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Reportage "Ils prennent leur douche à une sortie d'égoût" : en Belgique, la situation critique des demandeurs d'asile

En plein débat européen sur la réforme du système migratoire européen, la capitale européenne est confrontée elle-même à un manque criant de places d’accueil.
Article rédigé par Angélique Bouin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Depuis plusieurs mois, des dizaines de tentes où vivent des migrants sont installées à Bruxelles, en Belgique. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

"Il y a des gens qui habitent-là ?" : dans ce sous-sol de la rue de Loi, à Bruxelles, au cœur du quartier européen, un immeuble désaffecté est occupé par une quarantaine de demandeurs d’asile. "Ils prennent leur douche, ici : une pièce qui est une sortie d’égout", explique Thomas, 26 ans, un bénévole qui vient en aide aux demandeurs d'asile en Belgique.

>> Les demandes d'asile ont augmenté de près de 30% au premier semestre 2023 dans l'Union européenne

Ici, on n'hésite d'ailleurs pas à parler de crise. Tandis que les Européens sont toujours divisés sur la question migratoire, malgré le nombre de demandeurs d’asile en forte hausse dans l’Union européenne, le pays est tiraillé par la pression migratoire et le manque de places d’accueil, qui font régulièrement la une des journaux. La crise est telle que le gouvernement a décidé de ne plus accepter d’hommes seuls dans ses centres d’accueil pour laisser la place aux familles. Une décision qui provoque un tollé, sur fond de climat pré-électoral à 9 mois du prochain scrutin national et européen. 

C'est le cas d'Amin, un Afghan de 30 ans. Éligible à l’asile, il a déposé son dossier il y a cinq mois déjà, et devrait à ce titre être logé par l’état belge. Mais il vient de passer plusieurs mois à la rue et dans ce squat : "C’est très dur sans électricité, sans eau... Je sais qu’en 2016, beaucoup de migrants sont venus en Europe. À cette époque, il y avait des places, mais plus aujourd'hui", note-t-il. À ses côtés, Issa, sénégalais, est venu, seul lui aussi, frapper à la porte de l’Europe. : "J’ai choisi Bruxelles, car c'est la capitale de l'Union européenne. Et c'est là aussi qu'on respecte les droits de l'Homme".

"Cinq personnes par commune"


2 200 hommes seuls, demandeurs d’asile, sont donc à la rue à Bruxelles, seule ville belge où ils peuvent déposer leur dossier. En cas de crise, une loi prévoit de les répartir dans le pays. Le gouvernement, pourtant condamné par la justice pour son inaction, ne veut pas l’actionner, déplore Sotieta Ngo, directrice générale du CIRÉ : "Aujourd'hui, si on répartissait sur l'ensemble des communes de Belgique, les personnes qui n’ont pas d’accueil, ça ferait cinq personnes par commune. Et plus personne ne dort sur un trottoir !"

"On négocie déjà des places avec les communes", répond la secrétaire d’Etat à l’asile, qui refuse une répartition obligatoire. Nicole de Moor s’en remet à l’Europe pour tarir et gérer les flux d’arrivants. "En 2019, on a commencé avec 21 000 places d'accueil. Aujourd'hui, nous en avons 35 000. Mais je veux être honnête : la seule création de nouveaux centres d'accueil ne résoudra pas la situation. Si on n’a pas une réforme profonde au niveau européen, on n'arrivera jamais à résoudre la crise profonde en Belgique", a-t-elle plaidé, interrogée par la radio publique belge.

La Belgique, qui prend la présidence de l’Union européenne au 1er janvier prochain, entend bien finaliser un accord des 27 sur la répartition des demandeurs d’asile.

Le reportage d'Angélique Bouin pour franceinfo

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