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Grève des IVG : une militante féministe dépose plainte contre le syndicat de gynécologues Syngof

Des militantes continuent de se mobiliser pour que des sanctions disciplinaires soient prises. Le premier syndicat des gynécologues et obstétriciens a menacé, il y a dix jours, d'arrêter les avortements, pour alerter sur le fonds de garantie des praticiens.
 

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
Une militante féministe dépose une pancarte devant le Conseil national de l'Ordre des médecins, lundi 18 mars.  (JACQUES DEMARTHON / AFP)

"Au moment où quelqu'un, un syndicat, un politique, croit en 2019 qu'il peut menacer les droits des femmes, toutes les femmes ont un intérêt à agir", tonne Anaïs Leleux, militante féministe au sein du Groupe F. Jeudi 21 mars, elle a déposé une plainte à l'encontre du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), auprès du procureur de la République de Paris. La plainte repose sur des faits "d'incitation à l'entrave à l'IVG" et "d'atteinte au droit des patientes de choisir librement leur médecin". 

La militante féministe souhaite ainsi alerter sur ce qu'elle considère comme des menaces répétées du Syngof à l'encontre des droits des femmes. "Ce syndicat attaque tous les quatre mois le droit à l'IVG (...), ce n'est pas anodin qu'ils se soient attaqués à l'IVG, c'est idéologique", dénonce Anaïs Leleux.

"On sait que l'IVG, ça fait parler"

"Dans la situation très dangereuse qui est la nôtre, nous devons faire scandale et être prêt à arrêter la pratique des IVG pour nous faire entendre." C'est par ces mots que débutait la newsletter du Syngof, adressée à ses 1 600 adhérents, mardi 12 mars. Le syndicat brandissait la menace de stopper la pratique des interruptions volontaires de grossesse (IVG) pour négocier avec les autorités sur un sujet sans rapport avec l'IVG, le fonds de garantie de leur profession. Le syndicat demande que ce fonds de garantie couvre davantage les médecins condamnés pour des erreurs médicales, comme l'explique Le Monde (article payant).

Face à la polémique suscitée par cette menace, le Syngof s'est rétracté dans un communiqué, quatre jours plus tard. Le premier syndicat des gynécologues et obstétriciens en France assure ne pas arrêter les IVG, en ajoutant : "Le seul moyen aujourd’hui de se faire entendre est de générer une fausse polémique sur les réseaux sociaux."

Une attitude qui ne passe pas auprès des militantes féministes, surtout que le syndicat n'en est pas à son premier coup d'essai sur le sujet. Une menace d'arrêt de la pratique des IVG avait été mise à exécution en 2010. En septembre, le président du Syngof, Bertrand de Rochambeau, compare devant la caméra de "Quotidien" l'IVG à "un homicide" (le syndicat s'était alors désolidarisé de ses propos)Menacer d'arrêter les avortements pour "alerter la ministre" sur le montant du fonds de garantie des praticiens est une stratégie assumée par le Syngof. "On sait que l'IVG, ça fait parler, déclare le premier syndicat du secteur à franceinfo. C'est une réflexion interne et un courrier validé par le syndicat, donc ce n'est pas un acte isolé." 

Le Conseil national de l'Ordre des médecins pourrait se saisir du sujet

Lundi 18 mars, avec d'autres militantes, Anaïs Leleux s'est rendue jusque dans les couloirs du Conseil national de l'Ordre des médecins. Déguisées en médecins aux blouses blanches tachées de faux sang et munies d'aiguilles à tricoter et de cintres, elles dénonçaient la "prise en otage" des femmes par le Syngof. Dans un couloir,  elles ont pu parler au secrétaire général du Conseil national, Walter Vorhauer. Il leur a expliqué ne pas pouvoir répondre à leur demande : elles souhaitaient l'autosaisie du Conseil afin de sanctionner les gynécologues auteurs de la newsletter. 

Le Conseil national de l'Ordre des médecins explique à franceinfo ne pas avoir pu s'en saisir plus tôt, car aucune réunion plénière n'est prévue avant le 4 avril. "Le sujet sera mis à l'ordre du jour des prochaines sessions, pour savoir si l'Ordre porte plainte devant les chambres disciplinaires", garantit le porte-parole du Conseil à franceinfo. Si le Conseil décide de porter plainte à son tour contre les dirigeants du Syngof, la plainte sera examinée par une chambre disciplinaire indépendante. Les sanctions peuvent ensuite aller du blâme à la radiation. 

"On attend du Conseil de l'Ordre qu'il soit à la hauteur", prévient Anaïs Leleux. Les militantes ont prévu d'autres actions coups de poing avant la réunion du Conseil national de l'Ordre des médecins, les 4 et 5 avril. Elles vont de nouveau interpeller Agnès Buzyn à ce sujet. La ministre de la Santé avait souligné "le caractère inadmissible" des menaces du Syngof, regrettant "l'image faussée des médecins gynécologues et obstétriciens de France" renvoyée par ces déclarations. 

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