Grand entretien Baisse des féminicides en 2023 : "Un signe d'encouragement", pour l'ex-ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, Isabelle Rome

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Article rédigé par franceinfo - édité par Théo Uhart
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Si "c'est toujours trop", l'ex-ministre voit dans cette baisse un signe que les politiques menées par l'exécutif fonctionnent. "S'agissant des violences sexuelles, je pense que nous avons encore à progresser", ajoute-t-elle.

"C'est un signe d'encouragement pour toutes ces politiques volontaristes qui ont été mises en œuvre sous l'impulsion du président de la République", réagit sur franceinfo mercredi 3 janvier Isabelle Rome, ex-ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, alors que le bilan des féminicides de 2023 a été dévoilée par le garde des Sceaux mardi. Selon des chiffres provisoires du ministère de la Justice, qui diffèrent de ceux des associations, il y en a eu 94 en 2023, contre 118 en 2022. 

franceinfo : "C'est très loin d'être satisfaisant", a dit Éric Dupond-Moretti à propos de ce bilan en baisse. Est-ce aussi votre avis ?

Isabelle Rome : Oui, il faut penser tout d'abord à toutes ces femmes qui ont perdu la vie sous les coups de leur conjoint et, bien sûr, à toute leur famille. C'est néanmoins un signe d'encouragement pour toutes ces politiques volontaristes qui ont été mises en œuvre sous l'impulsion du président de la République et notamment depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019. Je rappelle qu'en 2019, c'est-à-dire avant le Grenelle des violences conjugales, on avait 146 femmes qui avaient été tuées.

"Bien sûr que c'est toujours trop. Mais c'est un encouragement, grâce à toutes ces actions qui ont pu être menées."

Isabelle Rome

à franceinfo

Ce début d'année marque la généralisation des pôles dédiés aux violences intrafamiliales dans tous les tribunaux. Vous aviez lancé ce dispositif. En quoi est-il essentiel ?

Je suis vraiment très heureuse que, au 1ᵉʳ janvier, tous les tribunaux et toutes les cours d'appel, 164 tribunaux, 36 cours d'appel, soient en ordre de marche avec des pôles spécialisés. Ça fait plusieurs années que je souhaite avoir cette justice spécialisée. C'est bien sûr une exigence de formation. Il faut que les magistrats soient formés comme les policiers et les gendarmes, pour ne pas passer à côté des situations de danger. Et il faut une action coordonnée, un très bon partage d'information. Par exemple, il ne faut pas qu'un juge d'affaires aux affaires familiales ignore qu'une procédure pénale pour violences volontaires est en cours. À l'inverse, un juge pénal doit savoir quand une affaire familiale est en cours.

Qu'est-ce que le Grenelle des violences conjugales de 2019 a permis de changer ?

Il y a eu un apport très important grâce aux sciences humaines qui a permis de décoder un certain nombre de mécanismes, comme par exemple ce mécanisme d'emprise par lequel un conjoint violent va dominer sa conjointe, mais aussi la menacer, la harceler, ce qui peut aussi provoquer non seulement des féminicides, mais aussi des suicides. Le Grenelle a d'ailleurs été l'occasion de pénaliser ce qu'on appelle ce suicide forcé, qui n'est pas dans ces statistiques, puisque ce n'est pas un meurtre.

On a eu une avancée quand même assez extraordinaire. Par exemple, sur le téléphone "grave danger", en 2019, on avait 300 signalements. Aujourd'hui, on en a 4 000. On a aussi la mise en place du bracelet anti-rapprochement, à peu près 1 000 qui sont disponibles. On a aussi le dépôt de plainte à l'hôpital, c'est extrêmement important parce que quand une victime commence à parler, il ne faut pas la lâcher. Et puis aussi, bien sûr, la présence des intervenants sociaux, des travailleurs sociaux dans les commissariats, dans les gendarmeries, le 3919, numéro d'appel gratuit, ouvert 24h/24, sept jours sur sept. Et je dois leur rendre hommage aussi, il y a tout ce travail quotidien fait par les associations.

Inciter à porter plainte, c'est le message depuis plusieurs années, mais étant magistrate, vous connaissez les statistiques, Isabelle Rome. Vous savez à quel point il reste difficile, dans les cas de viols, d'agressions sexuelles, de rassembler les éléments, de caractériser les faits. Comment ne pas décourager des femmes, vu la difficulté de porter plainte, vu la difficulté du parcours ?

S'agissant des violences sexuelles, je pense que nous avons encore à progresser, même si, je le rappelle là aussi, des efforts massifs ont été faits en matière de formation, notamment des policiers et des gendarmes avec, par exemple, des grilles d'évaluation du danger qui sont intégrées dans leur logiciel de dépôt de plainte. Une victime aujourd'hui ne doit pas avoir peur d'aller frapper à la porte d'un commissariat, d'une gendarmerie. Elle sera bien accueillie. Toutes les consignes du ministre de l'Intérieur, du ministre de la Justice, vont dans le même sens.

La parole du président, est-elle à la hauteur aujourd'hui sur les questions des violences faites aux femmes ?

Moi, ce que je trouve le plus important, ce sont quand même les actes. C'est sous l'impulsion de ce président qu'a été menée toute cette politique volontariste, notamment ce Grenelle, ce qui fait qu'aujourd'hui, on a ce signe tout de même encourageant, puisque nous avons une certaine baisse des féminicides.

Vous n'êtes pas tombée de votre chaise lorsque vous l'avez entendu sur France 5 évoquer l'affaire Gérard Depardieu ?

Je pense qu'en tant que chef de l'État, il a rappelé la présomption d'innocence.

Et il a pointé la fierté de la France d'avoir Gérard Depardieu...

(silence) Je n'ai pas d'autre commentaire à faire.

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