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A Grigny aussi, on prépare le bac

A deux jours du début des épreuves du baccalauréat 2015, France Info vous emmène dans le quartier de la Grande Borne, à Grigny, dans le département de l'Essonne. Là-bas, les jeunes lycéens misent sur ce diplôme pour faire oublier les préjugés sur la banlieue, les cités, et autres délinquance de rue. Les heures sont comptées, voilà pourquoi la mairie vient de lancer sa grande "opération révision".
Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Pour se donner toutes les chances de réussir, beaucoup de jeunes lycéens de Grigny comptent sur le BAC, passeport vers les études supérieures © Radio France/ Benjamin)

Les classeurs sont ouverts, les trousses bien garnies, les surligneurs de toutes les couleurs. L'ambiance est studieuse à la Médiathèque Victor Hugo, dans le quartier de la Grande Borne : "l'opération révision" bat son plein. Horaires élargis pour accueillir les candidats au BAC, des séances de sophrologie pour les plus stressés, et surtout ces tutorats assurés bénévolement par les grands du quartiers pour approfondir les points du programme qui paraissent encore obscurs.

Travailler, et dédramatiser

Pour les maths il faut s'accrocher. Amine en est le tuteur, il a 19 ans, étudiant en économie-gestion en 2eme année à Paris-Dauphine, il est titulaire d'un BAC scientifique mention Très Bien, et il est là pour dédramatiser. "Notre objectif ici c'est de leur donner l'envie de réussir, le goût de l'excellence, on essaie justement d'effacer les barrières que se mettent les étudiants eux-mêmes".

"on essaie justement d'effacer les barrières que se mettent les étudiants eux-mêmes", Amine, tuteur à Grigny
  (Ambiance studieuses pour les jeunes lycéennes de Grigny, à quelques jours du BAC © Benjamin Illy/France Info)

Des barrières, celles de la cité, d'un territoire où le chômage touche plus de 30 % des jeunes. Réussir ses études, son BAC serait plus difficile à Grigny ? Le sujet fait débat, parmi ce groupe de jeunes filles du quartier : Syra, Fatouma, Mariam, Kadija ont 17 ou 18 ans, elles révisent leur droit : 

  • "Il y a des portes qui sont fermées, donc il faut bien qu'on les ouvre pour nos petits frères, nos petites soeurs. Ils (les employeurs) ne nous prennent pas partout, je ne sais pourquoi, peut-être qu'ils ont peur qu'on soit dangeureux" .  

  • "On n'aura jamais les mêmes chances qu'eux, parce que déjà si tu mets sur un CV que tu viens de Grigny c'est mal vu déjà. Tu ne seras jamais prioritaire par rapport à quelqu'un qui vient de Paris 16e" .

  • "Non je ne suis pas d'accord, je pense qu'on a les mêmes chances que les autres, pourquoi on n'aurait pas les mêmes chances que les autres ? On passe le bac comme les autres !"
Le débat sur l'égalité des chances à l'école s'installe entre Syra, Kadija, Fatouma et Mariam

Nadira, 22 ans, BAC + 4, étudiante brillante en école de commerce, a grandi à Grigny. Elle milite au sein de l'association "Grigny a du talent". Ce jour-là, elle assure le tutorat en histoire-géographie. Elle est formelle, quand on vient de banlieue, "il faut se battre deux fois plus qu'ailleurs". "Je me souviens d'ailleurs quand je passais mon BAC, ma mère me disait 'tu sais Nadira, tu vas réussir, tu peux réussir, c'est juste qu'il faut que travailles deux fois plus que les autres".

  (Nadira, membre de l'association "Grigny a du talent", s'occupe des révisions d'histoire-géographie © Benjamin Illy/France Info)

Ce diplôme, pour Nadira, c'est "aussi un moyen de passer les frontières. C'est une sorte de visa en fait, de visa pour le monde extérieur. On est plus dans notre microcosme, on a la possibilité d'aller à l'université, de faire une prépa, un BTS, un DUT. Je crois que le mot c'est d'être 'pro-actif'".

Le BAC, c'est "aussi un moyen de passer les frontières. C'est une sorte de visa en fait, de visa pour le monde extérieur" selon Nadira, diplômée et tutrice pour les lycéens de Grigny

Pro-actif, se prendre en main, être à l'initiative. Mélissa, 17 ans, jeune grignoise qui prépare un BAC ES, a le bon profil. Elle et son voisin Ayoub, 18 ans, partagent le même avis sur les chances qui sont les leurs pour ce diplôme et pour la suite : "tout le monde a les capacités de réussir, après il y a plusieurs choses qui interviennent. Ca peut être familial, ou bien l'influence du quartier, aussi."

Mélissa confirme : "j'ai grandi ici, j'ai vu comment ça se passe quand on n'a pas de diplôme. Je vois beaucoup de garçons qui traînent, qui ne font pas des choses légales, mais nous on va réussir, on a tous les moyens, on a l'école gratuite et laïque. on a cette bibliothèque-là. Quand on n'a pas beaucoup d'argent, on ne peut pas investir dans notre capital culturel, or le capital culturel c'est très important pour réussir à l'école, comme disait Bourdieu (rires) C'est juste qu'il ne faut plus qu'il y ait de la discimination, s'il n'y a plus de discrimination, on sera les meilleurs !"

"Quand on n'a pas d'argent, on ne peut pas investir dans notre capital culturel", estime Mélissa, jeune grignoise de 17 ans

Mélissa veut faire mentir les chiffres qui assène que près d’un jeune sur deux à Grigny sorti du système scolaire est sans diplôme. Mais derrière sa belle assurance, Mélissa a tout de même la pression : "J'ai envie de pleurer (rires), des fois je suis démoralisée, je me dis que je ne vais pas l'avoir... je suis nulle en maths !"

  (Le quartier de la Grande Borne, à Grigny dans l'Essonne, compte quelque 12.000 habitants © RADIO FRANCE/Benjamin Illy)

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