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GPA : "Première victoire" pour les uns, "coup d'état" pour les autres

La Cour de Cassation s'est prononcée vendredi en faveur de l'inscription à l'état civil des enfants nés par GPA à l'étranger. Une décision saluée par les défenseurs de la gestation pour autrui, aujourd'hui toujours interdite en France. Un avis loin d'être partagé par tous.
Article rédigé par franceinfo
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  (Les militants anti-mariage gay de la "Manif pour tous" manifestent le 18 juin devant le Palais de justice de Paris contre l'autorisation d'obtention de la nationalité française pour les enfants nés par GPA à l’étranger © Maxppp)

La Cour de Cassation a validé vendredi l'inscription à l'état civil des enfants nés d'un père français et d'une mère porteuse à l'étranger via une gestation pour autrui (GPA). L'instance était saisie par deux pères français ayant eu recours chacun à une mère porteuse en Russie.

Pour Dominique Boren, l'un des deux pères, c'est une "nouvelle page qui s'ouvre ". "Les responsables politiques, les soi-disant intellectuels,  les gens qui prennent des positions publiques, traiter nos enfants comme des produits d'un ventre loué, j'imagine à quel point ces violences peuvent résonner en vous et vous imaginez à quel point ces violences peuvent résonner en nous. La Cour de  Cassation aujourd'hui avec cet arrêt (...) a dit stop ", s'est-il réjoui.

"C’est le droit qui gagne aujourd’hui" (Me Clélia Richard)

Pour l'avocate du couple, Maître Clélia Richard, c'est l'aboutissement d'un combat et de quatre années de procédure. "Les enfants qui ont été conçus par GPA à l’étranger aujourd’hui ont une vraie reconnaissance. La Cour de cassation estime enfin qu’ils ont le droit comme tous les enfants de la République de figurer sur les registres de l’état civil français que c’est leur intérêt supérieur, parce que c’est le droit au respect de leur vie privée et de mener aussi une vie familiale. Donc c’est incontestablement une victoire ", a-t-elle réagi sur France info. 

"Il ne s'agit pas de la légalisation de la gestation pour autrui d'aucune sorte, il s'agit ni plus ni moins que de la reconnaissance pour nos enfants, pour notre fils et pour tous les autres enfants du simple fait d'être français et d'avoir les droits qui y sont attachés", a déclaré, Dominique Boren, l'un des pères, en brandissant l'arrêt.

"Une première victoire, qu’il conviendra de transformer" (Me Patrice Spinosi)

"C’est certainement une victoire d’étape ", renchérit l'avocat du Défenseur des droits, Me Patrice Spinosi, qui souligne que la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence précédente : "Le principe posé, c’est qu’aujourd’hui il faut transcrire. Il n’y a plus de fraude à la loi ".

Ce changement d'avis de la plus haute juridiction française intervient après que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, en juin 2014, pour le refus de transcription des états civils d'enfants nés par GPA, et cela au nom de "l'intérêt supérieur de l'enfant". 

"Nous avons marqué une victoire aujourd’hui qu’il conviendra de transformer ", estime Me Spinosi. La Cour ne s'est pas prononcée sur de la transcription de la filiation établie à l’étranger à l’égard de parents d’intention notamment.

L'avocat du Défenseur des droits, Me Patrice Spinosi, se félicite de la décision de la Cour de cassation mais le chemin reste encore long, estime-t-il. Il répond à Gilles Halais

Manuel Valls "prend acte" de la décision mais rapelle l'interdiction de la GPA en France

"Le recours à la GPA demeure un interdit absolu en France. Cet interdit n'est remis en cause ni par les arrêts de la Cour de cassation, ni par les arrêts de la CEDH ", a réagi le Premier ministre après que la Cour de cassation s'est donc prononcée vendredi en faveur de l'inscription à l'état civil des enfants nés par GPA à l'étranger. "Je prends acte de cette décision que bien entendu je n'ai pas à commenter ", a déclaré Manuel Valls en marge d'un déplacement à Besançon. 

Selon le Premier ministre, "rien - c'est la position du gouvernement - ne peut justifier la commercialisation des êtres humains et notamment celle du corps des femmes ". "Il nous reste maintenant à analyser la décision de la Cour de cassation pour en déterminer très précisément les effets ", a ajouté le chef du gouvernement.

"Le recours à la GPA demeure un interdit absolu en France", a rappelé Manuel Valls

"Un pas de plus" vers la légalisation, selon la 'Manif pour tous'

Le collectif de la "Manif pour tous" est dubititatif et dénonce "un pas supplémentaire vers la légalisation de la GPA". "Il y a urgence à ce que les politiques prennent leurs responsabilités pour sortir la justice de l'impasse", a réagi sa présidente Ludovine de La Rochère dans un communiqué. L'association anti-avortement Alliance Vita a également déploré un "cheval de Troie judiciaire" aboutissant à la "reconnaissance de facto de la GPA".

 

"Cette décision s'apparente à un coup d'état" (Yannick Moreau)

Pour le député Les Républicains Yannick Moreau, qui avait soutenu la Manif' pour tous contre le mariage des couples de même sexe. "Cette décision s'apparente à un coup d'état des juges qui prennent la place du législateur", a-t-il dénoncé. "Notre pays doit résister aux injonctions des fossoyeurs de la dignité des femmes et aux esclavagistes du XXIe siècle qui se moquent de l'exploitation de la misère humaine à laquelle conduit la location des ventres des femme", pousuit-il dans un communiqué. 

"Il s'agit bien d'une question éthique fondamentale" (Nicolas Dupont-Aignan)

Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a également estimé que "par la volonté de juges qui semblent vouloir se substituer aux représentants du peuple souverain, la France abandonne progressivement la position forte et courageuse qui fut la sienne pendant des années : celle du refus absolu de toute marchandisation de l'humain (...) Ce n'est pas du statut de nos compatriotes homosexuels dont il s'agit, mais bien d'une question éthique fondamentale", a-t-il écrit dans un communiqué.

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