"Casse-tête logistique, inéquitable, discriminante" : pourquoi la nouvelle formule du bac inquiète
La première session des épreuves communes de contrôle continu au bac, mise en place dans le cadre de la réforme controversée du baccalauréat, doit avoir lieu dès janvier 2020. Syndicats d’enseignants et associations de parents d’élèves ont d’ores et déjà émis leurs premières réserves.
Rentrés il y a à peine quelques semaines, le baccalauréat est déjà pour les élèves de première une réalité quotidienne. Ces derniers essuient en effet les plâtres de la réforme du baccalauréat : désormais, un tiers de la note finale du sacro-saint examen sera issu du contrôle continu réalisé lors de la première et la terminale. Le parcours du combattant commence dès cet hiver, puisque les premières épreuves auront lieu dès le mois de janvier, à l’image des partiels que passent les étudiants à l’université. Le Snes-FSU, premier syndicat dans le secondaire a, d’ores et déjà, demandé l'annulation des épreuves communes de contrôle continu pour les classes de première, dénonçant "un niveau inédit d'impréparation". Pourquoi la nouvelle formule du baccalauréat suscite-elle autant de défiance ?
Parce qu’elle est un casse-tête logistique
Entre le 27 septembre et le 7 octobre, le Snes-FSU a réalisé une enquête auprès de 981 professeurs et dénonce, à la lecture des résultats, "la plus grande incertitude" concernant l'organisation de ces épreuves communes de contrôle continu, et "un niveau inédit d'impréparation". "C’est un vrai casse-tête à organiser", s'inquiète ainsi sur franceinfo Lysiane Gervais, secrétaire générale du SNPDEN, le principal syndicat des chefs d’établissement. "Le bac de terminale sera allégé, poursuit-elle, mais on sera tout le temps en examen. En superposant les épreuves de première et de terminale, on compte une trentaine d’épreuves. C’est très très lourd..."
D’autant que le ministère conseille de réaliser ces épreuves sur un temps commun : "Il faudra surveiller ces épreuves, mais qu’en sera-t-il des autres élèves ?", s’interroge Lysiane Gervais. "Pendant que les élèves de première passeront leurs épreuves, l'objectif c'est que les élèves de seconde et de terminale ne subissent pas de conséquences de ces passages", lui répond le directeur général de l'enseignement scolaire, Edouard Geffray. "Les établissements, assure-t-il, sauront parfaitement le faire. Et on leur fait toute confiance."
Parce que les examens ne seront pas les mêmes partout
Les épreuves de contrôle continu seront organisées en cours d'année entre mi-janvier et le mois de mai. La première session doit concerner l'histoire, la géographie et les langues avec une particularité : les sujets et les dates de ces examens ne seront pas les mêmes dans tous les établissements. Chaque lycée décidera en piochant dans une "banque nationale de sujets". À trois mois de l'échéance, Céline et Bertrand, professeurs à Paris, confient leurs inquiétudes : "On ne connaît pas les dates, explique-t-il. On ne connaît pas les barèmes on ne connaît pas les sujets non plus. On n'a pas accès à la banque, on n'a eu aucune information, ni de la direction, ni des inspecteurs."
Certains pointent déjà le risque d’une rupture d’égalité entre élèves : certains pourraient ainsi estimer que le sujet d’un lycée voisin a été plus facile que le leur. Le SNES-FSU critique ainsi un manque de cadrage ministériel avec des consignes différentes d'un lycée à l'autre et dénonce la fin du bac national au profit d'une multitude d'examens propres à chaque lycée. "C'est faux !", rétorque le directeur général de l'enseignement scolaire, Edouard Geffray, qui se veut rassurant : "Ce sont des épreuves qui présentent un caractère national, elles interviennent sur des sujets définis nationalement, explique-t-il. C'est une banque de sujets nationaux dans lesquels les équipes pédagogiques vont aller piocher. On est sur un principe d'anonymisation des copies." Le ministère de l'Éducation nationale doit envoyer d'ici la fin de la semaine une fiche explicative à tous les enseignants sur l'organisation de ces épreuves de contrôle continu.
Parce qu’elle risque de favoriser les familles les mieux informées
Nouvelle, complexe, technique, la nouvelle mouture du baccalauréat pourrait profiter aux élèves mieux conseillés, au sein de familles plus avisées, au détriment d’autres, issues de familles pour lesquelles les rouages du système éducatif pourraient s’avérer plus opaques. "Ce qui nous remonte des fédérations, c'est que leurs informations sont inégales en fonction des établissements, explique Rodrigo Arenas, porte-parole de la FCPE, la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public. L'école, et a fortiori le lycée, ne ressemblent en rien à ce que les parents ont connu."
Cela poserait, selon lui, une forme de problème démocratique : "C'est une réforme extrêmement technique, indique Rodrigo Arena. Quand vous n'êtes pas parent expert, aguerri, c’est extrêmement compliqué de comprendre les choses." "On est vraiment dans un délit d'initié, poursuit-il, où les parents qui comprendront le mieux la mise en œuvre des réformes et leur mise en oeuvre techniques." "Les parents dont les enfants seront dans les établissements les plus aguerris et les plus volontaires, conclut Rodrigo Arenas, seront évidemment plus à même de faire réussir leurs enfants parce qu'ils auront l'information."
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