Les Français favorables à la PMA et à l'euthanasie : "On voit une évolution des mentalités"
Un sondage Ifop montre que les Français sont majoritairement favorables à la GPA et à la PMA. Le docteur Aurélien Benoilid, neurologue et vice-président du Forum européen de bioéthique, n'est pas "très étonné" de ce résultat.
La gestation pour autrui (GPA), la PMA (procréation médicalement assistée), l'euthanasie, ou encore la modification génétique des embryons vont faire partie "des us et coutumes", affirme mercredi 3 janvier sur franceinfo le docteur Aurélien Benoilid, neurologue et vice-président du Forum européen de bioéthique. Cet avis est conforté par un sondage Ifop qui montre des Français très favorables à ces pratiques, sous conditions. "On peut voir que certains dogmes sont moins omniprésents, moins tout-puissants qu'auparavant", s'est-il réjoui sur franceinfo. "Il y a toujours des tabous" mais ce sont eux qui permettent "de mettre un cadre légal".
franceinfo : Quatre ans après la "Manif pour tous" qui a mis des centaines de milliers de gens de la rue, ce revirement vous surprend-il?
Aurélien Benoilid : Il est surprenant par rapport à la discordance de l'écho médiatique qu'a eu cette manifestation. Au Forum européen de bioéthique, c'est maintenant la 8e année consécutive qu'on aborde ces questions-là et je ne suis pas très étonné de ces résultats. L'intérêt et les conversations qu'on peut avoir avec le public ne cessent de croître au fil des ans, et je crois que les mentalités évoluent. La procréation médicalement assistée, c'est quelque chose qui, dans les techniques, s'est perfectionné au fil du temps et qui est maintenant admise par la plupart des gens, dans les familles, dans les couples. Ça passe dans les us et coutumes. On peut voir aussi que certains dogmes sont moins omniprésents, moins tout-puissants qu'auparavant. On voit dans ce sondage une petite différence entre les chrétiens pratiquants et les plus laïques. C'est étonnant de voir que, même dans un milieu qu'on pense conservateur, on voit une évolution des mentalités. Je pense que c'est en bonne équation avec l'évolution de la société, et de ça, on peut se réjouir. Je pense que la pratique religieuse s'adapte aussi à l'évolution des consciences. Je crois que c'est un courant naturel de la pensée, quelle que soit la foi des personnes interrogées.
Il n'y a plus de tabou, sur l'euthanasie par exemple?
Je pense qu'il faut relativiser mais ce sondage a quand même une méthodologie qui me paraît tout à fait satisfaisante sur un échantillon représentatif, donc c'est important d'en tenir compte. C'est quand même un reflet. Il faut pouvoir croiser les différentes informations pour déterminer l'importance de ces résultats, mais ça veut dire en tous cas qu'il y a une envie de faire bouger les lignes. Pour avoir assisté à de nombreux débats, il y a toujours des tabous et fort heureusement. Ces tabous nous permettent d'en discuter et de mettre un cadre légal, parce que souvent ces questions à ces sondages c'est du "oui" ou c'est du "non". Mais je pense qu'il faut retenir essentiellement qu'on a envie de légaliser ou de légiférer sur une question éthique qui est majeure. On a envie de faire tomber quelques barrières, et l'opinion publique a compris que tout cela va être encadré.
Est-ce que ce n'est pas à l'Etat de poser certaines limites même si l'opinion publique est favorable par exemple à la modification génétique des embryons ?
Le sondage, c'est un peu la vox populi, un thermomètre extrêmement intéressant, mais bien entendu cela doit se faire autour des experts. Il y a le Comité consultatif national d'éthique. Ils sont 40 à se réunir pour discuter avec les pouvoirs publics de comment faire avancer la loi. Le pouvoir public doit rester celui qui va décider en fonction des éclairages les plus importants. Sur cette question de la modification génétique, ce qui me semble intéressant, c'est que finalement, spontanément, ce qui sort du sondage, c'est quelque part quelque chose qui relève du bon sens. C'est-à- dire que lorsque cette modification génétique a trait au soin, c'est-à-dire à quelque chose qui semble parfaitement encadré pour le bénéfice de l'embryon, là, les gens sont d'accord. Quand c'est pour une amélioration dans un courant plus transhumaniste, là il y a davantage de réticences. Là où c'est plus compliqué, c'est où commence la pathologie, où commence la physiologie. Là, il faut mettre un cadre très précis.
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