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Les questions bêtes que vous n'osez pas poser sur le "troisième sexe"

L'Australie a reconnu l'existence d'un "genre non spécifique" repris dans la presse sous le terme de "troisième sexe". De quoi s'agit-il exactement ? 

Article rédigé par franceinfo - Valérie Xandry
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'Australien Norrie May-Welby a été reconnu comme étant d'un "genre non spécifique" par le plus haute juridiction du pays (WILLIAM WEST / AFP)

Ni homme, ni femme, le transsexuel australien Norrie May-Welby a officiellement été reconnu par la Haute cour australienne - la plus haute juridiction du pays - comme étant d’un "genre non spécifique". Un nouveau statut présenté dans la presse comme un "troisième sexe". En 2013, le Népal avait déjà offert aux habitants la possibilité de cocher la case "troisième genre" sur leurs papiers d'identité. L'Allemagne permet quant à elle aux parents de déclarer la naissance de leur enfant en précisant "sexe indéterminé". "Troisième sexe", "troisième genre", "genre indéterminé" : francetv info décrypte le débat.

Être ni un homme ni une femme, c'est possible ?

Oui, c'est possible. Comment détermine-t-on le sexe de quelqu'un ? En se basant sur la présences de critères biologiques mâles ou féminins : pénis ou vagin (organes génitaux) ; testicules ou ovaires (gonades) ; testostérone ou oestrogène (hormones) ; chromosomes XY ou XX. Or, il arrive que tous ces éléments ne coïncident pas les uns avec les autres. Certaines femmes possèdent par exemple des chromosomes XY. La biologiste américaine Anne Fausto-Sterling a publié en 2012 en France un essai intitulé "Corps en tout genres :  la dualité des sexes à l'épreuve de la science". Elle estime qu'il faut sortir du système binaire d'attribution des sexes et en dénombre cinq, indique Slate

Quelle est la différence entre "sexe" et "genre" ?

Le sexe correspond aux caractéristiques biologiques et physiologiques définies ci-dessus. Le genre au contraire est déterminé par des caractéristiques culturelles, indique le site de l'Organisation mondiale de la santé. Il est donc construit socialement en fonction de ce que l'on considère comme des comportements masculins ou féminins.

"L'identité de genre" est définie par les principes de Jogjakarta, une ville d'Indonésie où un collège d'experts en droit international s'est réuni en 2007, et repris par le Haut commissariat aux droits de l'homme des Nations unies. Elle "fait référence à l'expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu'elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance."

Là encore, il ne faut donc pas réduire le genre à un système binaire. Facebook a ainsi mis en place en février 2014 une liste, disponible sur la version américaine, de 52 options pour indiquer son genre sur son profil, rappelle Slate

Peut-on parler de "troisième sexe" ?

Le terme a été repris dans tous les médias pour décrire la situation de l'Australien Norrie May-Welby reconnu comme étant d'un "genre non spécifique". Pour Daniel Borrillo, maître de conférences en droit privé à l’université de Paris Ouest Nanterre et spécialiste du droit du genre et des sexualités, le terme n'est pas très bien choisi. "Il ne faut pas réfléchir en terme de "troisième sexe" ou de "genre neutre". Norrie May-Welby cherchait à faire reconnaître le fait qu’il ne se retrouve ni dans le sexe masculin, ni dans le sexe féminin. Il ne veut pas être considéré comme l’un ou comme l’autre. C’est tout."

Le terme employé par la Haute cour, "genre non spécifique" définit ce que Norrie May-Welby n’est pas mais ne créerait donc pas un nouveau genre.

Comment appeler ceux qui ne sont ni des hommes ni des femmes ?

Les mots utilisés pour parler du genre sont nombreux et souvent délicats à manier. Les situations très diverses peuvent cependant être regroupées en deux catégories : la "transidentité" et "l’intersexuation".

La "transidentité" est définie par la CNCDH, l’institution française de protection et de promotion des droits de l’homme, comme le décalage que ressentent des personnes entre leur sexe biologique et leur "identité de genre", celle dans laquelle ils se retrouvent. Le terme regroupe donc autant les transsexuels qui choisissent de changer de sexe médicalement que les transgenres qui n'entament pas de processus médical.

L'"intersexuation" concerne des personnes dont le sexe biologique ne peut pas être déterminé à la naissance. Leurs organes génitaux ne peuvent être définis comme mâles ou femelles.

Le droit français reconnaît-il ces situations ?

Pour les intersexués : Toute naissance doit être déclarée dans les trois jours et l'état civil doit comporter la mention du sexe de l'enfant. En cas de doute, la loi indique qu'il faut préférer l'avis médical et noter le sexe le plus probable.  "Mais si un médecin estime ne pas pouvoir donner immédiatement le sexe probable de l'enfant, la loi permet cependant aux parents d'attendre deux ans avant de déclarer le sexe" explique Daniel Borrillo. "Mais il est très rare que les familles utilisent cette option. Certaines choisissent dès la naissance l'option chirurgicale pour attribuer un sexe au nouveau-né."

Pour les changements de sexe : Le droit français permet à une personne transidentitaire de faire reconnaître son changement de sexe sur l'état civil. Il faut cependant prouver le "caractère irréversible de la transformation de son apparence." "Il faut donc passer par la stérilisation" déplore Daniel Borrillo qui vante la législation argentine : "Là-bas, il suffit de faire une déclaration administrative pour changer de sexe."

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