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"Un courage absolument incroyable", "un immense exemple"... De nombreuses réactions de militantes féministes après la mort de Gisèle Halimi

Avocate, femme politique et écrivain, Gisèle Halimi, décédée mardi à 93 ans, a fait de sa vie un combat pour le droit des femmes. De nombreuses personnalités lui rendent aujourd'hui hommage.

Article rédigé par franceinfo
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Gisèle Halimi, lors d'un colloque à Paris, en novembre 2008. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Les réactions sont nombreuses après la mort de Gisèle Halimi, grande figure du féminisme en France, mardi 28 juillet. L'avocate s'était notamment beaucoup engagée pour le droit à l'avortement au début des années 70. Plusieurs personnalités ont témoigné sur franceinfo de leur émotion à la suite de cette disparition.

"Un modèle" pour les avocates de sa génération

"Elle avait un courage absolument incroyable, c'était une femme déterminée", a notamment déclaré Caroline Mécary, avocate au barreau de Paris, "infiniment triste" après l'annonce du décès de Gisèle Halimi à 93 ans. Gisèle Halimi "faisait partie de ces avocats qui savent pertinemment que le droit est aussi politique, qui savent qu'il faut savoir utiliser le prétoire à bon escient pour faire bouger les lignes de la loi", a estimé Caroline Mécary.

Elle explique que grâce aux affaires défendues par Gisèle Halimi, "on a pu avancer sur l'avortement et ensuite sur la définition du viol". "C'était une avocate engagée, mais qui avait aussi une conscience politique qui lui permettait de servir la cause qu'elle défendait, la cause des femmes, de l'égalité entre les femmes et les hommes", poursuit l'avocate, rappelant que Gisèle Halimi "a fait partie de cet appel des 343 qui ont indiqué avoir elles-mêmes pratiqué un avortement" et "ensuite elle n'a pas cessé de mener des combats féministes". Caroline Mécary la considère comme "un modèle" pour les avocates de sa génération.

Elle a "réussi à expliquer aux gens ce qu'était l'avortement"

"C'était une très grande avocate, elle avait mis son talent au service des femmes", a témoigné de son côté Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. "Notamment au début des 1970, pour le fameux procès Bobigny (1972), un procès avec un fort écho médiatique au sujet de l'avortement. Mais aussi lors d'un procès de viol à Aix-en-Provence (1978). Elle est un immense exemple pour la Fondation des femmes, nous sommes particulièrement attristées."

À chaque fois, elle utilisait son talent pour faire avancer le droit pour toutes.

Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes

à franceinfo

Anne-Cécile Mailfert précise sa pensée à propos de ce fameux procès de Bobigny, qui a contribué à rendre possible la loi Veil autorisant l'IVG en 1975. "Grâce à ce procès de Bobigny, elle a permis une prise de conscience de la population, a assuré la militante. Le procès s'intéressait à l'histoire de Marie-Claire, 16 ans, qui avait avorté après avoir été violée. Gisèle Halimi, grâce à la médiatisation du procès, a réussi à expliquer aux gens ce qu'était l'avortement. Elle a su déclencher quelque chose et faire basculer l'opinion. Les politiques avaient aussi besoin de ça pour faire passer le texte, que Simone Veil a ensuite réussi à faire passer à l'Assemblée nationale pour dépénaliser l'avortement."

"Une ténacité et un engagement féministe tout à fait exemplaires"

"Un modèle pour toutes les féministes aujourd'hui", c'est aussi ce qu'a estimé Céline Piques, la porte-parole d'Osez le féminisme. "Elle nous inspire beaucoup, son parcours, aussi bien d'avocate que de femme politique, a été d'un incroyable courage", poursuit la militante, qui salue "une militante exceptionnelle, avec une ténacité incroyable". "On se bat exactement pour les mêmes choses", souligne-t-elle.

Nous nous inspirons de ses méthodes : questionner le droit quand celui-ci est injuste et peine à condamner les violeurs et les agresseurs sexuels, comme c'est encore le cas aujourd'hui.

Céline Piques, porte-parole d'Osez le féminisme

à franceinfo

Parmi les procès qui ont marqué la carrière de Gisèle Halimi, Céline Piques cite "le cas de ces deux jeunes femmes lesbiennes qui avaient subi un viol d'une extrême violence". "Elle les a défendues avec une ténacité et un engagement féministe tout à fait exemplaires", œuvrant pour la loi de 1980 qui reconnaît que le viol est un crime. "On est dans ce qu'on appelle la culture du viol", "faire croire que les femmes sont des menteuses, que les femmes exagèrent". Pour la porte-parole d'Osez le féminisme, "ce renversement incessant, on le voit encore aujourd'hui, que ce soit les affaires Darmanin ou bien le cyberharcèlement que subit Alice Coffin, lesbienne également".

"C'était une lionne"

La comédienne Françoise Fabian, qui a milité auprès de Gisèle Halimi, a également salué la mémoire de l'avocate féministe : "C'était une lionne, elle était fantastique. Elle avait des arguments imparables." L'actrice avait témoigné à l'occasion du retentissant procès de Bobigny en 1972. Gisèle Halimi était l'avocate de Marie-Claire Chevalier, 17 ans, accusée d'avoir avorté après avoir subi un viol : "Je me souviens très bien. Il y avait Simone de Beauvoir, il y avait Michel Rocard qui nous soutenait beaucoup. J'avais témoigné. J'avais fait un scandale, parce que j'avais dit que si j'avais une fille de 15 ans enceinte, je l'aurais fait avorter", s'est souvenue sur franceinfo Françoise Fabian.

Le juge me disait 'Taisez-vous madame ! Non je ne me tairai pas.

Françoise Fabian

à franceinfo

Françoise Fabian se souvient de la dureté du combat pour gagner le droit à l'avortement : "Il fallait se battre. C'était une bagarre, une bataille, et Gisèle a mené cette bataille formidable avec Simone Veil." La pilule, symbole de liberté pour beaucoup de femmes à l'époque, ne s'est pas imposée facilement dans la société française, relate la comédienne : "Il fallait aussi que les jeunes filles demandent l'autorisation aux parents. Les parents devaient leur acheter. Ce n'était pas elles qui pouvaient aller dans une pharmacie acheter des pilules. Pour faire comprendre cela aux gens, c'était assez incroyable", se souvient-elle.

"Ce qui me désespère maintenant, c'est qu'il y a des gamines de 14 ans qui avortent alors que nous avons lutté bec et ongles pour que les filles se préservent", a finalement regretté Françoise Fabian.

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