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Baron du cannabis, Costa del Sol et penthouse de luxe... Qui est Sofiane Hambli, l'indic sulfureux des stups ?

Ce trafiquant de drogue, considéré comme l'un des plus gros importateurs de haschich en Europe, était aussi l'informateur de l'ancien numéro 1 de la lutte antidrogue. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 11min
Sofiane Hambli, le 19 novembre 2012, devant le tribunal de Mulhouse (Haut-Rhin).  (MAXPPP)

C'est un petit monde où chacun a son surnom : Mohamed Benabdelhak, dit "le bombé", Djamel Talhi, alias "Johnny Depp", Mohamed Bouarfa alias "l'autruche" et Sofiane Hambli, aka "la Chimère". Ce dernier, comme ses compères, appartient au cercle fermé des millionnaires du cannabis. Comme un certain nombre d'entre eux, il est actuellement derrière les barreaux.

Depuis son plus jeune âge, Sofiane Hambli alterne prison et vie de pacha, en France, en Espagne ou au Maroc. Cet homme de 40 ans, né en 1975 à Mulhouse (Haut-Rhin), est considéré comme l'un des plus gros importateurs de cannabis en Europe. Il est aussi, selon Libération et i-Télél'informateur de l'ancien numéro 1 de la lutte antidrogue, François Thierry. 

Un penthouse de 250 m2 avec piscine sur le toit

Son nom ressurgit à l'occasion de l'une des plus grosses saisies en matière de cannabis, en octobre 2015, à Paris. Sept tonnes de résine sont alors découvertes dans trois camionnettes garées boulevard Exelmans, dans le très chic 16e arrondissement. Une facture et des traces ADN conduisent les douanes jusqu'à Sofiane Hambli, qui occupe un penthouse de 250 m2 avec piscine sur le toit, boulevard Exelmans. Un environnement digne du célèbre film Scarface, LA référence cinématographique des caïds.

Le locataire, qui selon Libération réglait en cash le loyer de 9 000 euros par mois, s'est volatilisé. "C'est la plus grosse prise depuis longtemps", se félicite François Hollande. Problème, le trafiquant s'avère en réalité être un indic de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), enregistré au Bureau central des sources. Un "cador" du trafic international de drogue, "capable de toutes les audaces", selon une source judiciaire, et bien connu des services de police.

Le "baron de l'or vert" ou le "Mulhousien", ses deux autres sobriquets, a grandi à Bourtzwiller, un quartier de la ville haut-rhinoise. Il fait partie, selon le journaliste Jérôme Pierrat, de cette poignée de caïds des cités, qui se sont hissés avec une rapidité fulgurante au sommet du marché de la drogue, "au détriment des anciens du milieu traditionnel".

Shit, immobilier et voitures de luxe 

A 22 ans, Sofiane Hambli est déjà l'un des principaux revendeurs de haschisch marocain dans la région alsacienne. Il va échapper de peu à un coup de filet en juin 1997, dans le cadre d'une vaste opération anti-drogue menée par les gendarmes, baptisée "Paco68". Sofiane Hambli part en cavale, direction l'Espagne et sa Costa del Sol, un repère pour les trafiquants en tous genres. Comme l'écrit Le Monde, dans un dossier consacré au grand banditisme, les petits voyous devenus grands "ont élu ce bout de côte espagnole comme refuge. Porte d'entrée de l'Europe du Sud, c'est sur les plages alentour que se font, toutes les nuits ou presque, les livraisons de cannabis".

Sofiane Hambli se planque dans la ville andalouse de Marbella et sa jolie marina Puerto Banus, à quelques encablures du Maroc. Dans ce paradis pour célébrités et princes saoudiens, mais aussi pour groupes mafieux internationaux, le Français fait prospérer ses affaires. Selon Les Dernières nouvelles d'Alsace, il réinvestit dans l'immobilier et le négoce de véhicules haut de gamme l'argent provenant du trafic de shit. Belles filles, belles voitures, belles villas... Sofiane Hambli mène la grande vie.

La justice française, elle, ne l'oublie pas. En juillet 1999, il est jugé et condamné par défaut à huit ans de prison pour trafic de haschich. Il faudra trois ans aux autorités judiciaires pour remettre la main sur l'affranchi. En mai 2000, la saisie de 300 kg de drogue à Vienne (Isère) permet de retrouver sa piste. Il est finalement arrêté en Espagne puis extradé en France en février 2002. Sofiane Hambli fait immédiatement opposition au jugement qui l'a condamné à huit ans de prison. Sa peine est ramenée à cinq ans de prison trois mois plus tard.

Trafic en prison puis évasion

C'est dans ce contexte qu'il rencontre l'avocat Alex Civallero. Joint par francetv info, ce dernier se souvient d'un jeune "très actif, souriant, avec un contact facile". Son client le tutoie d'emblée. Et se montre averti en matière de procédure.

Il sait ce qu'il peut tirer d'une personne. Il est manipulateur.

L'avocat Alex Civallero

à francetv info

Pas question, pour Sofiane Hambli, d'arrêter son business derrière les barreaux. En juin 2002, un téléphone portable est découvert dans sa cellule de la prison de Mulhouse, ce qui lui vaut d'être transféré à Saint-Mihiel, dans la Meuse. Le détenu est alors placé sur écoute. Les enquêteurs l'entendent négocier la vente de "50 caisses" à un intermédiaire, et promettre à un acolyte de lui "trouer les genoux avec une perceuse" après le vol supposé d'une tonne et demie de marchandise.

Selon les DNASofiane Hambli charge son petit frère Hakim de récupérer des dettes auprès d'une dizaine de Marocains et d'Espagnols, pour un total de 6 millions d'euros. En octobre, il est mis en examen pour trafic de haschich, avec la complicité de sa famille... et de son avocat. Alex Civallero, renvoyé devant la justice pour lui avoir transmis des puces de téléphone contre rémunération, sera finalement relaxé.    

