"IIs pensent que la personne va revivre" : un médiateur assure qu'incessamment confrontés au monde virtuel, les jeunes confondent avec la réalité
"Ils regardent tellement des films violents qu'au bout d'un moment ils ont l'impression que même sur l'espace public c'est virtuel", explique Yazid Kherfi, fondateur et directeur de l’association Médiation Nomade qui plaide pour plus de contrôle sur les réseaux sociaux.
"C'est facile d'humilier et d'insulter à travers un téléphone et, à un moment donné, ils passent sur le terrain", a expliqué mercredi 10 mars sur franceinfo Yazid Kherfi, fondateur et directeur de l’association Médiation Nomade, qui favorise le dialogue dans les quartiers populaires. Il est l’un des signataires de la tribune "Face aux faits de violences entre jeunes, privilégions l’action sociale, l’éducation et la médiation !" publiée sur franceinfo.fr. Yazid Kherfi constate qu'avec les smartphones et les réseaux sociaux, il "y a un monde des jeunes d'un côté, et un monde des adultes" de l'autre. Avec le manque d’activités lié à l’épidémie de Covid-19 "ces jeunes s'ennuient" et "ont tendance à faire des bêtises", regrette-t-il.
franceinfo : Vous prônez plus d’éducation et de dialogue avec les jeunes. Et ça passe d’après vous par un contrôle des parents sur les smartphones des enfants, pourquoi ?
Yazid Kherfi : Tout à fait. Parce que les parents ne sont pas démissionnaires, les parents sont en difficulté. Ils n'osent pas le dire parce qu'on va les considérer comme des mauvais parents. Et c'est vrai que les réseaux sociaux, internet, les téléphone portables, les parents n'ont plus de contrôle là-dessus. Donc les jeunes sont entre eux. Il faut donc aider les parents sur quoi faire par rapport aux téléphones portables, aux réseaux sociaux et autres, car ils se sentent démunis.
"C'est le rôle de tout le monde : comment faire pour surveiller un peu plus les enfants et les contrôler par rapport aux réseaux sociaux ? Sinon, on va droit dans le mur, on ne s'en sortira pas."
Yazid Kherfi, fondateur et directeur de l’association Médiation Nomadeà franceinfo
Qu'est-ce que ça change exactement, ces écrans qui sont devenus omniprésents, vous qui êtes sur le terrain et médiateur depuis déjà plusieurs années ?
Ils sont de plus en plus entre eux, les jeunes sont tous seuls, il y a un monde des jeunes d'un côté et puis un monde des adultes. C'est facile d'humilier et d'insulter à travers un téléphone, et à un moment donné ils passent sur le terrain, c'est-à-dire que la colère s'est transformée en haine. Ils ont de la haine sur les personnes d'en face. En plus, ils se filment. Ils regardent tellement des films violents qu'au bout d'un moment ils ont l'impression que même sur l'espace public c'est virtuel, ils pensent que la personne va revivre. Alors que c'est une réalité : quand tu plantes quelqu'un, tu le plantes vraiment quoi ! Les jeunes ne se contrôlent plus eux-mêmes.
Pour enrayer cette violence vous allez dans les quartiers pour discuter directement avec les jeunes. C’est possible de le faire en ce moment ?
Non malheureusement, avec le couvre-feu et la crise sanitaire, l’État ne veut pas qu'actuellement j'y aille, alors que la situation est difficile. Donc, j'essaye quand même d'y aller sans mon camping-car avec lequel je fais des médiations nomades : je m’installe pour passer la nuit et discuter avec les jeunes. Mais j'essaie quand même de tisser du lien en ce moment, par exemple hier j'étais dans un lycée et j'ai parlé à beaucoup de jeunes par rapport à ces réseaux sociaux. Il faut dialoguer. La violence, ça amène dans le mur, donc il faut largement parler. Il faut essayer de comprendre ce qui se passe dans cette jeunesse. Ils ont besoin d'être écoutés. Ils ont besoin de valoriser et on a besoin de les accompagner, ces jeunes. Ils se sentent en difficulté eux-mêmes.
Faut-il également rouvrir les lieux que fréquente la jeunesse comme les clubs de sport ?
Oui parce qu'ils sont dans la rue, ces jeunes s'ennuient. Et les jeunes qui s'ennuient ont tendance à faire des bêtises. Beaucoup d'acteurs ne peuvent plus aller sur le terrain, donc les jeunes sont complètement livrés à eux-mêmes. Ils sont de moins en moins avec les adultes. Il y a une urgence à recréer ce lien social entre les jeunes et les travailleurs sociaux et éducateurs. Il faut plus de moyens sur la prévention et un peu moins sur la sécurité.
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