Affaire Anaïs Guillaume : on vous explique pourquoi la découverte du corps de cette femme disparue en 2013 est un tournant dans l'enquête
Les ossements retrouvés en début de semaine à Fromy (Ardennes) sont bien ceux de la jeune femme. Son petit ami, un exploitant agricole de 46 ans, Philippe Gillet, a été condamné en avril 2019 à vingt-deux ans de prison.
Après six ans d'attente et de recherche, le corps d'Anaïs Guillaume a enfin été découvert grâce à une lettre anonyme. Les ossements retrouvés mardi 29 octobre à Fromy (Ardennes) sont en effet ceux de la jeune femme disparue en avril 2013 à l'âge de 21 ans.
De quoi relancer l'enquête sur les circonstances du meurtre ? A quelques mois du procès en appel de Philippe Gillet, l'exploitant agricole de 46 ans condamné en avril 2019 à vingt-deux ans de prison pour ce meurtre, la justice a ordonné un supplément d'information. Passage en revue de ce que l'on sait de cette affaire et de l'enquête.
Depuis quand Anaïs Guillaume était-elle portée disparue ?
Originaire de Blagny, près de Carignan, dans les Ardennes, la jeune femme n'avait plus donné signe de vie depuis le 16 avril 2013, rappelle France 3 Grand Est. Elle avait quitté ce jour-là le domicile de ses parents à Blagny, sans papiers ni affaires personnelles, pour se rendre chez Philippe Gillet, avec qui elle entretenait une relation.
L'agriculteur avait déclaré aux gendarmes que la jeune femme était partie de sa ferme en pleine nuit. Deux jours plus tard, la voiture d'Anaïs Guillaume a été retrouvée calcinée dans un bois près du hameau de Chameleux, en Belgique, à 11 kilomètres de la ferme de Philippe Gillet située de l'autre côté de la frontière. Depuis, le corps était introuvable.
Comment le corps a-t-il été découvert ?
Des lettres anonymes envoyées il y a quelques semaines à la justice et à l'avocat de Philippe Gillet ont révélé que le corps de la jeune femme disparue se trouvait bien sur le terrain de la ferme de l'agriculteur. "Une lettre anonyme est parvenue au parquet de Charleville il y a quelque temps déjà. Ce n'était pas la première. Ne voyant rien venir, ne voyant aucune investigation se préparer, la fille aînée de Philippe Gillet a décidé avec un ami d'aller fouiller ce qu'elle pensait bien être une scène de crime", raconte France Bleu Ardennes. Victoria Gillet "a trouvé les traces d'ossements", puis alerté les gendarmes.
Les forces de l'ordre ont effectivement trouvé, à l'endroit indiqué, un squelette humain, sous du fumier. En 2015, selon la justice, l'endroit avait été fouillé, mais sans "excavation", précise Le Parisien. Les enquêteurs n'avaient donc pas creusé à cet endroit.
Les ossements ont-ils été identifiés ?
Les prélèvements effectués sur la dentition n'ont pu être exploités, mais des tests ADN ont été pratiqués sur les restes de la victime. "D'après les résultats, les enquêteurs sont sûrs quasiment à 100% qu'il s'agit bien des restes de ma fille", a déclaré vendredi soir à l'AFP Fabrice Guillaume, le père de la victime.
"Nous allons enfin pouvoir faire le deuil d'Anaïs", a-t-il ajouté. "On voulait vraiment retrouver Anaïs pour pouvoir la mettre en terre et que l'on puisse aller se recueillir sur sa tombe. Cela fait six ans et demi que l'on cherche Anaïs (...), on est soulagés car on va pouvoir lui rendre hommage dignement et qu'elle soit à côté de nous. Et c'est en même temps de la tristesse et de la colère", a-t-il confié à France 3 Grand Est.
Qui est l'homme condamné pour le meurtre?
