Amiante : la mise en examen de Martine Aubry annulée
L'Association nationale des victimes de l'amiante a annoncé son intention de se pourvoir en cassation contre l'annulation de cette mise en examen et de celles de huit autres personnes.
L'avenir politique de Martine Aubry pourrait s'éclaircir. La cour d'appel de Paris a annulé, vendredi 17 mai, la mise en examen de la maire de Lille et celles de huit autres personnes dans un des dossiers emblématiques du scandale de l'amiante. L'ancienne première secrétaire du PS était poursuivie depuis novembre pour "homicides et blessures involontaires", dans le cadre de ses fonctions de directrice des relations du travail entre 1984 et 1987.
L'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva) a annoncé son intention de se pourvoir en cassation contre l'annulation de ces mises en examen.
Pourquoi Martine Aubry avait-elle été mise en examen ?
En 1983, une directive européenne détermine le temps d'exposition maximal à l'amiante. Or, ce texte n'est appliqué en France qu'en 1987. A l’époque, la maire de Lille est à la tête de la Direction des relations du travail (DRT), un organe dépendant du ministère du Travail. En la mettant en examen en novembre, la magistrate chargée du dossier, Marie-Odile Bertella-Geffroy, cherchait à savoir pourquoi il a fallu quatre années pour appliquer ce texte.
Pourquoi la mise en examen a-t-elle été annulée ?
Le parquet avait demandé fin février l'annulation de cette mise en examen de Martine Aubry. "Pour justifier ses demandes d'annulation des poursuites", écrivait Le Monde, l'avocat général a fait appel à une loi du 10 juillet 2000, la loi Fauchon, laquelle "exige pour les délits commis de manière indirecte – homicides et blessures involontaires – la présence d'une faute 'caractérisée' qui ait eu pour conséquence l'exposition des victimes 'à un risque d'une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré'".
Selon le parquet, la transposition d'une directive européenne en droit français relève "du pouvoir réglementaire". "Un fonctionnaire ne peut être accusé de retard dans cette transposition", au motif que "même de rang élevé, [il] ne dispose dans ce domaine d'aucun pouvoir propre", rapportait Le Monde.
"J'ai toujours agi en fonction de l’état des connaissances pour protéger au mieux les salariés", a assuré la maire de Lille dans un communiqué, transmis après l'annulation de sa mise en examen. "Ministre du travail, j’ai notamment créé la cessation anticipée d’activité pour les salariés de l’amiante, ainsi que le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante", a-t-elle ajouté, se félicitant de la décision de la justice.
Pourquoi l'Andeva va-t-elle se pourvoir en cassation ?
L'association estime que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est "disqualifiée" car son arrêt "glorifie" l'action du Comité permanent amiante (CPA), considéré par les victimes comme le lobby des industriels de l'amiante, a expliqué François Desriaux, l'un des représentants de l'Andeva.
Le CPA aurait efficacement défendu "l'usage contrôlé" de ce produit pour retarder au maximum son interdiction, finalement décidée en 1997, estiment les victimes.
Quels sont les objectifs de l'enquête ?
Cette enquête emblématique porte sur l'exposition à l'amiante de salariés de l'usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados). La juge Bertella-Geffroy s'intéresse en particulier à l'influence du CPA.
La magistrate enquête aussi sur la réponse apportée par les pouvoirs publics à ce drame sanitaire à partir des années 1970. En 2005, un rapport sénatorial avait accablé l'Etat pour sa "gestion défaillante" de l'amiante, jugé responsable par les autorités sanitaires de 10 à 20% des cancers du poumon et qui pourrait provoquer 100 000 décès d'ici à 2025.
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