: Vidéo Harcèlement scolaire : face à ce "phénomène de meute", Nora Fraisse, la mère d'une victime, prône une "approche globale"
Nora Fraisse a créé une association et deux "maisons Marion". Elle y reçoit les harcelés mais aussi les harceleurs qui vont passer "trois jours avec nous. C’est la justice réparatrice".
"Le harcèlement, c'est un phénomène de groupe et de meute", a expliqué jeudi 18 novembre sur franceinfo Nora Fraisse, fondatrice de l’association Marion, la main tendue. Sur le 3020, la plateforme d'écoute dédiée, le nombre d'appels augmente année après année. La fille de Nora Fraisse, Marion, s’est suicidée à 13 ans, victime de harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux. "Si la France s'empare du sujet, on va éradiquer" le phénomène, assure-t-elle. Elle prône pour cela, "une vraie politique de prévention".
franceinfo : Que vous disent les personnes qui contactent votre association ?
Nora Fraisse : Elles nous appellent et nous disent qu'elles sont démunies et qu’elles cherchent des solutions. Et souvent, elles nous disent qu'on est leur dernier recours et leur dernier espoir. Elles ont frappé à beaucoup de portes. Elles ont appelé beaucoup de numéros. Elles ont tenté beaucoup de choses. Quand vous êtes face à la violence que subit votre enfant, vous êtes dans le désarroi, vous êtes démunis, vous avez besoin d'aide et le peu d'énergie qu'il vous reste ne doit pas être consacré à taper sur des portes ou à tenter d'avoir quelqu'un au téléphone. Vous avez besoin d'être accompagné. C'est l'objet de notre structure. Je l'ai fait parce que nous-mêmes, quand on a perdu Marion, on était démunis. Et on a eu la chance d'être très entourés par des gens. On n'est pas un numéro d'appel. On est une structure d'accueil, de répit, de prise en charge, parce qu'on sait que si les parents ne vont pas bien, où les tuteurs légaux, on ne peut pas aider son enfant à se reconstruire et la fratrie non plus.
Comment détecter que votre enfant est victime de harcèlement scolaire ?
C'est encore plus dur parce que nous-mêmes, les adultes, on ne dit pas les choses, on ne verbalise pas. Pour détecter, chez les enfants, c'est un changement brutal de comportement. C’est vraiment votre enfant qui a décidé malgré lui de ne plus aller en cours. Donc, la phobie sociale ou la phobie scolaire. De changer de chemin parce qu'on sait que beaucoup, beaucoup de violences ont lieu sur le chemin de l'école.
"La dernière enquête de victimation 2017 auprès des collégiens rappelait que 30 % environ se sentaient en insécurité aux abords ou autour de l'établissement."
Nora Fraisse, mère de Marion qui s'est suicidée à 13 ansà franceinfo
Cela veut dire près des abribus, en allant à l'école, en revenant de l'école. Et seulement 10 % dans l'établissement. C’est là qu'il faut avoir un focus. Ayez un focus sur le chemin qui amène votre enfant de chez vous à l'école. C’est vraiment un changement, un désinvestissement scolaire. Mais on oublie le surinvestissement scolaire. Parfois, on se plonge dans ces études parce que tout simplement, on n'a pas d'amis, on n'a personne, on est seul. Et ne dites pas à un enfant : Trouve-toi tes amis, tu vas trouver des solutions. C'est à nous de l'entourer, de l'accompagner. Le harcèlement, c'est un phénomène de groupe et de meute. C’est très important de le dire. C’est un harcèlement, qui est complètement différent de tous les harcèlements que l’on peut vivre. Pour que cela s'arrête, il faut s'intéresser à la meute et au groupe. Si on ne s'intéresse qu'aux harceleurs potentiels, on passe à côté du sujet.
Le programme pHARe pour lutter contre le harcèlement scolaire repose sur la prévention. C’est la principale solution ?
Oui, parce qu'en France, on n'a pas une politique de prévention. On est toujours à éteindre le feu, à se dire "c'est grave". Mais on connaît les solutions. C'est une vraie politique de prévention. C'est cette approche qu'on appelle globale et systémique, c'est-à-dire qu'on a compris qu'en fait, si on s'intéresse à tous les sujets et tous les éducateurs autour de l'enfant, et du phénomène de groupe et de meute, on peut s'en sortir. pHARe c'est le plan de prévention du harcèlement à l'école. Dès le premier degré, dès 6 ans, parce que souvent, au collège, les réflexes sont bien installés. Le harcèlement existe pour certains depuis cinq, six ans et s'ajoute le téléphone portable. pHARre, c’est dix élèves ambassadeurs dans chaque établissement, c’est la formation des enseignants en continu, et une plate-forme.
Vous ouvrez une deuxième Maison Marion pour accueillir les victimes, mais aussi les harceleurs. Pourquoi ?
C'est un phénomène triangulaire le harcèlement, des personnes cibles, la meute, donc les agresseurs, et puis, les témoins. On a besoin de les accompagner.
"On sait que si on ne prend pas en charge très rapidement le harcèlement et les harceleurs, on va avoir des conséquences à long terme, des 'polyexclus', du 'caïdage'."
Nora Fraisseà franceinfo
Donc on les reçoit. On les prend en charge. Pas le très gros harcèlement, mais les suiveurs et le début des harceleurs. Et il passe trois jours avec nous. C’est la justice réparatrice. Ils s'engagent à devenir des ambassadeurs contre le harcèlement. J’invite tous les jeunes, tous les parents, à devenir des ambassadeurs également. C'est une approche globale et systémique. Et surtout, pour trouver des solutions, il faut s'attaquer à la racine. Et puis avoir un comportement et des postures plutôt sociables, travailler sur l'humanisme et développer les compétences psychosociales et comportementales. Ce n'est pas une méthode miracle, ce n'est pas le programme miracle. Mais si la France s'empare de ce sujet-là, vous verrez qu'on va éradiquer le harcèlement scolaire.
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