Décrit comme "violent" et "machiavélique" lors de son procès, Philippe Gillet a été condamné en avril 2019 à vingt-deux ans de réclusion criminelle pour le meurtre de la jeune femme par la cour d'assises des Ardennes. Lors de ce même procès, la justice l'a en revanche acquitté du deuxième meurtre dont il était également accusé : celui de son épouse, Céline Gillet, 34 ans, survenu en janvier 2012. A l'époque, Philippe Gillet avait assuré que sa femme était morte écrasée par une vache, mais la thèse de l'accident a été remise en cause après la disparition d'Anaïs Guillaume. L'avocat général Jacques Louvier a dénoncé un "pseudo-accident" et esquissé ce scénario : Philippe Gillet aurait mortellement frappé sa femme après s'être disputé avec elle au sujet de sa liaison avec Anaïs Guillaume.
L'accusé avait plaidé l'innocence dans les deux cas, mais des "indices pléthoriques" ont fait pencher la balance du côté de sa culpabilité dans la disparition d'Anaïs Guillaume. Il avait ainsi acheté deux sacs de chaux de 25 kg la veille de la disparition de la jeune femme, puis il avait utilisé, dans la nuit du 16 au 17 avril 2013, une remorque capable de transporter une voiture. Il avait enfin, cette même nuit, manipulé plusieurs téléphones portables. Pendant le procès, il a tenté de plaider que la jeune femme était vivante et avait peut-être "refait sa vie à l'étranger", selon ce reportage de France 3.
Pour le parquet général, qui avait requis trente ans de réclusion criminelle à son encontre, Philippe Gillet a voulu tuer les deux femmes parce qu'elles voulaient le quitter. Dans les deux cas, il était la dernière personne à les avoir vues vivantes. Après le verdict, l'avocat général, Jacques Louvier, avait fait appel du jugement, estimant "aberrant" que la cour d'assises de Charleville-Mézières n'ait pas retenu la préméditation. Un nouveau procès doit se tenir dans quelques mois.
Que change cette découverte pour l'enquête ?
Les enquêteurs vont chercher l'origine des lettres anonymes ayant permis la découverte du corps. Car ces courriers tentent également de jeter le doute sur la culpabilité de Philippe Gillet, comme l'explique France 2. Les missives affirment notamment qu'Anaïs Guillaume, après sa disparition, a été retenue pendant trois ans contre sa volonté en Belgique, et qu'elle "était en vie jusqu'en avril 2016" – une date à laquelle Philippe Gillet était déjà en détention provisoire, depuis janvier 2016. "Les coupables de la disparition d'Anaïs sont toujours en liberté", proclame une des lettres.
Quelle est la réaction de la famille de la victime ?
Pour la famille d'Anaïs Guillaume, ces révélations sont orchestrées par Philippe Gillet, avec l'aide de sa fille, pour tenter de disculper le meurtrier avant son procès en appel prévu dans quelques mois. "Ils ont encore comploté cela", estime le père de la victime, interrogé par France 3 Grand Est. "Sa fille va dans le champ et trouve tout de suite l'endroit, ce n'est pas possible. Moi, ce champ-là, je l'ai fait 25 000 fois, j'y suis passé maintes et maintes fois, je n'ai jamais rien vu."
Avec la découverte du corps, la justice doit se saisir à nouveau du dossier pour durcir les chefs d'inculpation, estime aussi Fabrice Guillaume. "Il faut qu'il [Philippe Gillet] soit reconnu coupable non pas de meurtre, mais d'assassinat et qu'il prenne le maximum", déclare-t-il encore à France 3 Grand Est.
Il attend désormais que la justice lui précise "la date du décès d'Anaïs et si le corps a été bougé de place". "Nous, on sait depuis le début que c'est lui, pour nous ça ne change rien, sauf qu'il faut qu'il soit puni. La page ne sera jamais tournée. On vivra toujours avec la haine et la tristesse de cette histoire-là. Elle sera tournée un peu quand lui sera condamné. Ce que l'on attend, c'est cela, c'est la condamnation", ajoute-t-il.
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