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Vidéo Féminicide de Chahinez Daoud : "Il faut des parquets spécialisés dans chaque juridiction", plaide la présidente de Lawyers For Women

Publié Mis à jour
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Article rédigé par franceinfo
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Me Michelle Dayan préconise également de "motiver la décision de classement sans suite parce que si on ne la motive pas, on se retranche derrière l'insuffisance de caractérisation de l'infraction".

"Il faut des parquets spécialisés dans chaque juridiction", a réclamé mardi 4 janvier sur franceinfo Me Michelle Dayan, avocate et présidente de l’association Lawyers For Women, alors que cinq fonctionnaires de police sont convoqués dans la jurnée en conseil de discipline, huit mois après l’assassinat de Chahinez Daoud par son mari à Mérignac. Ils devront s’expliquer sur les nombreux dysfonctionnements de cette affaire, qualifiée par Michelle Dayan de "cas pratique à montrer dans toutes les écoles de police, de magistrats et d’avocats". La plainte de la victime avait notamment été mal transmise. Pour elle, la justice doit aussi se remettre en question, mais "c’est presque impossible de mener une enquête pour pointer les responsabilités du parquet".

franceinfo : Cette audition est importante pour tirer les leçons de cette affaire ?

Michelle Dayan: Tout à fait. C’est important, même si c’est un peu tard, et c’est la moindre des choses. Mais si cela permet de noter et de pointer les multiples dysfonctionnements, c’est une bonne chose. C’est presque un cas pratique que l’on devrait donner dans les écoles de police, de magistrats et d’avocats également.

Les syndicats de police reconnaissent des erreurs. La justice est moins transparente alors qu’elle aussi a dysfonctionné ?

C’est exactement cela, le parquet a dysfonctionné. Le parquet, c’est le procureur, celui qui représente l’État et dirige les enquête. Il a dysfonctionné parce qu’il y a eu une première plainte déposée alors que l’auteur était en prison, le parquet l’a classée sans suite, j’imagine pour infraction insuffisamment caractérisée. Cela n’a même pas été transmis au juge d’application des peines, qui a, par la suite, autorisé un aménagement de peine et une sortie anticipée de l’auteur violent. Et puis ensuite, il ne se passe rien, le parquet ne suit pas. Au-delà de ce cas dramatique, il y a des noms, il y a des femmes, des mères, des familles détruites. Et derrière tout ça, il y a évidemment un problème de communication, de dysfonctionnement, de prise de responsabilité individuelle qui malheureusement se dilue dans la responsabilité collective. Au parquet, il y a un certain prisme par lequel on ne se remet pas en question, on se retranche derrière l’indépendance de la justice. C’est presque impossible de mener une enquête pour pointer les responsabilités du parquet.

Quelles mesures pourrait-on prendre très concrètement ?

On pourrait commencer par appliquer les mesures qui existent déjà. On l'a vu depuis le Grenelle sur les violences conjugales, au civil, au juge aux affaires familiales, en l’espace de six jours, on peut avoir une ordonnance de protection pour éloigner, protéger et organiser la vie des enfants dans une famille où il y a un conjoint violent. Quand on veut, on peut.

"Au pénal, quand on pousse la porte d’un commissariat, il faudrait qu'il y ait une réponse dans les huit jours du parquet, soit un renvoi devant le tribunal correctionnel, soit un contrôle judiciaire systématique."

Michelle Dayan, avocate et présidente de l’association Lawyers For Women

à franceinfo

Par ailleurs, quand on décide de classer sans suite, je pense qu'il faudrait motiver la décision de classement sans suite parce que si on ne la motive pas, on se retranche derrière l'insuffisance de caractérisation de l'infraction. Enfin, il faut créer des parquets spécialisés dans toutes les juridictions. C’est ce qui a été fait en Espagne et cela fonctionne très bien.

Faudrait-il plus entendre Emmanuel Macron sur ce sujet ?

On l’a peu entendu effectivement, mis à part au début du quinquennat, avec la "grande cause". Il y quand même eu ce Grenelle des violences conjugales, qui a permis de libérer la parole et l’écoute. Cela a fait avancer les choses, et bien évidemment, il y a eu des mesures prises et il faut le saluer. Mais dans les voeux présidentiels du 31 décembre, sauf erreur, on a rapidement parlé d’égalité homme/femme, mais c’était rapidement, entre la transition climatique et le contrôle des frontières.

>> Lutte contre les violences faites aux femmes : on a dressé le bilan d'Emmanuel Macron sur la "grande cause du quinquennat"

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