, France Inter et l’INA d'après l'émission originale de France Inter.

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