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Choix d'orientation genrés : "Ils sont stéréotypés parce que le marché du travail est stéréotypé", pointe du doigt une sociologue

D'après les informations recueillies par France Inter, le gouvernement compte relancer la lutte contre les stéréotypes de genre à l'école. Pour Marie Duru-Bellat, autrice de "La Tyrannie du genre", il faut "conscientiser les enseignants" sur ce sujet.

Article rédigé par franceinfo
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Une élève écoute un professseur dans une classe le jour d ela rentrée dans un école élémentaire à Paris, le 2 septembre 2019. Photo d'illustration. (MARTIN BUREAU / AFP)

Le gouvernement veut relancer la lutte contre les stéréotypes de genre à l'école. Selon France Inter, le ministre de l'Education nationale et sa collègue chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, ont entamé un travail sur le sujet, et en discutent avec les syndicats et les enseignants. Un travail essentiel, selon la sociologue Marie Duru-Bellat, professeur émérite à Sciences-Po. L'autrice de La Tyrannie du genre estime, mercredi 7 septembre sur franceinfo, qu'il faut "conscientiser les enseignants". D'après elle, "le stéréotype du genre est très insidieux" et se ressent dans les choix d'orientation faits par les élèves, "aussi parce que le marché du travail est stéréotypé".

franceinfo : Est-ce que cette tyrannie s'exerce aussi et d'abord peut-être à l'école ?

Marie Duru-Bellat : L'école, c'est le lieu où les jeunes rencontrent leurs pairs et les enseignants. Le problème des stéréotypes, c'est qu'ils sont partagés par les adultes et les jeunes et que cela va entraîner un tas de phénomènes négatifs dans le quotidien des classes. Le stéréotype de genre s'illustre de deux manières : déjà les enseignants vont avoir des attentes différentes, souvent inconsciemment par rapport aux élèves garçons et filles. A l'école primaire, si on demande aux enseignants de faire des projets pour les élèves, ils vont de façon inconsciente, être plus ambitieux côté scientifique en ce qui concerne les garçons, plutôt que les filles. Du côté des élèves, ils savent bien, qu'étant une fille ou un garçon, ils sont censés réussir plus ou moins dans un domaine. C'est ce qu'on appelle "la menace du stéréotype".

Est-ce que le stéréotype du genre se ressent dans les choix d'orientation ?

Les orientations sont stéréotypées, aussi parce que le marché du travail est stéréotypé. Pour s'orienter dans un domaine, il faut qu'on puisse imaginer. Si, autour de soi, on ne voit que des conducteurs de machines d'un côté, que des infirmières de l'autre, ça va jouer. C'est un phénomène qui s'explique en partie par l'extérieur. Et donc, c'est peut-être plus difficile à changer. Souvent, c'est inconscient. Malgré tout, quand on fait des sondages auprès des adultes en France, il y a encore un pourcentage important d'adultes qui disent que si les filles et les garçons ne réussissent pas pareil en mathématiques, c'est à cause du cerveau. Le stéréotype du genre, c'est très insidieux.

Comment peut-on lutter ?

Il faudrait déjà "conscientiser" et notamment que les enseignants soient "conscientisés". Il faut faire discuter les jeunes des stéréotypes parce que certains pensent "que les choses sont comme ça". Pour certains, c'est évident qu'une fille ne va pas aimer jouer au foot par exemple. Conscientiser les gens, c'est quand même un premier pas et c'est ce que le ministère va essayer de faire. Ils ont essayé de lancer des programmes il y a quelques années, il y avait eu des réactions sociales parce que tout le monde n'est pas forcément d'accord avec l'idée qu'il faut casser les stéréotypes. C'est aussi là une source de leur maintien.

Les choses évoluent-elles malgré tout ?

Cela fait une quinzaine d'années qu'on parle des stéréotypes. En même temps, la situation des femmes évolue : la place des femmes dans la vie politique, par exemple. En 20 ans, il y a eu un changement radical, donc ça ne peut pas ne pas affecter les stéréotypes. Dans la vie professionnelle, ça évolue peut-être plus doucement. À l'école, cela évolue aussi doucement. C'est une question de perspective temporelle. Sur le long-terme, les évolutions sont spectaculaires. Il faut toujours se dire que ce n'est pas en faisant une action que tac ! au bout d'un an, on aura le changement, c'est sûr.

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