Thibaut Poirot, le prof indigné du 11 novembre 2013 : "Aujourd'hui, la cérémonie était très émouvante et digne"
Deux ans après s'être opposé à des manifestants anti-Hollande, Thibaut Poirot était invité par l'Elysée aux commémorations de la fin de la première guerre mondiale, à Paris.
Son coup de gueule, lors des commémorations du 11-Novembre, en 2013, lui avait accordé une petite notoriété. Thibaut Poirot, agrégé d'histoire et chargé de cours à la Sorbonne, s'était vivement opposé à des manifestants qui huaient François Hollande, depuis un trottoir des Champs-Elysées.
Deux ans plus tard, mercredi 11 novembre 2015, Thibaut Poirot a été invité à assister à la cérémonie, depuis les tribunes. Pour francetv info, il revient sur ce moment "émouvant" et sur l'importance des commémorations républicaines.
Francetv info : comment s'est passée la cérémonie de ce matin ?
Thibaut Poirot : C'était très émouvant, grave et digne. C'était une très belle cérémonie. Je tiens à préciser que je n'étais pas "invité d'honneur", comme ont pu l'écrire certains médias. Vous avez pu le voir, les tribunes étaient très fournies. J'ai reçu, comme beaucoup de monde, une invitation de la présidence, la semaine dernière. Je n'ai pas le numéro de portable du président, je ne bois pas le thé avec François Hollande le dimanche à l'Elysée. Ce matin, j'étais invité, comme d'autres collègues historiens, de simples citoyens comme moi. Ce qui m'a marqué, c'est le temps qu'a pris le président de la République avec les familles des soldats morts pour la France. Dans un moment pareil, ce n'est pas seulement le chef de l'Etat qui salue des familles, c'est la nation qui s'incline devant le sacrifice de soldats. C'est cela, le sens du 11-Novembre.
Pourquoi le 11-Novembre a-t-il une importance particulière pour vous ?
Cela remonte à mes 8 ans, quand mes professeurs, à l'école primaire, nous emmenaient au monument aux morts. Donc, très tôt, j'ai été habitué à m'interroger sur le sens de l'événement. Cela a aussi du sens, car je suis arrière-petit-fils de poilu, comme beaucoup de gens. C'est ancré dans mon histoire familiale. Mon arrière-grand-père était engagé volontaire en 1914, il avait 18 ans. Vous vous posez beaucoup de questions quand vous découvrez ça. Qu'est-ce qu'on pense, qu'est-ce qu'on vit, quand on a 18 ans et qu'on s'engage dans la guerre ?
En 2013, face à des opposants qui huaient François Hollande, vous évoquiez aussi "l'unité nationale" et le respect de la République...
Oui, car dans un espace démocratique, il y a des moments pour s'exprimer et des moments pour se rassembler. C'est fondamental, c'est cela qui définit la démocratie : savoir s'opposer sans se combattre. C'est la définition, très française d'ailleurs, de la démocratie. On se doit une certaine justesse de ton un jour d'unité nationale. Si le vocabulaire de la guerre civile prend le pas dans l'espace public démocratique, cela devient dangereux pour nous tous.
Ce 11-Novembre 2013 très médiatique a-t-il changé quelque chose dans votre vie ?
N'y voyez aucune mauvaise foi, mais je ne suis pas une célébrité. Pendant longtemps, mes étudiants ne m'ont rien dit, cette année-là. C'est seulement à la fin du semestre, quand ils ont rempli des petits questionnaires, que j'ai trouvé des petits mots qui disaient "Bravo pour ce que vous avez fait le 11 novembre". Mais il n'y a pas de raison de me dire "bravo". La plus belle récompense pour moi, c'est de me dire que, peut-être, grâce à ce coup de gueule, demain, un de mes étudiants qui verra quelqu'un perturber une commémoration républicaine réagira. Si cela a pu convaincre les gens que l'on peut tous réagir, en puisant au plus profond de nos principes, j'en suis heureux. Mais ma vie n'a pas changé et ne doit pas changer.
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