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ENQUETE FRANCEINFO. "C’est pire qu’une drogue" : le combat sans fin d'un pédophile contre ses pulsions

Margaux Duguet le jeudi 14 juin 2018

ENQUETE FRANCEINFO. "C’est pire qu’une drogue" : le combat sans fin d'un pédophile contre ses pulsions (BATISTE POULIN / FRANCEINFO)

"Je suis certain que je ne rĂ©cidiverai pas, si je retouche un seul cheveu d’un gamin, je serai inexcusable." Silence. "Mais, est-ce que j’aurai la force de dire non Ă  un gamin de 15 ans ? C’est sĂ»r que je n’irai pas le chercher. Mais si on me provoque…"  StĂ©phane*, 58 ans, n’élude rien de ce qui le hante depuis ses 14 ans. Son attirance pour les petits garçons est allĂ©e jusqu’au passage Ă  l’acte, Ă  plusieurs reprises, avec des victimes âgĂ©es de 12 Ă  15 ans. IncarcĂ©rĂ© dès 2011, il a Ă©tĂ© condamnĂ© en 2013, Ă  cinq ans de prison pour agressions sexuelles sur mineurs. LibĂ©rĂ© en 2015, il a retrouvĂ© du travail, s’est rĂ©conciliĂ© avec sa famille et respecte son suivi socio-judiciaire. Mais son trouble est toujours lĂ .

Nous sommes entrés en contact avec lui après l'affaire Angélique, du nom de cette jeune fille de 13 ans, violée et tuée en avril 2018 par un homme déjà condamné vingt-deux ans plus tôt pour "viol avec arme sur une mineure de moins de 15 ans". Après ce meurtre, la question du suivi et de la réinsertion des personnes condamnées pour pédophilie est revenue dans le débat public. Stéphane nous a raconté son expérience, sa vie régulée par son attirance pour de jeunes garçons et son impuissance face à ces pulsions qui le rongent.

Quand nous le rencontrons, ces dernières se manifestent ouvertement. "Tout en vous parlant, je regarde autour pour voir si personne ne peut me perturber." Quelques minutes plus tard, un couple accompagnĂ© d’un petit garçon d’une dizaine d’annĂ©es traverse la place du palais de justice de Nice (Alpes-Martimes) oĂą il nous a donnĂ© rendez-vous. StĂ©phane interrompt la conversation. Il tire une paire de lunettes de sa chemisette. Grand et mince, il se voĂ»te lĂ©gèrement pour regarder. "Non, ça va, il est gros, je suis rassurĂ©." Lui prĂ©fère les jeunes garçons sveltes et musclĂ©s. La scène se rĂ©pĂ©tera plusieurs fois durant la conversation. "C'est pire qu’une drogue, souffle-t-il. Quand je me vois de l’extĂ©rieur, je me trouve dĂ©gueulasse. Un gros porc qui a touchĂ© des enfants."

"Tous ces fantasmes dans la tête, ça rend fou"

  (BATISTE POULIN / FRANCEINFO)

StĂ©phane se souvient parfaitement du jour oĂą tout a commencĂ©. "C’était la rentrĂ©e de 3e, je n’avais pas encore 15 ans et j’ai Ă©tĂ© violemment attirĂ© par un petit gamin de 6e, un petit blond avec une coupe Ă  la Mireille Mathieu." En plein cours de maths, il comprend. "J’en suis tombĂ© dans les pommes, j’ai rĂ©alisĂ© que je n’étais pas amoureux des filles mais que j’étais attirĂ© par les petits garçons." StĂ©phane ne vit plus que pour le quart d’heure oĂą, Ă  la cantine, il croise le garçonnet et lui "apprend des tours de cartes". "Je suis encore traumatisĂ© par lui aujourd’hui."

Ses rĂ©sultats scolaires en pâtissent et l’adolescent se renferme sur lui-mĂŞme. "J’aurais dĂ» ĂŞtre repĂ©rĂ© dès la 3e, fulmine-t-il. Un jour, la prof d’anglais s’est foutue de moi parce que je parlais Ă  un camarade. Elle a dit devant tout le monde 'regardez, StĂ©phane parle !' Elle avait vu que je ne parlais pas du tout mais n’a rien signalĂ©." Ses parents, qui Ă©voluent dans un milieu aisĂ©, ne remarquent rien. "Mon père me reprochait de faire pleurer ma mère Ă  cause de mes rĂ©sultats scolaires. Ils prenaient mon mal-ĂŞtre pour de la fainĂ©antise", relève-t-il.

