: Vidéo Absences des enseignants : les propositions de la Cour des comptes "ne vont pas aider les élèves", selon le SNES-FSU
Le syndicat d'enseignants note notamment que la Cour des comptes, "à aucun moment, ne parle des moyens mis dans le remplacement des enseignants".
Les propositions de la Cour des comptes pour réduire le nombre de cours non assurés par les enseignants laissent "dubitative" Sophie Vénétitay, professeure de sciences économiques et sociales, et secrétaire générale du SNES-FSU, le premier syndicat des enseignants en collège et lycée. Invitée de franceinfo jeudi 2 décembre, elle estime que ces suggestions "ne vont pas permettre d'aider les élèves d'un strict point de vue pédagogique". Les magistrats de la Cour des comptes proposent, dans un rapport publié jeudi, de favoriser les remplacements entre collègues du même établissement, ou encore d'inciter les enseignants à enregistrer leurs cours en vidéo, diffusés aux élèves en cas d'absence.
La Cour des comptes estime à près de 10 % les heures de cours perdues au collège et au lycée, durant l'année scolaire 2018-2019. Elle pointe que, quand un enseignant de collège ou lycée est absent pour une courte durée (moins de 15 jours), seulement une heure sur cinq est effectivement assurée par un enseignant remplaçant. Par ailleurs, le rapport relève que dans deux tiers des cas, l'absence du professeur est due à des obligations de service : une formation, une réunion pédagogique, une participation à un jury d'examen, ou la fermeture de son établissement, comme durant les épreuves du bac et du brevet. Les absences pour maladies ou raisons personnelles sont minoritaires selon la Cour des comptes, et inférieures, en proportion, à celles des salariés du privé et des autres fonctionnaires.
franceinfo : 10 % des heures de cours sont perdues au collège et au lycée, selon la Cour des comptes. Est-ce normal ?
Sophie Vénétitay : Cela recouvre des réalités extrêmement différentes. Il y a des absences d'enseignants liées à la maladie, mais de ce point de vue-là, les enseignants sont moins absents que la moyenne des fonctionnaires, et même que la moyenne des salariés du privé, [comme le confirme la Cour des comptes]. Ensuite, vous avez des absences dues à des obligations liées à notre métier. On va aller se former une journée sur les nouveaux programmes. On va participer à des réunions. Tous ces types d'absences s'accumulent.
Ces absences dues à des obligations de service représentent les deux-tiers des cas. Pourquoi ces réunions, ces formations n'ont pas lieu en dehors du temps d'enseignement, plutôt que sur le temps de classe, devant les élèves ?
Il se trouve que l'emploi du temps des enseignants est effectivement constitué des cours devant les élèves. Mais il y a aussi un certain nombre de choses que l'on fait en dehors du face-à-face avec les élèves. Le temps de travail total des enseignants est estimé à 42h53 [41h17 en 2010, dans la dernière enquête réalisée par le ministère de l'Education nationale]. On a déjà un temps de travail très important, plus élevé que la moyenne. Et il ne faut jamais oublier que, par exemple, quand on part en formation, c'est aussi dans l'intérêt des élèves. On va se former sur des choses un peu nouvelles et quand on revient en cours, on a aussi progressé pour nos élèves.
La Cour des comptes suggère par exemple que les enseignants absents enregistrent une vidéo pour leurs élèves. Est-ce une bonne idée ?
Cela me laisse très dubitative de s'enregistrer puis de laisser nos élèves devant une vidéo.
"J'ai des doutes sur la capacité des élèves à rester une heure devant la vidéo d'un monologue d'un enseignant."
Sophie Vénétitay, professeure de SES, et secrétaire générale du SNES-FSUà franceinfo
Surtout quand on a vu, depuis le début de la crise sanitaire, et le premier confinement, que ce qu'on faisait à travers une vidéo n'était pas forcément le plus pertinent d'un point de vue pédagogique.
Autre piste : donner plus d'autonomie aux établissements, pour favoriser les remplacements entre collègues. Est-ce que cela peut permettre de faire baisser ce chiffre de 10 % de cours non assurés ?
D'un strict point de vue comptable, ça peut permettre de faire baisser le chiffre. Mais je regarde ça d'un point de vue pédagogique, de mes élèves. Si on me demande, par exemple, de remplacer du jour au lendemain une de mes collègues de sciences économiques et sociales dans mon lycée, je vais découvrir une nouvelle classe. Je vais devoir commencer, admettons, le chapitre 3. Ce n'est pas des choses qui s'improvisent. Cela veut dire que devant les élèves, on n'est pas en mesure de faire vraiment un cours qui va leur apporter quelque chose. Si ça s'assimile davantage à une forme de garderie qu'à un cours, alors on est quand même très loin du compte. Et je remarque que la Cour des comptes, à aucun moment, ne parle des moyens mis dans le remplacement des enseignants.
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