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Professeur de mathématiques, un métier qui n'attire plus : "Je ne ferai absolument pas ça dans ma vie"

Tous les postes ouverts aux différents concours, dont le Capes, pour devenir professeur ne seront pas pourvus cette année. Il n'y a notamment pas assez de postulants en mathématiques. Et ça n'étonne pas les étudiants et leurs professeurs de l'Université Lyon 1.

Article rédigé par Mathilde Imberty
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un professeur de mathématiques en classe. Photo d'illustration. (MICHÈLE CONSTANTINI / MAXPPP)

"Non, je suis pas du tout étonné qu'il y en ait de moins en moins !" Jérôme est étudiant en master de mathématiques appliquées à la biologie et à la médecine à l'université Lyon 1. Lui-même se destinait au métier de professeur de mathématiques, puis il a renoncé. "J'ai fait un EAP [contrat d'apprentissage pour futurs professeurs], on accompagne un professeur entre six et huit heures par semaine, explique-t-il. Ça a été très instructif sur le fait que je ne ferai absolument pas ça dans ma vie." Jérôme déplore "la considération que la société a pour les professeurs, qui est très basse, les salaires qui ne sont absolument pas mirobolants", mais aussi le fait que "globalement, on va donner raison aux parents" qui contestent les décisions.

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Cette année, environ 800 candidats sont admissibles au concours de recrutement des enseignants en mathématiques pour plus de 1 000 postes ouverts. Et ça n'est pas étonnant non plus pour Titouan. L'étudiant est dans la même promotion que Jérôme, et préfère lui aussi poursuivre en thèse, quitte à revenir au concours plus tard.

"J'avais surtout envie de voir ce que donnait le milieu à la fois de la recherche et éventuellement de l'entreprise parce qu'on a accès à ce genre de poste avant de dire 'ma vie, ça va être ça'."

Titouan, étudiant en master de mathématiques appliquées

à franceinfo

Il y a tout de mêmes quelques étudiants motivés pour enseigner, dont Antoine et Julien, actuellement en troisième année de licence. Le fait qu'ils aient de grandes chances d'être acceptés les rassure. "C'est ça d'être dans les mathématiques, c'est qu'on est sûr d'être pris à la fin, sourit Antoine. D'autant plus que les mathématiques, si j'ai bien compris, vont devenir un peu obligatoires au lycée à la rentrée, donc je suis vraiment motivé. J'espère ne pas être déçu une fois sur le terrain avec les élèves."

"Pour moi c'est la plus belle des sciences, s'anime Julien, parce que c'est vrai que sans cette science, peu de choses auraient été découvertes. Je trouve que c'est un très beau métier. Ce n'est pas forcément très bien payé, mais je pense que dans la vie, il faut faire un métier qui nous plaît avant tout."

Un manque de culture scientifique en France

Qu'est ce qui explique le manque d'attrait pour le Capes en mathématiques ? Enseignant chercheur à l'université Claude-Bernard Lyon 1, Laurent Pujo-Menjouet évoque le manque de culture scientifique dans le pays. "On a des ministres de l'Éducation qui nous demandent à quoi ça sert de faire des maths, déplore l'enseignant chercheur. Vous comptez combien il y en a qui ont un background scientifique, mais il n'y en a aucun."

"Claude Allègre, qui était prof de géologie, nous a dit que les maths, ça ne sert à rien, puisque maintenant, on fait tout par des calculettes, donc on n'a pas besoin de cours de maths."

Laurent Pujo-Menjouet, enseignant chercheur

à franceinfo

"Quand on se voit avoir un ministre qui ne comprend pas trop cet enjeu-là, cette passion de cette découverte, de l'intérêt, de la curiosité... Les maths ce n'est pas que construire des figures géométriques. C'est comment modéliser, poursuit Laurent Pujo-Menjouet. Je travaille sur la modélisation même des relations amoureuses, donc on arrive à faire plein de choses avec les mathématiques."

Mais l'enseignant chercheur souligne qu'il y a 30 ans, quand il était étudiant lui-même, il y avait plus de postes que de candidats admissibles au concours. La problématique est donc loin d'être nouvelle.

Professeur de mathématiques, un métier qui n'attire plus - Le reportage de Mathilde Imberty

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