L’étĂ© de ses 18 ans, il devient animateur dans une colonie de vacances du sud de la France. "Évidemment, ç'a Ă©tĂ© le terrain de mes expĂ©riences." StĂ©phane encadre une vingtaine d'enfants de 11 ans. L’un d’eux attire immĂ©diatement son attention.

On était parti camper deux nuits et j’ai trouvé un prétexte pour le faire dormir avec moi et une animatrice. Les chatouilles sont devenues des caresses et j’ai caressé son sexe.

Stéphane

Le petit garçon a un mouvement de recul, fait "un gémissement d’acceptation, mais contraint et forcé". L’animatrice n’entend rien. Le lendemain, l'enfant se comporte comme la veille. Lui se sent "coupable", a le sentiment d'"avoir trahi" l’enfant. "Ça m’a fait un électrochoc", dit-il.

Stéphane tente dès lors de se maîtriser comme il peut. "Il était dans une très grande souffrance. Il s’est même adonné à de l’automutilation pour faire passer ses pulsions", explique son avocate Alexandra Granier. Au début des années 2000, il vit dans une villa à Marseille. Dans la maison d’à côté, habite un adolescent âgé "de 14/15 ans". "Ç'a été un enfer pendant un an. J’avais tous ces fantasmes dans la tête, ça rend fou." La culpabilité le ronge. "Adepte de tendances masochistes", il se brûle "atrocement" les fesses sur son barbecue pour se punir. Il en porte encore aujourd’hui la trace.

"Je ne peux rien pour vous"

  (BATISTE POULIN / FRANCEINFO)

StĂ©phane cherche alors de l’aide auprès de son entourage. Ă€ 29 ans, il tombe en dĂ©pression. "Je me suis dit 'ma vie est foutue' et j’ai dĂ©cidĂ© de faire cadeau de ma vie Ă  quelqu’un." Il se marie avec une non-voyante rencontrĂ©e par le biais d’une petite annonce. "Si j’avais Ă©tĂ© amoureux des femmes, ç'aurait Ă©tĂ© elle." De cette union naissent quatre enfants : une fille et trois garçons. Le quotidien familial n’apaise pas ses pensĂ©es pĂ©dophiles et les disputes avec sa femme sont rĂ©gulières.

Cette dernière commence Ă  se douter de quelque chose. "Un jour, on Ă©tait en balade Ă  Paris sur l’ancien chemin de fer Ă  Bastille. On a croisĂ© quatre ados en patins Ă  roulettes dont un torse nu, en pantalon blanc." StĂ©phane, tout joyeux d’être Ă  Paris, devient immĂ©diatement silencieux et maussade, faute de pouvoir assouvir son fantasme. "Il m’a pourri l’après-midi, en dix secondes, notre week-end Ă©tait foutu. Ma femme a vu mon changement d’humeur mais elle n’a pas compris pourquoi", raconte-t-il. En 1997, il lui avoue tout. "Elle m’a dit qu’elle s’en doutait, qu’elle me comprenait et que c’était horrible", se souvient-il. Sa femme, qui ne compte pas – Ă  ce moment-lĂ  – le dĂ©noncer, lui fait promettre de ne jamais toucher Ă  leurs enfants. Il assure n’éprouver aucune attirance envers sa progĂ©niture. "Je ne ressens rien pour eux, je lui ai dit de n’avoir aucune inquiĂ©tude Ă  ce sujet."

Mais pouvoir en parler à sa femme ne suffit pas. Stéphane s’ouvre également à ses enfants. "Il m’avait raconté – quand j’avais la vingtaine – que c’était dans sa tête, qu’il n’y aurait jamais de passages à l’acte", se souvient sa fille aînée, Marine*, 29 ans aujourd'hui. "Ça m’a perturbée mais j’ai continué à lui faire confiance", ajoute-t-elle. "À moi aussi, il m’avait dit que c’était une souffrance et qu’il ne passerait jamais à l’acte", confirme son fils Marc*.

