: Témoignage "C’est 40 ans de ma vie qui volent en éclats" : le père de Caroline est soupçonné d'avoir drogué sa mère pour la violer et la livrer à des hommes
Caroline Darian témoigne dans un livre de la soumission chimique que son père est soupçonné d'avoir imposée à sa mère pour la violer et la livrer à d'autres hommes. Un phénomène qu’elle veut dénoncer aujourd’hui.
Jusqu’au mois de novembre 2020, Caroline Darian avait une vie qu’elle pensait heureuse. Un mari, des enfants, des parents et des frères avec qui elle s’entend bien. Et puis il y a eu ce coup de fil de sa mère. "Elle me dit : 'Ton père est en garde à vue, il n'en ressortira pas. Il a fait des choses très graves. Ton père me droguait pour abuser de moi et me faire abuser par d'autres hommes.'" Dans son livre Et j’ai cessé de t’appeler Papa, qui paraît aux éditions JC Lattès, Caroline Darian raconte cette soumission chimique que son père est soupçonné d'avoir imposée à sa mère.
En septembre 2020, un homme est arrêté à Carpentras, dans le Vaucluse, pour avoir filmé sous les jupes de plusieurs femmes dans un supermarché. Puis le 2 novembre 2020, il est convoqué à nouveau et placé en garde à vue car dans son ordinateur et son téléphone, les enquêteurs ont retrouvé des photos et vidéos de son épouse, visiblement droguée, en train d’être violée par lui et par d’autres hommes. "Pour moi c’est une déflagration totale, un choc terrible, poursuit Caroline Darian. C’est 40 ans de ma vie qui volent en éclats. C'est toutes nos fondations qui s'écroulent en tant qu'enfant. À ce moment-là, je découvre que je ne connais pas la personne qui m'a élevée avec qui je pensais avoir une relation de confiance."
Avant la découverte des faits, Caroline Darian décrit son père comme "quelqu’un d’extrêmement sociable, apprécié, vu comme quelqu’un de bienveillant, toujours prêt à rendre service, extrêmement bien inséré, avec des activités sportives, des amis. Une vie tout ce qu’il y a de plus normal."
"Nous étions une famille très unie. Donc c’est déroutant de découvrir la face cachée d’un homme qui se trouve être son père. Et, pour ma mère, c’est un séisme d’une rare violence."
Caroline Darian
Après l'arrestation de son père, "les jours passent et c’est l’horreur, c’est un film d’horreur", explique Caroline Darian qui découvre qu'elle est aussi concernée : "Il existe des clichés de moi supposée dormir. Mais pour moi, ce sont des clichés où je ne suis absolument pas dans mon état normal. Sauf qu’on ne sait pas ce qu’il s’est passé ni avant, ni après. C’est très compliqué parce que je découvre que j’ai aussi été une proie pour mon père."
"Ma mère a vu trois neurologues"
Elle découvre aussi le nombre "sidérant d’auteurs" soupçonnés. À ce jour, les enquêteurs estiment qu’environ 70 hommes sont susceptibles d’avoir violé la mère de Caroline, sur ordre de son père. "Tout était prémédité, orchestré au millimètre pendant toutes ces années, affirme-t-elle. Ces personnes n’avaient pas le droit de mettre leur véhicule à proximité de la maison, ils devaient rentrer très discrètement dans la chambre. Ils devaient respecter une forme de silence. On sait via l’instruction qu’il y avait beaucoup de préméditation, que c’était très réfléchi, et surtout respecté par les agresseurs."
Des viols dont la victime n’a aucun souvenir, seulement des symptômes, dont elle ne trouvait pas la cause. "Il y a eu des signes qui nous ont alerté, se souvient Caroline. Avec mes frères, on a dit à notre maman de consulter un neurologue. Elle en a vu trois. En fait, ma mère faisait des absences et des amnésies."
"Régulièrement, quand on avait ma mère au téléphone, ses propos étaient incohérents. Elle ne se souvenait pas de discussions qu'on avait eues parfois même le matin-même. Jusqu'au jour où on découvre que c'est lié à l'administration de fortes doses d'anxiolytiques et de somnifères."
Caroline Darianà franceinfo
Pendant dix ans, la mère de Caroline a en fait été victime de soumission chimique, qui consiste donc à droguer ou donner des médicaments à quelqu’un, à son insu, à des fins criminelles. Si, aujourd'hui, Caroline a écrit ce livre, c’est pour alerter sur ce phénomène encore trop peu connu selon elle : "En fait, il y a un silence assez vertigineux autour de ce fait de société qui n'est pas juste un cas isolé. Ça prouve qu'aujourd'hui, l'armoire à pharmacie familiale devient l'arsenal préféré des agresseurs sexuels."
En 2019, selon l’agence française de sécurité du médicament, 365 personnes ont potentiellement été victimes de soumission chimique. La majorité était des femmes ou des enfants, la plupart du temps drogués à des fins de viols ou d’agressions sexuelles. L’enquête concernant la père de Caroline Darian est désormais au stade de l’information judiciaire et entre les mains d’un juge d’instruction.
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