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Attentats de janvier 2015 : Hayat Boumeddiene, condamnée à 30 ans de réclusion, reste introuvable

Hayat Boumeddiene, la compagne d’Amedy Coulibaly, a été condamnée pour "association de malfaiteurs terroriste" et "financement" du terrorisme. Toujours en fuite en Syrie,sa trace se perd entre Al-Hol et Idlib. 

Article rédigé par Gaële Joly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Hayat Boumeddiene. Photo diffusée en 2015 par la police française. (AFP / POLICE FRANÇAISE)

Pendant les deux mois et demi du procès des attentats de 2015, son ombre a plané sur les débats, aux assises spéciales de Paris. Hayat Boumeddiene, la compagne d’Amedy Coulibaly, celle que le parquet antiterroriste surnomme la princesse de l’Etat Islamique a été jugée par défaut pour "association de malfaiteurs terroriste" et "financement" du terrorisme et condamnée à 30 ans de réclusion

Hayat Boumeddiene a 26 ans à l’époque des attentats, elle est mariée religieusement avec Amedy Coulibaly. Le couple s’est enfermé dans un islam radical. Cachée sous une burka, elle n’adresse plus la parole aux hommes. Maître Yassine Yakouti était l’avocat d’Amedy Coulibaly en 2010, il se souvient de la poigne de la jeune femme. "J'avais le sentiment que la religion occupait une place importante dans leur couple. Madame Boumeddiene était très présente dans l'assistance à la détention de son mari." Amedy Coulibaly purge alors une peine de prison pour trafic de stupéfiants, recel, et pour le braquage de la banque. Me Yakouti garde en mémoire "un petit bout de femme qui était relativement discrète mais qui était efficace et présente. C'est elle qui apportait les projets de sortie, les courriers, les vêtements. Ce qui est une certitude c'est qu'ils étaient fous amoureux."  

Un départ pour la Syrie dès la fin 2014

Mercredi 16 décembre, la cour l’a jugée coupable d’association de malfaiteur terroriste et de financement du terrorisme. Elle a multiplié les crédits frauduleux, les escroqueries, acheté des voitures, ainsi que le camescope retrouvé sur Coulibaly. Pour la justice elle ne pouvait ignorer son projet terroriste.

Elle s’est envolée pour la Syrie le 22 décembre 2014 depuis l’aéroport de Madrid, quelques jours avant les attaques. Là-bas, elle s’est dite heureuse, bien que son mari lui manque. Mais que le califat s’occupait d’elle comme d’une princesse.

Pendant longtemps, les services de renseignement ont perdu sa trace, ils l’ont même crue morte. Mais deux de ses proches ont fait des révélations pendant le procès. On a tout simplement découvert qu’Hayat Boumeddiene avait passé deux coups de fils en France il y a un an, et que les services de renseignement n’étaient pas au courant. D’abord celui qu’Hayat a passé à sa grande sœur Keltoum en octobre 2019. Une discussion très brève où elle lui raconte que la situation est difficile en Syrie, qu’elle est dans un camp sans dire exactement où elle est, sans eau ni rien à manger.

Et puis quelques semaines plus tard, la fugitive appelle sa sœur adoptive Sadia, avec qui elle a été élevée. "Ils disent que t’es morte", lui dit Sadia. "Mais non, je ne suis pas morte" aurait repondu Hayat qui l’incite à venir la rejoindre faire le jihad.

"Elle a toujours été protégée"

Le procès des attentats de janvier 2015 a aussi permis l'audition clef d’une "revenante". Sonia, aujourd’hui incarcérée à Fleury-Merogis, a passé plusieurs années en Syrie. Elle a même partagé un temps sa maison avec Hayat Boumeddiene. Et voilà ce qu’elle déclare en juillet dernier devant le juge d’instruction. "Elle s'est remariée sur place avec un Tunisien. Ils n’ont pas eu d'enfant et lui est mort à Baghouz." La trace d'Hayat Boumeddiene passe par l'immense camp de Al-Hol, au nord-est de la Syrie. Dans ce camp géré par les Kurdes, des jihadistes et leurs familles se mêlent à des réfugiés. Selon Sonia, Hayat Boumeddiene a réussi à s’en échapper, grâce a des passeurs. "De ce que je sais, elle était sortie des camps avant moi. Elle aurait réussi grâce à des passeurs. Elle était en contact avec des gens de Daech pour qu'ils la fassent sortir. C'était des personnes qui étaient déjà sur place, sur zone, qui l'ont faite sortir. Elle était encore à fond pour l'Etat islamique. Son projet, c'était de rester sur zone et de retourner dans un autre califat, car c'est ce qu'ils promettaient. A ce moment-là, il y avait Idlib. De ce que j'ai entendu, d'autres avaient réussi à rejoindre des cellules de Daech à côté du camp de Al-Hol. Il y avait un émir qui avait dit à des femmes sur internet de préparer des bonnes chaussures de marche pour tenir deux jours de marches car ils allaient venir."

Selon les services de renseignement, Hayat Boumeddiene a été localisée dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie. C’est la dernière enclave qui échappe encore au contrôle de Bachar Al-Assad. Une zone de guerre très compliquée où il est difficile d’aller la chercher, avait résumé le procureur antiterroriste Jean-François Ricard. C’est dans cette zone que se cachent une bonne partie des femmes jihadistes échappées des camps kurdes. Selon Céline Martelet, spécialiste du terrorisme, elle bénéficie d’un statut d’icône, d’égérie qui a largement contribué à la maintenir en vie. "Nos sources nous expliquent qu'Hayat Boumeddiene, très peu de femmes françaises ou étrangères l'ont vue, elle a toujours été protégée parce que l'organisation terroriste savait qu'elle pouvait être prise pour cible. Elle a encore bénéficié de cette protection une fois qu'elle a été arrêtée par les Kurdes. Il est très probable que son évasion ait été organisée de l'extérieur pour la faire sortir en priorité. Hayat Boumeddiene représente quelque chose et bénéficie encore aujourd'hui d'une protection." Et évidemment, avec ce verdict de trente ans de réclusion, le "bijou" de l’Etat islamique n’a désormais plus aucun intérêt à rentrer en France.

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