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Indignation lors de l'inhumation du bébé rom : "Même morts, on ne veut pas d'eux"

Le maire de Champlan (Essonne) est accusé d'avoir refusé d'accueillir le cercueil d'un bébé rom dans son cimetière. Il dément, mais l'affaire a pris de l'ampleur. Reportage à Massy et à Wissous, où a été inhumé l'enfant lundi.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La mère de Maria Francesca (au centre) lors des funérailles de son bébé, le 5 janvier 2015 dans le cimetière de Wissous (Essonne). (JOEL SAGET / AFP)

Des pleurs et des cris retentissent devant l'autel de l'église catholique Saint-Paul à Massy (Essonne). Ielena, la mère du bébé rom mort au lendemain de Noël, laisse échapper sa douleur. Sa petite fille, qui s'appelait Maria Francesca, a été victime de la mort subite du nourrisson à l'âge de deux mois et demi. Le drame, si tragique soit-il, serait passé inaperçu si Christian Leclerc, le maire de Champlan (Essonne), où la famille réside, n'était pas accusé d'avoir refusé l'inhumation d'un bébé rom dans sa commune. Accusation qu'il récuse.

En trois jours, le nourrisson est devenu un symbole médiatique des discriminations subies par sa communauté. Ainsi, lundi 5 janvier, jour des obsèques, une vingtaine de journalistes se postent devant l'église, en fin de matinée, dans un brouillard froid et tenace. Des paroissiens de Massy, des membres d'associations d'aide aux Roms ainsi que des élus se pressent à l'intérieur. En tout, une soixantaine de personnes se massent dans l'église moderne, à ossature en bois, coincée entre l'opéra, un hôtel et des barres d'immeubles.

"Il existe encore de méchants aubergistes"

Le prêtre commence la cérémonie religieuse. Il connaît la famille. Il avait commencé à préparer le baptême de la petite Maria Francesca avec ses parents. A ses côtés, un Rom traduit ses propos en roumain, pour la famille installée sur les bancs à l'avant de l'église. On entend quelques enfants qui ne tiennent pas en place sur les bancs ou, de temps à autre, une sonnerie de portable. Dans son discours, le prêtre a glissé quelques allusions à l'actualité, mais pas de référence directe.

Peu avant la fin de la cérémonie, un deuxième prêtre, Frédéric Gatineau, prend la parole. Il connaît bien la famille et officie à Longpont-sur-Orge (Essonne). Lui décide de livrer sa vision des faits dans une parabole. "Le jour de Noël, quelques heures seulement avant la mort de Maria Francesca, j'étais sur un campement avec des Roms. Nous avons fait une petite crèche vivante pour leur expliquer le sens de cette fête religieuse, avec Marie et Joseph, puis les méchants aubergistes qui refusent de les accueillir avant la naissance de Jésus. Malheureusement, on se rend compte, aujourd'hui, qu'il existe encore de méchants aubergistes", déclame-t-il.

"On ne les laisse pas vivre, ni mourir"

Après la cérémonie et le départ du cercueil pour le cimetière de Wissous, à 6 km, le père Frédéric Gatineau précise sa pensée : "Champlan est une petite ville [2 667 habitants]. Tout se sait, donc le maire devait forcément être au courant." Dimanche, le maire de Champlan, qui nie avoir refusé d'inhumer le bébé dans sa commune, a invoqué "une erreur de compréhension dans la chaîne de décision". "C'est absurde de revenir là-dessus. Même morts, on ne veut pas des Roms, c'est tout", se désole Frédéric Gatineau.

"On ne les laisse pas vivre, mais on ne les laisse pas mourir non plus", s'indigne un peu plus loin Saïmir Mile. Le président de l'association La voix des Rroms dénonce un problème de racisme et en appelle aux politiques pour le résoudre. Justement, à côté de lui, le président PS du conseil général de l'Essonne, Jérôme Guedj, s'exprime face aux caméras. "Le département ne se reconnaît pas dans le message de stigmatisation de Christian Leclerc. Je lui lance un appel pour rendre disponible un terrain où pourront vivre les Roms, pour qu'ils puissent expérimenter un autre mode de vie [comme c'est le cas dans certaines communes d'Essonne]. J'espère que l'émotion nationale nous aidera à trouver une solution."

L'inhumation acceptée "par souci d'humanité"

Le maire UMP de Wissous, Richard Trinquier, a aussi fait le déplacement. Il accompagne Ielena, ainsi que son mari, connu sous le surnom de "Mannix", et leur famille, pour l'inhumation. Le cimetière, construit en bordure de la petite ville, est seulement séparé des pistes de l'aéroport d'Orly par une clôture. Toutes les cinq minutes, on entend un avion se poser ou décoller. A l'issue de l'enterrement, le couple se met à genoux aux pieds du maire en signe de reconnaissance. "Elle sera bien, là", leur assure-t-il en les regardant dans les yeux.

La commune de Richard Trinquier accueille 45 Roms, qui vivent sur des terrains privés. L'édile a été alerté de la situation par une élue du conseil départemental d'Europe Ecologie-Les Verts, également membre d'une association de citoyens solidaires. Car ce sont les associations de soutien aux Roms qui ont contacté les pompes funèbres pour organiser les obsèques. Devant le refus (supposé) du maire de Champlan, Richard Trinquier a été sollicité. Il a accepté que le nourrisson soit enterré sur sa commune par "souci d'humanité", même si Christian Leclerc a finalement proposé l'inhumation dans sa ville.

"Rien d'autre qu'une erreur administrative"

"Christian Leclerc m'a contacté ce matin. Il ne voulait pas venir, compte tenu du contexte médiatique. Mais j'ai transmis ses condoléances à la famille de la petite Maria Francesca, comme il me l'avait demandé", explique Richard Trinquier, qui prend la défense de son homologue. "Il était en vacances, il a donc découvert la polémique dans les médias. Connaissant le maire de Champlan, ce n'est rien d'autre qu'une erreur administrative."

A ses côtés, une militante de l'Association de protection des familles roms et roumaines acquiesce. Noelle Veaux-Khoury connaît ces familles de Roms depuis trois ans, leur offre de la nourriture, essaye d'aider à scolariser les enfants. "J'ai pris contact avec eux sur les marchés, avec les mamans qui mendient." 

"Si Ielena crie, c'est pour exprimer sa douleur, poursuit Noelle Veaux-Khoury. Elle a raison, elle se libère." Encore en larmes, Ielena, arrivée de l'est de l'Europe depuis au moins huit ans, s'engouffre dans la voiture de Marie-Hélène Brelaud, de l'Association de solidarité en Essonne avec les familles roumaines et roms. La voiture s'éloigne, les derniers journalistes rangent leurs caméras. Et la porte du cimetière se referme.

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