Cet article date de plus de six ans.

École obligatoire à trois ans : les enfants "ont changé", il faut "faire évoluer" la maternelle, assure un neuropsychiatre

Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, qui a préparé les assises de la maternelle affirme, mardi sur franceinfo, que l'école obligatoire dès trois ans est nécessaire car "les enfants, biologiquement, se développent de façon très différente de la génération différente".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une élève de maternelle, à la rentrée scolaire de 2017. (MAXPPP)

Alors que l'Elysée annonce mardi 27 mars que dès la rentrée 2019, la scolarité deviendra obligatoire à l'âge de trois ans, contre six ans actuellement, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, qui a préparé les assises de la maternelle qui s'ouvrent mardi, a insisté sur franceinfo, avant même cette annonce, sur l'importance de cette période.

franceinfo : Les écoles maternelles sont un peu une fierté française, pourquoi vouloir réformer ce modèle aujourd'hui ?

Boris Cyrulnik : La maternelle, en effet, a une excellente réputation internationale, et il ne s'agit pas de le refaire. Il s'agit de la faire évoluer. En une génération, deux phénomènes nouveaux se sont mis en place. Les enfants, biologiquement, se développent de façon très différente de la génération différente. Les enfants, physiquement, ont changé. Ils sont beaucoup plus grands, ils ont des vitesses de maturation très différentes, ils ont des comportements très différents, ils ont des sécrétions neuro-hormonales très différentes. Les enfants ont biologiquement changé. Et puis le foyer a changé. Toutes mes amies d'enfance avaient deux enfants à 20 ans, aujourd'hui une jeune femme qui met au monde son premier enfant a presque 31 ans et elle participe à l'aventure sociale. Donc cette période sensible autour de la maternelle, c'est-à-dire un peu avant et un peu après, c'est une période critique qu'il faut ne pas rater. D'où la nécessité non pas de réformer la maternelle, mais de la faire évoluer.

Ces assises vont-elles mettre l'accent sur le langage et le bien être des enfants ?

Il y a une donnée nouvelle qui vient des théories et des expérimentations de l'attachement qui démontrent comment le fait de sécuriser affectivement un enfant lui permet de faire de meilleures performances scolaires. Ce n'est pas le bourrage de crâne avec des informations qui va le faire évoluer, c'est la sécurité qui va lui donner le plaisir de faire l'effort d'apprendre. Déjà, les maternelles avaient introduit l'affectivité, mais pas tout le temps. Il y a avait des îlots de résistance. Nous allons proposer qu'on sécurise les enfants avec l'affectivité : la manière de parler, de jouer, d'introduire le jeu, la musique, les contes mimés, pour leur donner confiance en eux, de façon à leur apprendre à s'exprimer, et ensuite, ils feront très facilement des efforts intellectuels.

Cela veut-il dire qu'il faut mieux former les enseignants?

Les enseignants ont déjà un très bon niveau universitaire, mais pas toujours adapté aux besoins des enfants. Et les ATSEM, les agents territoriaux des écoles maternelles, ont souvent un rôle beaucoup plus important que ce que l'on croyait jusqu'à maintenant. C'est elles qui servent de trait d'union entre les familles qui doivent entrer à l'école pour sécuriser l'enfant et se sécuriser elles-mêmes. Les professeurs des écoles, eux, doivent apprendre des jeux et des manières d'entrer en interaction avec les enfants, et les ATSEM devront apprendre moins de médecine. Peut-être va-t-on proposer une réforme du CAP petite enfance, avec moins de médecine et plus d'attachement.

Si la scolarité devient obligatoire dès trois ans, parle-t-on de l'école maternelle comme celle d'aujourd'hui, ou peut-il s'agir d'autres formes d'instruction ?

La maternelle n'est plus seulement une institution, mais doit devenir un fait de société. C'est-à-dire que tout le monde doit y participer : les enseignants bien sûr, mais aussi les familles, les ATSEM, les artistes, à qui on demandera de rentrer plus dans les maternelles.

Les syndicats vous répondront qu'avec un enseignant pour 23 enfants, contre 14 en moyenne dans les pays de l'OCDE, il faut plus de moyens. Est-ce le cas ?

Là encore, c'est le gouvernement qui va décider. Mais en effet, quand il y a des salles de classe avec 30 enfants, le professeur des écoles est débordé et il est moins sécurisant. Donc la logique voudrait que l'on dédouble ces classes. Est-ce que le gouvernement va le décider ? Je n'en sais rien. En même temps, j'ai travaillé l'an dernier au Japon et en Chine et là-bas les classes sont très nombreuses et ils disent que le nombre ne change rien. Mais ce sont des orientaux, et nous sommes des occidentaux.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.