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A Clichy, dix ans après la mort de Zyed et Bouna

C'était il y a 10 ans, à Clichy-sous-Bois. Zyed et Bouna, deux adolescents de 15 et 17 ans, mourraient électrocutés dans un transformateur EDF. Après ce drame, les émeutes s'étaient étendues à plusieurs villes : 9.000 véhicules incendiés et des centaines d'interpellations. Jacques Chirac avait alors décrété l'état d'urgence dans le pays. Olivier Klein, le maire de Clichy, témoigne.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Clichy-sous-Bois : Dix ans après Olivier Klein, le maire de Clichy, témoigne © Radio France / Sébastien Baer)

Dès cette funeste soirée du 27 octobre 2005, il était sur le terrain. Premier adjoint au maire de l'époque Claude Dillain, Olivier Klein a suivi heure par heure l'affaire de Clichy aux côtés des familles de Zyed et Bouna. En mars 2015, il était au tribunal de Rennes, pour témoigner, en faveur des deux garçons de 15 et 17 ans. Convaincu, dès le départ, que la version de la police -des gamins qui prenaient la fuite après un vol sur un chantier- a contribué à embraser les banlieues.

"A ce moment-là, il fallait juste dire que c'était un drame, qu'on était désolé, et qu'on ferait toute la lumière sur l'enchainement des faits.  Et le fait de jeter même un petit coin de suspicion sur ces deux enfants a forcément mis de l'huile sur le feu d'une colère. Il y avait eu des mots, le kärcher, la racaille, tous ces mots qui ont été de petites allumettes sur une poudrière. Et en laissant planer le doute, on a rajouté de l'événement à l'événement, de la colère sur la colère". Cette phrase, "nettoyer la cité au kärcher ", elle est de Nicolas Sarkozy... prononcée quelques semaines plus tôt lors d'un déplacement à La Courneuve.

Dix années éprouvantes

Peu de temps après le drame, Olivier Klein avait rencontré Siyakha Traoré, le frère de Bouna. Et il avait été impressionné par son discours mesuré, malgré la douleur. Dix ans plus tard, le maire de Clichy reste admiratif de la dignité des familles de Zyed et Bouna, malgré le sentiment d'injustice. "Il y avait de la colère et elle était légitime car à ce moment-là, les pouvoirs publics n'ont pas trouvé les bons mots pour apaiser les familles qui vivaient un drame horrible. Les mots des pouvoirs publics ne m'ont pas paru à la hauteur et au contraire ont jeté parfois même de la suspicion, donc ils ont été exemplaires, exemplaires dans l'appel au calme, toujours dans une volonté d'apaisement, " explique le maire.

La mutation de Clichy

Dix ans après ce drame, Clichy a changé. C'est indéniable. Il y a quelques jours, Olivier Klein a écrit un tweet : "Enfin une piscine à Clichy !" Avec Montfermeil, qui est juste à côté, la ville a bénéficié d'un programme de rénovation urbaine très ambitieux : 670 millions d'euros. "On a inauguré un commissariat, on a inauguré un pôle emploi qui a profité de ce programme de renouvellement urbain, on a construit des nouveaux logements, on a relogé les gens de manière digne, on a rasé certaines tours, on a construit des squares, donc beaucoup de choses ont changé. Pour moi, la vie s'améliore chaque jour, " se réjouit Olivier Klein.

Quel lien entre la métamorphose de Clichy et le drame ?

Olivier Klein aimerait n'en voir aucun. Mais le maire socialiste n'est pas dupe. Il sait pertinemment que les micros, les caméras, qui ont déferlé sur Clichy pendant plusieurs semaines ne sont pas étrangers au développement rapide de la commune. "Il faut accepter l'idée que ça a bousculé les choses et changé le regard, et cela a permis de dire les mêmes choses un peu plus fort, et d'être mieux entendu parce qu'il y a eu ce drame. Evidemment ". Mais le travail est loin d'être terminé à Clichy-sous-Bois.

Le gros problème de la ville reste son isolement. Clichy n'est qu'à une petite quinzaine de kilomètres de Paris mais il faut 1h30 en transports en commun pour faire le trajet... Et le maire attend toujours l'arrivée du tramway. La ville de "Clichy est toujours très enclavée, pour accéder à l'emploi, pour accéder aux études supérieures, pour accéder aux loisirs. La question des transports et du tramway était le préambule du programme de renouvellement urbain de 2004, on disait que rien ne pourrait être complétement réussi sans les transports. Et on voit que 11 ans après, ces transports ne sont toujours pas là, " regrette le maire.

C'est vrai que d'un côté, la rénovation urbaine a amélioré la situation à Clichy. Mais il reste les statistiques, implacables : un taux de chômage de 23%, le double de la moyenne nationale. La pauvreté et l'exclusion demeurent. 

A Clichy, dix ans après la mort de Zyed et Bouna. Le reportage de Sébastien Baer

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