Assassinat d’Henri Curiel : sa famille demande une réouverture de l’enquête
Une plainte avec constitution de partie civile vient d’être déposée auprès du doyen des juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris par l’avocat des proches d’Henri Curiel, William Bourdon. Pour tenter de relancer l’enquête, l’avocat s’appuie notamment sur le témoignage posthume d’un ancien mercenaire qui a revendiqué cet assassinat.
"Une barbouze" proche du SAC et des services secrets
4 mai 1978, 14 heures - Deux hommes armés abattent Henri Curiel à la sortie de son domicile parisien, 4 rue Rollin. Un assassinat revendiqué, à l’époque, par un mystérieux "groupe Delta". Ses tueurs n’ont jamais été retrouvés. En juillet 1992, l’enquête judiciaire se conclut par un non-lieu. Au début des années 2000, de nouveaux témoins sont entendus. Mais l’affaire est, à nouveau, classée sans suite, le 29 septembre 2009.
Faute d’élément nouveau, le dossier sera éteint judiciairement dans dix ans, en septembre 2019. Or, pour les proches d’Henri Curiel, cet élément nouveau existe : il s’agit du témoignage posthume d’un ancien mercenaire, proche du SAC (Service d’action civique), le service d’ordre du parti gaulliste engagé dans une dérive sanglante dans les années 1970. Un témoignage publié, de manière posthume, en mai 2015, dans un livre intitulé Le roman vrai d’un fasciste français .
Dans ce livre, un ancien mercenaire, militant nationaliste, René Resciniti de Says (mort en avril 2012, à 61 ans), explique avoir fait partie du commando qui a exécuté Henri Curiel sur ordre du patron du SAC, Pierre Debizet. Les armes utilisées auraient été prélevées à la préfecture de police de Paris.
"Des bouches pourraient s’ouvrir "
Pour l’avocat de la famille Curiel, William Bourdon, ce témoignage, même posthume, doit permettre de relancer l’enquête : "C’est la première fois que quelqu’un revendique, sans réserve, l’assassinat d’Henri Curiel", explique William Bourdon. "Ces aveux, même posthumes, changent la donne. Et puis il y avait deux assassins. Il y a des personnes qui sont encore vivantes dans l’entourage de celui qui s’auto-désigne comme l’assassin. Ces personnes ont vocation à témoigner. Des bouches pourraient s’ouvrir. Toute l’enquête judiciaire qui a suivi l’assassinat a été entravée. Les archives des services secrets français n’ont pas été déclassifiées", poursuit-il.
"Faire la lumière sur un crime politique impuni"
Henri Curiel est né au Caire en 1914. Fondateur du mouvement communiste en Egypte, il est exilé par le roi Farouk en 1950. Il s’installe alors en France. Militant anticolonialiste, il soutient le FLN pendant la guerre d’Algérie au sein du réseau fondé par Francis Jeanson (les "porteurs de valise"). Arrêté en octobre 1960, il passe 18 mois à Fresnes. Henri Curiel est libéré après la signature des accords d’Evian. Il échappe à une expulsion du sol français. Soutien des mouvements de libération du tiers-monde (fondateur du réseau Solidarité), partisan d’une solution négociée entre Israël et les Palestiniens, Henri Curiel se trouve dans le collimateur de plusieurs services secrets qui le considèrent comme le chef "des réseaux d’aides aux terroristes".
Pour son fils, Alain Gresh, journaliste au Monde diplomatique, son assassinat s’inscrit dans le contexte particulièrement violent des "années Giscard". "La mort de mon père est un crime impuni", témoigne Alain Gresh. "Au-delà de cette affaire, il faut que la lumière soit également faite sur cette période violente où, par exemple, des dizaines de maghrébins sont tués à travers la France. Une période avec de nombreux crimes politiques (Boulin, Curiel…) Des crimes d’Etat, où l’on retrouve des officines et des mercenaires qui bénéficient du 'feu vert' ou du 'feu orange' de certains services de l’Etat. Il est scandaleux que toutes ces affaires restent impunies. C’est dangereux pour l’avenir ".
"L’affaire Curiel est une affaire française "
Même constat pour Sylvie Braibant, la petite cousine germaine d’Henri Curiel, rédactrice en chef à TV5 Monde. "Nous n’avons jamais renoncé à la vérité", dit Sylvie Braibant. "L’affaire Curiel est une affaire française. Tout nous conduit aux services secrets, à ses officines et à ses mercenaires chargés des 'basses œuvres'. C’est important de savoir ce qui s’est passé sur un plan personnel bien sûr, mais aussi d’un point de vue historique. "
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