Violences sexuelles sur enfants : la Ciivise propose notamment la "suspension" des droits de visite du parent poursuivi pour viol
La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants recommande aussi de suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d’enfant lorsqu’une enquête est en cours.
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), lancée en janvier 2021 pour deux ans par Emmanuel Macron afin de mieux prévenir les violences sexuelles, mieux protéger les enfants victimes et lutter contre l’impunité des agresseurs, a émis mercredi 27 octobre ses trois premières recommandations, dans un rapport que franceinfo a pu consulter. La commission a reçu plus de 5 000 témoignages à la suite de son appel, lancé le 21 septembre.
Parmi ces 5 000 témoignages, plus d'un tiers proviennent de mères dont l’enfant a révélé des violences sexuelles de la part de son père. "Ces mères sont suspectées de manipuler leur enfant pour nuire à leur conjoint, en les accusant d’inceste, le plus souvent dans le contexte d’une séparation." Pour répondre aux alertes de ces femmes, la Ciivise formule dans son premier avis trois recommandations "pour protéger les enfants", explique le rapport.
Suspendre l'autorité parentale et les droits de visite en cas de poursuites
La Ciivise demande en premier lieu de prévoir la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant. "Il n’y a pas plus grande angoisse pour une mère que de ne pas savoir si, d’un jour à l’autre, nos enfants ne seront pas obligés de retourner vivre chez leur agresseur", explique anonymement une mère dans ce rapport.
Le rapport pointe ce que la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants appelle la "pseudo aliénation parentale", un concept né dans les années 1980 "qui accrédite l’idée que, dans la plupart des cas de séparations conjugales conflictuelles, le parent avec qui vit avec l’enfant - la mère, le plus souvent - lave le cerveau de l’enfant pour que celui-ci refuse de voir son autre parent - le père, le plus souvent." Le rapport poursuit : "Malgré l’absence de validation scientifique, cette pseudo aliénation parentale s’est très largement diffusée dans la pensée et dans les pratiques des professionnels." Cela a pour conséquence, d'après la Ciivise, de contribuer "à l’invisibilisation des violences sexuelles faites aux enfants, de même qu’il rend impossible d’être un parent protecteur, puisque la mère tentant de protéger son enfant victime d’inceste se trouve accusée de le manipuler".
Suspendre les poursuites pour non-représentation d'enfant en cas d'enquête
Dans un deuxième temps, la Ciivise recommande de suspendre les poursuites pénales envers un parent pour non-représentation d’enfant, c'est-à-dire le fait de ne pas ramener l'enfant à son ancien conjoint dans le cadre d'une visite, lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses.
"Les poursuites pour non-représentation d’enfants des mères qui dénoncent des violences sexuelles incestueuses que leur fils ou leur fille a révélées traduisent la difficulté de la société et des professionnels à prendre au sérieux la parole des enfants et celle des mères", pointe le rapport.
Retirer l'autorité parentale si le parent est condamné
Enfin, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants demande de prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant. "Les violences sexuelles incestueuses sont à l’évidence une transgression gravissime de l’autorité parentale. Il est donc impératif de tirer les conséquences civiles de la condamnation pénale", estime le rapport.
La Ciivise estime que 22 000 enfants sont victimes de violences sexuelles de la part de leur père chaque année en France. En 2020, seules 1 697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux sur mineur ou pour agression sexuelle sur mineur. En 2018, seules 760 personnes ont été condamnées pour l’une ou l’autre de ces infractions. "Ces données nous permettent de présumer que le nombre de pères poursuivis pour violences sexuelles incestueuses est très inférieur au nombre de victimes", conclut le rapport.
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