En août 2003, Sofiane Hambli, qui purge désormais sa peine à Metz-Queuleu, prétexte des douleurs au poignet. Il est transféré à l'hôpital pour une radiographie. A la sortie de la consultation, un homme à moto surgit et menace les surveillants avec une arme factice. Sofiane Hambli saute à l'arrière du deux-roues et les deux hommes prennent la fuite. 

Opération "baleine blanche"

Le Mulhousien s'envole de nouveau vers la Costa del Sol et reprend ses affaires. Il échappe à plusieurs tentatives d'arrestation. En 2004, les policiers espagnols mènent une opération contre son équipe au cours de laquelle trois tonnes de cannabis sont saisies. Interpellé, Sofiane Hambli réussit tout de même à s'enfuir après une fusillade durant laquelle un policier est blessé par balle. En 2005, une cinquantaine de personnes sont arrêtées et plus de 200 propriétés et véhicules de luxe saisis lors de l'opération "baleine blanche", la plus grosse jamais organisée contre le crime organisé et le blanchiment d'argent sur la Costa del Sol. Là encore, Sofiane Hambli échappe au coup de filet. Mais comme l'indique Le Parisien, plusieurs documents saisis attestent qu'il trempe dans plusieurs affaires immobilières louches autour de Marbella. 

En attendant, la justice suit son cours. En mars 2007, il est condamné par défaut à dix-huit ans de prison pour le trafic de drogue en prison. Deux ans plus tard, les policiers espagnols retrouvent sa trace. Sofiane Hambli réapparaît en Espagne après s'être caché quelques mois au Maroc. Localisé à Benahavis, un village situé sur les hauteurs de Marbella, il est interpellé lors d'un déplacement en bord de mer. L'arrestation est mouvementée. Le fugitif, en possession d'un faux passeport et de 210 000 euros en liquide, tente d'effacer ses empreintes digitales en se frottant les doigts sur les barreaux de sa cellule. Selon i-Télé, c'est pendant sa détention en Espagne que Sofiane Hambli a été recruté par François Thierry, alors directeur de l'OCRTIS.

Extradé vers la France, il est incarcéré au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville en janvier 2011. Jugé en sa présence, cette fois, il voit sa peine de dix-huit ans de prison ramenée à treize ans. Sofiane Hambli est alors défendu par Anne-Claire Viethel, spécialiste en droit immobilier. Selon Libération, elle est aussi accessoirement la compagne de François Thierry. L'Est républicain rapporte que le gros bonnet devient un détenu modèle et reçoit la visite de "costumes-cravates" en prison. Il profite de passe-droits, comme un portable dans sa cellule. A la fin 2014, après cinq ans et dix mois de détention, il bénéficie d'un régime de semi-liberté et rejoint la région parisienne.

"Logisticien" hors pair

Qu'a-t-il fait depuis sa libération complète en 2015 ? Nul doute que ce "logisticien" hors pair dans le transport de la drogue entre le Maroc et la France a remis le pied à l'étrier. L'a-t-il fait en partie pour le compte des stups de la police judiciaire ? La question fait grincer des dents au sein des hautes instances de la lutte anti-drogue, régulièrement secouées par des affaires illustrant les relations dangereuses entre "tontons" et "policiers". Un risque proportionnel à la place de l'informateur dans la hiérarchie de la voyoucratie. 

On n'a jamais eu un indic avec une piscine sur le toit en plein Paris !

Un ancien cadre de la PJ de Lyon

à francetv info

Une guerre des polices est à l'œuvre quant à la place des indics dans les enquêtes. Et la saisie des 7 tonnes de cannabis en plein Paris en est un épisode supplémentaire. Selon plusieurs sources, les douaniers ont volontairement court-circuité cette "livraison surveillée" de l'OCRTIS pour dénoncer les méthodes de leurs collègues, qui flirtent avec la légalité. Ces "coups d'achat" visent à laisser passer une certaine quantité de drogue sur le territoire, avec la complicité d'un trafiquant-indic, en vue d'interpeller le réseau de revendeurs. Mais dans le cas de l'affaire des sept tonnes, aucune interpellation n'a eu lieu, si ce n'est celle de Sofiane Hambli, arrêté le 22 février dernier à Gand (Belgique).

Extradé par hélicoptère comme Salah Abdeslam

Le baron de la drogue a été extradé, sous haute surveillance, par hélicoptère de la Belgique vers la France, quelques jours avant Salah Abdeslam. Les deux hommes ont d'ailleurs été représentés par le même médiatique avocat, Sven Mary. En France, c'est Joseph Cohen-Sabban qui assure la défense de Sofiane Hambli. Sollicité par francetv info, il a refusé de parler au nom de son client, indiquant avoir "reçu un mandat très précis à cet égard". Devant les enquêteurs, Sofiane Hambli "est resté très évasif, laissant simplement entendre qu’il avait toujours agi sous les ordres de l’OCRTIS", indique Libération.

"Ce mec a 40 millions d’euros sur des comptes un peu partout en Europe. Ils lui ont créé un réseau logistique d’importation. Pourquoi ?", s'interroge un ancien responsable des stups auprès de francetv info. Et de s'inquiéter pour les suites judiciaires de l'affaire : "Hambli parle de l’OCRTIS comme de ses 'employeurs'. Il risque dix-huit ans de prison, il n'hésitera pas à aller raconter des saloperies sur les policiers." Alex Civallero estime, au contraire, que son ancien client "saura se faire discret et se montrer conciliant, pour s'extirper de la situation". Sofiane Hambli n'est sans doute pas fini. 

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