C’est dingue, je n’en reviens pas. C’était un secret de polichinelle. Il l’avait dit à son entourage, à ses amis, à ses enfants et ça n’a interpellé personne.

Marc, fils de Stéphane

Le jeune homme est aujourd’hui âgé de 27 ans. "Je me souviens de l’anniversaire de mon petit-frère, il y avait tous ses copains et leurs parents. Et mon père provoquait les gamins. Il leur a dit 'vous n’êtes pas cap de vous mettre cul nu pour que je fasse une photo'. Il n’y a eu aucune réaction de la part des adultes présents."

StĂ©phane se tourne aussi vers le monde mĂ©dical. Avant son arrestation, il consulte trois psychiatres ainsi qu'un psychologue. Sans effet. L'un de ces praticiens, recommandĂ© par son gĂ©nĂ©raliste, lui assène mĂŞme : "Je ne peux rien pour vous, je ne suis pas compĂ©tent." Il le place sous antidĂ©presseurs. "On peut reprocher plein de choses Ă  mon père mais pas de ne pas avoir cherchĂ© de l’aide", dĂ©plore sa fille Marine."Il Ă©tait en demande de soins depuis fort longtemps, il n’a pas Ă©tĂ© soutenu comme il aurait dĂ»", renchĂ©rit son avocate.

"J’ai des collègues qui ne veulent pas entendre parler de ces problèmes-lĂ ", confirme le psychiatre Walter Albardier, responsable du Criavs (Centre ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles) d’Ile-de-France. "En France, on travaille beaucoup sur la rĂ©cidive et on oublie le premier passage Ă  l’acte", dit-il, pointant Ă©galement un manque de formation du personnel mĂ©dical.

On a tout à faire sur la prévention. Il y a aussi, chez certains soignants, l’idée que le pervers n’est pas traitable.

Mathieu Lacambre, psychiatre et président de la FFCRIAVS

Hormis ces centres, aucune ressource spécifique n’existe pour les pédophiles qui ne veulent pas passer à l’acte. Aucun numéro vert n’est, pour le moment, à leur disposition pour se confier et trouver de l’aide auprès de professionnels.

De son côté, Stéphane assure même avoir pensé à la castration chimique. Mais les médecins lui ont expliqué que cela "n'agirait pas sur ses sentiments amoureux, qu’il y avait un risque que ça ne change rien". Pire, assure-t-il, la castration l’empêcherait "de se soulager à la maison", et donc de se masturber. Stéphane assure ne pas consommer de vidéos pédopornographiques. "Ce traitement inhibiteur de la libido peut sécuriser la prise en charge du patient, soulager beaucoup et être utile mais ça ne règle pas tous les problèmes. Il reste la pédophilie, le fait d’aimer les enfants, donc la question de la préférence sexuelle", avance Mathieu Lacambre.

"Je suis coupable"

  (BATISTE POULIN / FRANCEINFO)

Sans aide extĂ©rieure, StĂ©phane repasse Ă  l’acte, plusieurs fois. "Quand il a vu que l’encadrement mĂ©dical n’était pas lĂ , il a relâchĂ© ses efforts", soupire son avocate. Il y a d’abord FrĂ©dĂ©ric*, un ami de ses enfants, dont il devient très proche grâce Ă  leur passion commune pour les trains. "Au dĂ©but, il ne s’est rien passĂ©, se souvient FrĂ©dĂ©ric. Au contraire, il Ă©tait un peu comme un deuxième père pour moi, il Ă©tait très attentionnĂ©." Mais, Ă  ses 15 ans, en 2006, tout "bascule en une nuit". Avec la confiance des parents de FrĂ©dĂ©ric, StĂ©phane l'emmène en voyage sur les traces de gares oubliĂ©es. Un soir, dans un hĂ´tel, il le caresse. Puis le masturbe.

J’étais tétanisé, en état de choc, on ne pense plus à rien, on n’a pas de réponse de son corps.

Frédéric, victime de Stéphane

Son agresseur "va plus loin" et lui "fait une fellation". "Je n’ai aucune stratégie pour sortir de là, raconte Frédéric. Le lendemain, il m’a demandé de ne rien répéter et m’a promis qu’il ne recommencerait pas. Mais dans les mois qui ont suivi, il a recommencé une fois."

