La création d'un Défenseur des droits unique fait débat
A qui s'adresser pour défendre ses droits ? Jusqu'ici, plusieurs possibilités, en fonction du demandeur et de l'objet de la requête. Un différent avec l'administration française ? C'est au Médiateur de la République qu'il faut s'adresser. La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) est chargée pour sa part de veiller au respect de la déontologie des personnes exerçant des activités de sécurité, police et gendarmerie notamment. Créé en 2000, le Défenseur des enfants, dont le statut est indépendant des pouvoirs publics et du politique, s'applique, lui, à faire respecter les engagements pris lors de la ratification de la Convention Internationale des droits de l’enfant, en luttant notamment contre la maltraitance et la violence, mais aussi en apportant une écoute aux situations de détresse liées par exemple à l'alcoolisme des jeunes ou encore la drogue. Les victimes de discriminations liées aux origines, au sexe, ou encore à l'état de santé se tourneront plutôt vers la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Enfin, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est l'interlocuteur privilégié des personnes en situation d’enfermement, qu’elles soient en garde à vue, incarcérées en milieu pénitentiaire ou hospitalisées d'office ou sur demande d'un tiers, en milieu psychiatrique par exemple.
Mais bientôt, toutes ses portes où l’on peut aujourd'hui frapper risquent de se fermer au profit d’un Défenseur unique des droits, accessible à tous. C'est ainsi que "toute personne s'estimant lésée dans ses droits et libertés ou, le cas échéant, ses ayants droit pourront saisir, directement, le Défenseur des droits. Cette saisine sera gratuite".
Déjà adopté en première lecture par le Sénat le 3 juin, un projet de loi vise en effet à créer cette nouvelle institution qui aura, et c’est là le principal point de litige soulevé par une cinquantaine d'associations et d'organisations syndicales, tous les pouvoirs. Le Défenseur des droits "sera seul doté du pouvoir de décision", " pourra décider en opportunité, sans que ses décisions puissent être contestées " et "librement opter pour la médiation dans le règlement des litiges sans dire le droit", souligne notamment le collectif "SOS Halde". Et alors que l'examen du texte arrive aujourd’hui en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, d’autres, à l’image de la Fnath (l'association des accidentés de la vie) , s’inquiètent quant à " l’indépendance " de ce nouveau Défenseur des droits, qui sera désigné par le président de la République. Cette réforme est décidée "sans aucune concertation avec la société civile", dénonce en outre l’association. Le syndicat FO affirme de son côté qu'il y a un " risque de dilution " des missions jusqu’ici remplies par les structures existantes, et notamment de celles du Défenseur des enfants. De nombreux détracteurs s’interrogent enfin sur la tâche gigantesque qui attend le Défenseur des droits. Plus de 90.000 dossiers cumulés en 2009 par les quatre premières institutions, plus ceux de la cinquième à partir de 2014.
Dans cette perspective, la nomination future d’adjoints spécifiques – dotés simplement d’un rôle consultatif – ne rassure pas les opposants au projet. Des détracteurs parmi lesquels on trouve les sénateurs socialistes qui dénoncent un " monstre administratif privé de toute influence effective ". Réponse ce matin sur France Info du député UMP Pierre Morel-A-L'Huissier : "On nous a dit : vous faites un monstre à cinq têtes. Et bien justement, non. On fait un dispositif, pas un monstre, à une tête, adjoint de cinq adjoints", se défend-il au micro de Nathalie Bourrus. Des adjoints "qui sont proposés par le Défenseur des droits et qui sont nommés par le Premier ministre", précise-t-il. Objectif, explique Pierre Morel-A-L'Huissier : " éviter les conflits ". Cela semble pourtant mal parti.
Cécile Mimaut, Gilles Halais
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