Nantes, capitale de la Justice en colère
Hermines, robes rouges, robes noires et gilets jaunes fluo. Les manifestations de la magistrature sont aussi rares que colorées. Dans toute la France, des juges, des avocats, des greffiers, des gardiens de prison et même quelques policiers défilaient aujourd'hui, pour dénoncer les propos de Nicolas Sarkozy mettant en cause les magistrats nantais dans l'affaire du meurtre de Laetitia Perrais. Il avait menacé de “sanctions” les responsables des “dysfonctionnements” qui auraient conduit à la remise en liberté de Tony Meilhon.
Et c'est justement à Nantes qu'avait officiellement lieu la manifestation nationale, moment fort de cette “journée de la colère” judiciaire. Près de 2.000 manifestants y ont défilé derrière une banderole proclamant : “la justice est en danger : unissons-nous”.
Le père de la famille d'accueil de la jeune Laetitia, Gilles Patron, est intervenu devant le palais de Justice de Nantes : “Je suis venu dire aux magistrats qu'il faut continuer à se battre pour qu'il n'y ait plus de cas Laetitia”, a-t-il déclaré au micro. Renvoyant dos à dos la Justice et l'exécutif, il a demandé à ce que “tout le monde soit ensemble pour se battre contre les criminels”. “Il y a peut-être un manque de moyens, mais ce n'est pas mon problème”, a-t-il ajouté.
Les magistrats nantais n'étaient pas les seuls à battre le pavé aujourd'hui. Une quinzaine de cortèges ont été signalés, réunissant plusieurs milliers de personnes au total à Bordeaux, Lyon, Versailles, Metz, Nancy, Caen, Colmar, Bayonne, Laval, Reims, Poitiers etc. A Paris, les marches et la cour du Palais de Justice étaient pleines à craquer.
Les magistrats estiment que l'ensemble de la profession a été mise en cause par le président de la République, avant même que les enquêtes en cours sur le cas Tony Meilhon aient donné des résultats. Ils dénoncent le manque de moyens de la justice, dont ils se plaignent depuis plusieurs années. “Le président a dépassé les bornes, cette affaire est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase”, déclarait à Versailles Michèle Luga, présidente de cour d'Assises. Nombre de pancartes ou banderoles proclamaient “Justice délabrée, à qui la faute ?” ou “Justice surchargée =
drames assurés”.
_ En écho à ces revendications, l'hebdomadaire le Nouvel Observateur a publié la lettre d"un juge de Pontoise, qui s'est suicidé en septembre dernier, dénonçant la charge de travail qui pesait sur lui.
Le garde des Sceaux, Michel Mercier, en déplacement à Agen, a assuré qu'il voulait “que les magistrats soient considérés”. Des assemblées générales sont prévues dans l'optique d'une nouvelle journée d'action demain. Sa tonalité dépendra des déclarations de Nicolas Sarkozy, ce soir, à la télévision.
Grégoire Lecalot, avec agences
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