StĂ©phane ne s’arrĂŞte pas au jeune ado. En 2005, il divorce et s’installe dans une grande villa Ă  Aubagne (Bouches-du-RhĂ´ne). Cinq ans plus tard, il fait la connaissance de Julien*, 12 ans, le meilleur ami de son troisième enfant."Ç'a Ă©tĂ© le coup de foudre, sans exagĂ©rer. Quand je l’ai vu torse nu, je n’ai plus Ă©tĂ© maĂ®tre de moi", dit-il. Un soir d’étĂ©, son fils et Julien sont dans son lit et regardent un film. Un Louis de Funès. "J’ai eu une pulsion et j’ai dit 'on va faire des papouilles'." Le scĂ©nario est le mĂŞme. Les "papouilles" se transforment en caresses. "Pendant deux ans, je l’ai caressĂ© presque chaque week-end. C’était devenu le but de ma vie", avoue StĂ©phane. Les deux gardent le silence.

Mais, le 15 septembre 2011, tout s’arrête. Les policiers débarquent sur son lieu de travail et saisissent son ordinateur. Son ex-femme l’a dénoncé, persuadée qu’il s’en est pris à leur dernier fils. Il nie catégoriquement mais cite spontanément Frédéric. Julien a déjà été auditionné. Stéphane déballe tout, raconte tout : "Je leur ai dit 'je suis coupable, je vais tout dire, je n’ai pas besoin d’un avocat'."

Il a tout de suite été conscient de ce qu’il avait fait. C’était une personne en grande souffrance mais aussi intelligente et qui avait un recul sur les choses.

Alexandra Granier, avocate de Stéphane

Incarcéré aux Baumettes, à Marseille, Stéphane est condamné, en 2013, à cinq ans de prison pour agressions sexuelles sur mineurs pour les faits concernant Julien et Frédéric. Il dit avoir vécu en détention "une étape importante de sa reconstruction" : "J’ai rencontré toutes les semaines un psychiatre et, surtout, j’ai vu que je n’étais pas seul au monde, qu’il y avait d’autres gens atteints du même trouble que moi", explique-t-il.

En avril 2015, il sort de prison, subvient Ă  ses besoins en louant sa villa d’Aubagne et retrouve "facilement" du travail comme formateur professionnel en Ă©lectricitĂ©. Il renoue avec sa famille et, plus Ă©tonnant, avec sa première victime. "J’ai refermĂ© le dossier mĂŞme s’il y a toujours une part de moi qui ne pourra pas lui pardonner, assure FrĂ©dĂ©ric. Ce qu’il m’a fait n’efface pas les trois, quatre annĂ©es avant l’agression oĂą c’était gĂ©nial." Le jeune homme assure ainsi n’avoir pas oubliĂ© "les bons souvenirs" avec StĂ©phane oĂą "il a Ă©tĂ© comme un deuxième père" pour lui. "Cela m’a extrĂŞmement soulagĂ© et aussi fait plaisir car il reste un ami indĂ©niable", rĂ©agit pour sa part StĂ©phane.

Éviter les enfants pour "éviter de souffrir"

  (BATISTE POULIN / FRANCEINFO)

StĂ©phane est dĂ©sormais suivi par la justice. Il est soumis, pour dix ans, Ă  une injonction de soins : psychologue tous les quinze jours, psychiatre judiciaire tous les trois mois, rendez-vous avec le CPIP (Conseiller pĂ©nitentiaire d’insertion et de probation) tous les mois et pointage au FIJAISV (le Fichier judiciaire automatisĂ© des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes) deux fois par an.

Il est plutĂ´t satisfait de sa psychologue : "Elle connaĂ®t le sujet mĂŞme si, lorsque je l’écoute, j’ai l’impression d’être seul au monde. (...) On parle de ce que je veux, parfois d’autres sujets que la pĂ©dophilie", explique StĂ©phane qui promet de continuer les sĂ©ances après la fin de l’injonction de soins. ContactĂ©e par franceinfo, elle refuse de s'Ă©pancher sur le cas de StĂ©phane : "Les prises en charge sont très individuelles, on les adapte en fonction des personnes", dit-elle simplement. 

