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Le covid a "augmenté la souffrance des enfants, la réponse n'est pas à la hauteur", déplore une pédopsychiatre

Marie-Rose Moro insiste notamment sur la nécessaire hospitalisation des adolescents suicidaires dans des unités dédiées et non dans des service pour adultes.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Mal-être adolescent (illustration). (JEAN-MARC LOOS / MAXPPP)

"La réponse pédopsychiatrique n'est pas à la hauteur", a déploré mercredi 17 novembre sur franceinfo la pédopsychiatre Marie-Rose Moro, professeure des universités à Paris et membre du conseil scientifique de la Défenseure des droits. Elle a participé à la rédaction du rapport annuel consacré aux droits de l'enfant qui sera transmis dans la journée au chef de l’État avec une vingtaine de recommandations. "Les changements très importants de la vie sociale" avec la crise du Covid-19 "ont logiquement augmenté les souffrances de ces enfants", souligne-t-elle. Cette crise sanitaire "a à la fois augmenté les souffrances et diminué les possibilités de soins". Auteure de La Parole aux enfants, publié aux éditions Bayard en février dernier, elle dénonce le manque de moyens, de structures et de formation pour mieux protéger ces enfants.

franceinfo : La crise sanitaire a aggravé l'état psychologique d'une partie des jeunes. Comment cela peut-il s’expliquer ?

Marie-Rose Moro : Il y a plusieurs raisons qui rendent compte de l'aggravation de la santé psychologique des enfants, des adolescents et des jeunes adultes. Premièrement, c'est le fait que déjà, c'est une population vulnérable. Il y avait déjà 8 à 10 % d'une classe d'âge qui pouvait présenter à cette période de la vie, des questions, des douleurs, des souffrances. Et puis la crise du Covid, avec l'inquiétude majeure, avec les changements de la vie quotidienne, avec tout ce qui s'est passé autour de la famille, de l'école, cet enfermement et puis cette angoisse sur ce qui allait se passer, les changements très importants de la vie sociale ont logiquement augmenté les souffrances de ces enfants, de ces adolescents qui n'avaient pas toujours les informations et dont on ne reconnaissait pas toujours l'inquiétude. C'est une période de construction, de doute, d'inquiétude. Donc il faut parfois déjà consulter. Il faut trouver des solutions. Il faut parler à quelqu'un. Il faut avoir une possibilité de changer des choses pour être en sécurité. Et là, la crise a augmenté toutes ces difficultés. À la fois, elle a augmenté les souffrances et elle a diminué les recours et les possibilités de soins.

La réponse, notamment médicale, est-elle aujourd'hui à la hauteur face à ces enfants et ces jeunes en souffrance ?

C'est évidemment un problème majeur. La réponse pédopsychiatrique n'est pas à la hauteur. Je pense qu'il y a un consensus politique là-dessus. On n'a pas assez de moyens, pas assez de structures, trop d'attentes, pas assez de gens formés. On n'a pas assez de professeurs de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour former les plus jeunes. Il y a des régions entières où il n'y en a pas, par exemple. Donc il y a une mobilisation nécessaire pour être à la hauteur dans un pays qui doit soigner ses enfants, qui doit reconnaître aussi le droit de ces enfants à aller bien, à être heureux et à pouvoir envisager l'avenir, parce que les enfants que nous soignons aujourd'hui, ce sont les adultes de demain. Donc, c'est une action et de la prévention pour demain.

Le rapport prône aussi une réponse adaptée aux plus jeunes. Par exemple, en cas de tentative de suicide, il ne faut surtout pas mélanger les enfants avec les adultes à l'hôpital ?

C'est une proposition importante qui a déjà été faite dans des rapports précédents, mais qui n'est pas du tout mise en œuvre. Et c'est grave sur le plan médical, sur le plan éthique également. Un jeune adolescent qui fait une tentative de suicide et est hospitalisé dans un service adulte parce qu'il n'y a pas de place dans le service d'enfants et d'adolescents, ça, c'est inadmissible. D'abord parce que c'est difficile d'être bien soigné dans un service d'adultes. La pédopsychiatrie a ses spécificités, donc ça doit être fait selon les règles de l'art de la pédopsychiatrie, avec la famille, avec l'entourage, avec les droits de ces enfants. Et en plus, ils sont confrontés à des souffrances des adultes, aux difficultés des adultes, ce qui renvoie aux enfants et adolescents une image négative, inquiétante et qui, au lieu de les réparer, de les consoler ou de les rassurer pour l'avenir, peut les inquiéter davantage. L'hospitalisation des enfants et des adolescents dans des services d'enfants et d'adolescents est une mesure importante de ce rapport.

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