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Crimes sexuels : "On est sur la bonne voie" mais il faut encore des annonces sur les agressions sexuelles et l'inceste, estime Isabelle Aubry

La présidente de l’association Face à l’Inceste regrette que l'inceste soit toujours une question taboue et qu'aucune annonce ne soit faite sur le problème.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
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Isabelle Aubry, présidente de l’association Face à l’Inceste. (MAXPPP)

"On est sur la bonne voie. Il y a 10% du chemin qui est fait", réagit mercredi 10 février sur franceinfo Isabelle Aubry, présidente de l’association Face à l’Inceste et auteure de plusieurs livres après les pistes évoquées par le gouvernement pour punir les crimes sexuels sur mineurs. Isabelle Aubry s'interroge sur l'absence de mention des agressions sexuelles qui "représentent la grande majorité des condamnations". Elle demande aussi un seuil d'âge pour l'inceste. Des propos qui interviennent alors que le gouvernement s'est dit "favorable" à ce que tout acte de pénétration sexuelle d'un majeur sur un mineur de moins de 15 ans soit désormais reconnu comme un crime sans se demander si la victime était consentante ou non.

franceinfo : Est-ce que vous estimez qu'avec ces annonces du gouvernement on est sur la bonne voie aujourd'hui ?

Isabelle Aubry : On est sur la bonne voie. Il y a 10% du chemin qui est fait avec ce seuil d'âge à 15 ans pour les actes sexuels avec pénétration. Nous espérons qu'il y aura un seuil d'âge à 18 ans pour l'inceste. C'est ce que demandent toutes les associations réunies dans le collectif pour l'enfance. Question en revanche sur les agressions sexuelles, parce que là il n'en est pas fait mention et les agressions sexuelles sur mineurs représentent la grande majorité des condamnations. Il y a 1 000 viols jugés par an dont la moitié environ sur mineurs, donc là on est sur une infime partie des condamnations. Le problème est que justement les viols sont requalifiés en agression sexuelle donc on aimerait savoir ce que compte faire le gouvernement à propos du seuil pour les agressions sexuelles et spécifiquement aussi pour l'inceste.

Vous disiez qu'il n'y a pas de volonté politique de lutter contre le tabou de l'inceste, est-ce que vous diriez encore la même chose aujourd'hui ?

Pour l'instant je vois que le gouvernement réagit à une pression de la société civile et c'est la société - comme le disait monsieur Dupond-Moretti - qui fait avancer les lois. Il y a quand même des freins au sein de notre administration pour que les lois - notamment concernant l'inceste - n'avancent pas et ça fait 20 ans qu'on s'y confronte et le garde des Sceaux s'y confrontera aussi. L'inceste est un tabou et pour l'instant, dans les annonces faites, il n'y en n'a pas sur l'inceste. Nous les attendons avec impatience.

Selon vous, faut-il s'intéresser - légalement parlant - aux proches mis au courant par les enfants et qui, soit ne croient pas l'enfant, soit lui demandent de se taire ?

Il faudrait, comme l'ont suggéré plusieurs associations, et je trouve que c'est une bonne idée, que le délai de prescription pour ce délit de non-dénonciation soit aligné au délai de prescription sur le délit ou le crime lui-même et donc soit rallongé.

Est-ce que l'on sait pourquoi un enfant victime de violences sexuelles ou d'inceste se met à parler ?

Quand il est enfant, qu'il n'en peut plus et qu'il veut se sortir de cette situation, il va essayer de parler avec des mots ou des maux.

"Mais dans 83% des cas on va lui dire de se taire au profit de la cohésion familiale."

Isabelle Aubry, présidente de l’association Face à l’Inceste

à franceinfo

Donc souvent, il va entrer dans un déni protecteur et il lui faudra, en moyenne, 16 ans après les faits pour en sortir et pouvoir mener des actions plus révélatrices voire judiciaires pour protéger, souvent, d'autres enfants. C'est pour cela que l'imprescriptibilité est importante, pour qu'il n'y ait plus de passeport pour le viol d'enfants. Pour qu'un agresseur puisse être poursuivi toute sa vie. Aujourd'hui, le parcours de soins n'est pas lisible, il y a peu de professionnels formés et il n'y a pas de sites, pas de numéros verts, chacun doit un peu se débrouiller à sa façon. Les médecins et les psy n'ont pas de formation sur ce sujet sauf s'ils s'y intéressent. Je dirais en fait qu'il y a tout à faire.

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