"Nous voulons tous la justice" : 30 ans après, des Inuits canadiens espèrent l'extradition d'un prêtre français qu'ils accusent d'agressions sexuelles
Ce prêtre français était missionnaire dans le Grand Nord canadien entre 1960 et 1993. Il est accusé de violences sexuelles sur des enfants inuits.
L'affaire a refait surface avec la visite du pape François fin juillet auprès des peuples autochtones : le Canada demande à la France d'extrader Johannes Rivoire. Ce prêtre français est accusé de violences sexuelles sur des enfants inuits, quand il était missionnaire dans le Grand Nord canadien entre 1960 et 1993. À 92 ans, il vit maintenant dans un Ehpad à Lyon, assigné à résidence par sa congrégation.
"Les victimes sont ignorées depuis des décennies", dénonce l'une des députées canadiennes qui portent le dossier. Les premières plaintes contre Johannes Rivoire datent en effet des années 1990. De jeunes Inuits l'accusent alors d'agressions sexuelles ou de viols, quand ils étaient enfants. En 1998, le Canada lance un mandat d'arrêt international, sans résultat : le religieux est en France. Ce mandat est levé en 2017.
Une "tradition" française de non-extradition
Mais l'hiver dernier, une femme de 53 ans dépose plainte à son tour. C'est ce qui rouvre l'enquête, et relance les espoirs de la députée inuit Lori Idlout. "Nous voulons tous la possibilité que justice se fasse, déclare la députée. Maintenant, nous devons lever toutes les barrières pour s'assurer que Rivoire soit conduit au Canada. Ainsi, il pourra être jugé là où il a commis ses actes criminels."
"C'est important qu'il soit jugé au Canada car il y a urgence, il devient vieux et parmi ses victimes un des plaignants est mort. Je veux m'assurer que les familles pourront obtenir ce qu'elles cherchent, c'est-à-dire être crues."
Lori Idlout, députée inuità franceinfo
Il y a une barrière de taille : Johannes Rivoire a la double nationalité franco-canadienne, et sauf rares exceptions, la France n'extrade pas ses ressortissants. Le député français Aurélien Taché appelle à une réflexion sur cette loi. Il soutient la demande canadienne. "Cette tradition française de ne pas extrader nos ressortissants qui ont notamment la double nationalité me semble devoir être réinterrogée quand on est effectivement dans un cas de crimes sexuels", explique Aurélien Taché. Pour le député de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociales, "nous avons affaire à un mécanisme de violence systémique dans ces pensionnats autochtones. Cette affaire revêt donc un caractère politique extrêmement important et je pense que cette tradition, dans ce genre de cas, avec la symbolique et l'ampleur des crimes qui ont été commis, doit être réinterrogée."
En lien avec Aurélien Taché, une délégation inuite viendra en France mi-septembre, pour plaider l'extradition. Le père Rivoire, lui, a toujours nié les accusations. La Chancellerie a de son côté demandé des informations complémentaires au Canada, sur la demande d'extradition.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.