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Au procès des attentats de janvier 2015, le silence pesant du jihadiste Peter Cherif

Le témoignage du commanditaire présumé des attentats de "Charlie Hebdo", mis en examen dans une autre procédure, était très attendu, vendredi. Mais il a choisi de ne pas répondre aux questions de la cour d'assises spéciale. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Peter Cherif en visioconférence devant la cour d'assises spéciale de Paris, au procès des attentats de janvier 2015, le 23 octobre 2020.  (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

Il est le grand absent de ce procès, celui que tout le monde souhaitait entendre. Le jihadiste Peter Cherif a opposé un silence pesant aux questions de la cour d'assises spéciale de Paris, vendredi 23 octobre. Ce Français de 38 ans devait être entendu comme témoin au procès des attentats de janvier 2015. Proche des frères Kouachi, soupçonné d'être le commanditaire de l'attentat de Charlie Hebdo, il a été arrêté trop tardivement – en décembre 2018 à Djibouti – pour être jugé dans le box aux côtés des autres accusés. C'est donc depuis la prison de Fresnes, où il est placé en détention provisoire dans le cadre d'une procédure disjointe, qu'il a fini par apparaître devant la caméra de la visioconférence, après de nombreuses tentatives infructueuses. 

Le président de la cour, Régis de Jorna, avait prévenu : l'intéressé refusait de comparaître. Finalement contraint à se présenter, il a commencé par réciter un verset du Coran, avant de faire cette déclaration : "Au nom de Dieu, les cléments et les miséricordieux, le seul témoignage que je vous apporterai aujourd'hui, c'est celui de l'unité de Dieu, d'Abraham, de Moïse, de Jésus et du prophète Muhammad."

"C'est la seule chose que je vous dirai aujourd'hui"

"Bien monsieur, effectivement, vous êtes entendu comme témoin, la cour d'assises actuellement s'intéresse aux faits criminels commis en janvier 2015, qui concernent Charlie Hebdo dont les auteurs sont les frères Kouachi...", déroule le président pour tenter de nouer un dialogue, lui exposant les faits et insistant sur le fait qu'il est entendu comme témoin et non comme mis en examen. 

"C'est le seul témoignage que je donnerai et c'est pour moi le témoignage capital : Dieu est une réalité et c'est un processus de pensée basé sur du pragmatisme, sur une réflexion scientifique de la réalité de Dieu, reprend Peter Cherif. Tenir ce genre de discours, c'est passer pour une personne faible d'esprit, comme on veut nous le faire croire dans les médias, mais non, c'est une pensée réfléchie."

On m'a forcé à venir ici pour une affaire à laquelle je n'ai rien à voir, je ne répondrai à aucune question.

Peter Cherif

devant la cour d'assises spéciale de Paris

"Ce n'est pas dans un but de provoquer, de choquer. Je ne suis pas un criminel, je n'appelle pas au crime mais j'appelle tous les hommes à ouvrir les yeux, à réfléchir sur les questions essentielles de la présence de l'homme sur terre, c'est la seule chose que je vous dirai aujourd'hui, je ne répondrai à aucune question", insiste-t-il.

Le président lui relit ses déclarations en garde à vue. Après son arrestation, Peter Cherif, un "vétéran du jihad" international, soupçonné d'avoir mis en contact Chérif Kouachi avec l'imam Anwar Al-Awlaki au Yémen, semblait être dans une "dynamique de coopération". Il avait notamment déclaré que "les choses n'auraient pas dû en arriver là" au sujet de l'attentat de Charlie Hebdo. Avait fait "état de la souffrance des victimes". "Nombre de personnes ici présentes dans cette salle, notamment les victimes, essaient de comprendre ce qui a amené deux personnes, en 1 minute 49 à en tuer dix autres. Qu'est-ce que vous pouvez dire à ce sujet-là ?", demande le président. Silence. "Rien d'autre monsieur, vous considérez que la visioconférence va être terminée ?" Silence. 

"Les accusés aussi attendent des réponses"

"Si vous ne voulez pas répondre, c'est votre droit le plus strict, néanmoins c'est aussi le droit de chacun de vous poser des questions, essaie Régis de Jorna. Les accusés aussi, auxquels on demande des comptes, attendent des réponses. (...) Non pas que vous donniez les clés et les solutions de tout mais des éléments qui aident à la manifestation de la vérité." Silence. Peter Cherif, les bras croisés, appuyé au fond de sa chaise, ignore la caméra, semble lire quelque chose qu'il tient dans ses mains. Antoine Casubolo-Ferro, pour les parties civiles, se lance. "Est-ce que vous pourriez un peu nous parler de vous ? Je sais que vous êtes sorti de prison en 2009. Et de 2009 à 2011, vous êtes en France, vous avez peut-être fréquenté Chérif Kouachi ?" Silence. 

"Vous connaissez Dammartin-en-Goële ? C'est là que les frères Kouachi ont trouvé la mort. C'est là qu'en 2011, vous avez passé trois mois dans l'auto-école qui jouxte l'imprimerie de Michel Catalano." Silence. L'avocat renonce, tout comme ses consœurs et confrères des parties civiles et de la défense. Le président coupe court et interrompt la visioconférence. A ce procès, Peter Chérif restera une ombre qui plane sur le dossier. 

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