: Reportage À Marseille, un restaurant ouvre dans la prison des Baumettes : "Ça nous permet de travailler et d'oublier un peu la cellule"
Cuisine haut de gamme et service de qualité sont assurés par des détenus en fin de peine. Un projet d'insertion professionnelle inédit en France.
Derniers tours de chauffe avant l'inauguration. Un restaurant unique en son genre ouvre ses portes mardi 15 novembre à Marseille : une table bistronomique implantée au cœur de la prison des Baumettes qui se nomme Les Beaux Mets.
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En guise d'apéritif, l'alcool étant formellement interdit, ce sera un cocktail de fruits concocté par Kaha qui vous accueille au bar avec un grand sourire : "Bienvenue au restaurant des Beaux Mets." De cette prison des Baumettes, l'apprenti serveur sortira en janvier 2023. Mais déjà, il se sent un peu ailleurs. "Le fait d'avoir des personnes qui viennent de l'extérieur, c'est une vraie bouffée d'oxygène, explique-t-il. Alors il y a une partie de choses que je savais faire, déjà pas mal. Et après, il y a une grande partie qui m'a appris : le vocabulaire ou utiliser certains l'ustensile. Ça peut être utile pour travailler en tant que travailleur dans un restaurant ou un bistrot."
L'ambiance est chaleureuse dans cette petite salle d'une quarantaine de couverts, la décoration soignée. Mais la prison est juste là, de l'autre côté de la fenêtre : "Les cellules sont juste en face. On les oublie, on n'y pense pas." Karim est aux fourneaux. Il n'avait jamais cuisiné. Le voilà qui prépare un des plats à la carte. "C'est un crumble d'agneau, indique Karim. Quand on est en cuisine, on oublie carrément la détention. Ça nous permet de travailler, d'oublier un peu la cellule." Lors des essais, ça s'est plutôt bien passé. "De les voir aimer une assiette, ça me donne envie de continuer. De les voir contents, juste à l'expression du visage, ça me fait du bien."
"Repartir dans le bon sens."
La brigade est dirigée par la chef Sandrine Sollier, passée par la cuisine étoilée. "Je suis agréablement surprise du travail qu'ils fournissent et de l'envie tous les jours qu'ils ont, explique-t-elle. On essaye d'être beaucoup plus pédagogue qu'à l'extérieur. On peut être beaucoup plus rigide. Là, on prend beaucoup plus le temps de savoir comment ils vont pour les accompagner au mieux dans leur journée. Il faut savoir que s'ils sont en détention, ils ne sont pas là pour être félicités. Donc lorsqu'on les félicite, pour eux, ils ont gagné quelque chose."
Côté salle, les détenus sont encadrés par un maître d'hôtel, Marc Balthazard : "On se rend compte qu'ils ont les capacités et il suffit d'avoir quelqu'un qui les aide pour repartir dans le bon sens."
"Je ne savais pas ou je mettais les pieds, mais c'est vrai que j'ai une image plus que positif de la détention."
Marc Balthazard, maître d'hôtelà franceinfo
Améliorer l'image du milieu carcéral, c'est aussi l'ambition de ce dispositif. "C'est une occasion unique de remettre en cause les préjugés, avance Armand Hurault, directeur de l'association Festins qui porte le projet. Aller rencontrer des détenus qui ont envie de s'en sortir, qui sont dans une posture professionnelle, à l'encontre de tout ce que le monde pénitentiaire peut véhiculer comme clichés." Seules conditions à remplir : présenter un casier judiciaire vierge et se soumettre à quelques règles, comme laisser son téléphone portable à l'entrée.
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