Tous les spĂ©cialistes contactĂ©s par franceinfo l’assurent : la pĂ©dophilie, qui est un trouble psychiatrique de la sexualitĂ©, se prend très bien en charge. "On apprend aux patients Ă  gĂ©rer leur pĂ©dophilie via des thĂ©rapies. Par exemple, la majoritĂ© des pĂ©dophiles est non exclusive, c’est-Ă -dire qu’à cĂ´tĂ© de la pĂ©dophilie cohabite une sexualitĂ© adulte. Il faut donc renforcer cette sexualitĂ© adulte", explique le psychiatre Jean-Philippe Cano. "On soigne beaucoup mais on guĂ©rit peu", tempère Mathieu Lacambre.

Stéphane juge en revanche bien plus sévèrement ses rendez-vous avec le psychiatre judiciaire. "C’est juste des attestations de passage, ça dure quinze minutes", soupire-t-il.

Une fois, mon psychiatre m’a demandé 'alors, est-ce que les enfants vous attirent moins ?' Bah non, toujours autant.

Stéphane

Il a nĂ©anmoins trouvĂ© un soutien auprès de Latifa Bennari, la prĂ©sidente de l’association L’Ange bleu, qui organise des rencontres entre pĂ©dophiles et victimes. "Cette expĂ©rience de terrain s’est avĂ©rĂ©e rĂ©paratrice pour les victimes et prĂ©ventives pour les pĂ©dophiles", assure-t-elle. "C’est la seule qui m’a Ă©coutĂ©, observé… La seule qui m’a dit que ce n’était pas une maladie, que j’étais comme ça et qu’il fallait que j’apprenne Ă  gĂ©rer ça. Elle m’apprend Ă  me regarder en face", juge StĂ©phane. Il participe parfois Ă  des groupes de parole de l'association Ă  Paris. Il les juge utiles et regrette que les pouvoirs publics ne mettent pas en place de telles initiatives, partout en France.

MalgrĂ© sa stabilitĂ© actuelle, le quinquagĂ©naire reste prudent sur son Ă©tat. "J’ai une chance de dingue, j’ai mes enfants, mes petits-enfants, j’ai de l’argent et je peux mĂŞme reparler Ă  l’une de mes victimes. Et pourtant…", souffle-t-il. Rien Ă  faire. "J’étais dans un train pour Cagnes-sur-Mer. C’était pendant l’étĂ© 2016. Deux ou trois jeunes de 12, 13 ans sont montĂ©s. Parmi eux, il y en avait un torse nu, avec un petit bandeau rouge", se souvient-il. Ce dernier ressent immĂ©diatement "une grosse attirance", se sent "tĂ©tanisĂ©". "C’est la seule fois qui m’a traumatisĂ© depuis ma sortie de prison", dit-il. Pour Ă©viter toute tentation, StĂ©phane a donc mis au point sa propre "règle".

Quand je croise un gamin, et bien, tant que je le vois, je le regarde et quand il disparaît, et bah, il disparaît.

Stéphane

Ce principe s’accompagne de tout un tas de garde-fous pour "Ă©viter de souffrir" et, donc, de croiser des enfants. "Je ne vais pas Ă  la plage avant 18 heures, j’évite les sorties d’école et je ne fais pas mes courses avant 21 heures", dĂ©taille-t-il. Des particuliers l'ont sollicitĂ© pour donner des cours de maths Ă  domicile auprès d’enfants. Il a dĂ©clinĂ©.

"Ces stratégies d’évitement qu’il a mises en place, il ne le faisait pas avant", souligne son avocate. "Il évite les situations à risque, il sait les reconnaître. La dernière fois, on voulait aller à la piscine, il a dit 'non, je ne peux pas'", complète son fils Marc. Et ses proches sont désormais vigilants. "Quand je le vois regarder des enfants avec le désir dans les yeux, je lui dis de se calmer", assure Frédéric. "Si je le mets au milieu d’enfants, je suis sûr qu’il ne se passera rien, estime Latifa Bennari. Mais il restera toujours pédophile. On ne peut rien y faire."

* Les prénoms ont été changés à la demande des intéressés.

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