: Vidéo Quand le directeur de Sciences Po a été informé des accusations d'inceste visant le professeur Olivier Duhamel... il n'a rien changé
Quelques mois avant les révélations de "La Familia grande", le livre de Camille Kouchner qui accuse Olivier Duhamel d'inceste, le professeur de droit avait encore les honneurs de la leçon inaugurale de Sciences Po. Le directeur avait pourtant été alerté par Aurélie Filippetti, qui y enseignait. Elle témoigne dans cet extrait de "Complément d'enquête".
"Chères étudiantes, chers étudiants, vous êtes cet après-midi entre de très bonnes mains : celles de quelqu'un que je m'honore à considérer comme un maître, mais surtout comme un ami." En septembre 2020, c'est par ces mots que le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, introduit celui à qui il a confié un moment clé de la rentrée : la leçon inaugurale. Il s'agit du professeur honoraire Olivier Duhamel, que les étudiants considéraient comme "un mythe à Sciences Po" quand il y donnait encore des cours, six ans plus tôt. La Fondation des sciences politiques qu'il préside chapeaute l'école. Dans sa leçon, il va les exhorter à être... exemplaires.
La scène se passe quatre mois avant la déflagration provoquée par le livre de Camille Kouchner, mais Frédéric Mion n'ignore rien des accusations d'inceste à l'encontre d'Olivier Duhamel. Il en a été informé par Aurélie Filippetti, en 2018. Cette année-là, l'ancienne ministre de la Culture est nommée professeur de littérature à Sciences Po. Elle apprend le secret de la famille Kouchner par une collègue, Janine Mossuz-Lavau, qui était la meilleure amie d'Evelyne Pisier – l'épouse d'Olivier Duhamel décédée un an plus tôt. Dans cet extrait de "Complément d'enquête", elle revient sur sa tentative d'"agir, pour qu'au moins, [Olivier Duhamel] ne puisse plus être président de la Fondation des sciences politiques".
"Il y a des élèves, il y a des étudiants, il y a des jeunes, et pour qui, en plus, il (Olivier Duhamel) représente une autorité morale, intellectuelle. Et donc là, je me dis que je peux agir. Et donc je vais voir le directeur de Sciences Po pour l'en informer"
Aurélie Filippetti, prof à Sciences Poà "Complément d'enquête"
"Il s'est effondré... se souvient Aurélie Filippetti. Enfin, il est devenu blême, et j'ai vu qu'il était absolument choqué. Et il m'a dit, tout de suite : 'Tu comprends bien, Aurélie, que ce que tu me dis est très grave.' Je lui dis : 'Oui, bien sûr, c'est pour ça que je te le dis', et là, il m'a dit : 'Bon, je vais en parler à Marc'."
Haut fonctionnaire sorti major de l'ENA, Frédéric Mion a été élu à la tête de l'école cinq ans plus tôt, grâce à Olivier Duhamel. Marc Guillaume est le secrétaire général du gouvernement d'Edouard Philippe... et lui aussi un ami d'Olivier Duhamel.
Les semaines passent... Olivier Duhamel est toujours en place, et Frédéric Mion ne donne plus de nouvelles. Aurélie Filippetti avoue son impuissance. "Il aurait fallu que je lui dise combien de fois, pour qu'il comprenne ? A un moment donné, quand vous vous rendez compte que la personne en face de vous est lâche… Moi, je n'étais pas en position à ce moment-là, je n'étais plus ministre, je n'étais pas sa ministre... j'étais une prof, c'est tout."
Rattrapé par le scandale, Frédéric Mion, qui avait dans un premier temps prétendu ne pas avoir été informé des accusations visant Olivier Duhamel, a finalement annoncé sa démission en février 2021.
Extrait de "Affaire Duhamel : un si long silence", un reportage à voir dans "Complément d'enquête"- Abus sexuels : la fin de l'impunité ? le 27 mai 2021.
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