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Vidéosurveillance, patrouilles de police... Le casse-tête des communes pour surveiller les cimetières juifs en France

Faut-il des mesures pour accroître la surveillance des cimetières juifs ? La profanation de stèles à Quatzenheim (Bas-Rhin) relance les débats.

Article rédigé par franceinfo
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Des gendarmes devant le cimetière juif de Quatzenheim (Bas-Rhin), mardi 19 juin 2019, après la profanation de près de 80 tombes.  (FREDERICK FLORIN / AFP)

"On prendra des actes, on prendra des lois et on punira". Emmanuel Macron a promis de durcir la législation après la dégradation de stèles juives dans le cimetière de Quatzenheim (Bas-Rhin). En décembre dernier déjà, plusieurs dizaines de stèles avaient été recouvertes d'inscriptions antisémites au cimetière d'Herrlisheim, au nord-est de Strasbourg.

"Impossible d'avoir une sécurité absolue"

Difficile de surveiller l'intégralité des lieux juifs de France dans une période pourtant propice aux outrages antisémites. Un renforcement des mesures de sécurité est-elle d'ailleurs souhaitable ? Maurice Dahan, président du consistoire israélite du Bas-Rhin, est farouchement opposé à cette idée.

Je refuse l'idée d'une protection. Si je dois mettre des systèmes de sécurité pour protéger ou surveiller des morts dans la France de 2019, alors plus personne ne doit continuer de vivre en France.

Maurice Dahan, président du consistoire israélite du Bas-Rhin

à franceinfo

La sécurité des cimetières juifs fait débat depuis plusieurs années. En 2015, cinq adolescents avaient profané quelque 250 tombes à Sarre-Union, suscitant un vif émoi national. Pour combattre les "actes antisémites", le maire de Strasbourg Roland Ries s'était alors exprimé, dans Le Point, en faveur "de tous les moyens, y compris la vidéosurveillance, pour sécuriser les cibles potentielles". Plus de trois ans après, aucune mesure n'a été prise dans ce cimetière, où seule une quinzaine de tombes ont été restaurées. "Cet incident a fortement marqué les esprits, résume la mairie à franceinfo. Il serait étonnant qu'il y en ait à nouveau ici."

S'il est opposé par principe à des mesures accrues de sécurité, Maurice Dahan rappelle également que les 45 cimetières juifs ont chacun leur "configuration", ce qui rend difficile la mise en place d'un système standardisé – de vidéosurveillance par exemple. Le responsable du consistoire s'interroge en revanche sur la progression de l'enquête :"Je ne comprends pas pourquoi la gendarmerie piétine dans l'affaire" de Quatzenheim.

Egalement touchés par des profanations, les autres départements voisins n'ont pas pris de mesure exceptionnelle pour assurer la sécurité des cimetières. "Des maisons ou des appartements mitoyens aux cimetières ont été mis à disposition de personnes afin qu'elles entretiennent et surveillent ces lieux", explique simplement Elie Cohen, président du consistoire israélite du Haut-Rhin. La gendarmerie effectue également des rondes de temps à autre et informe le consistoire "en cas de situation suspecte ou de détérioration". Enfin, des conventions d'entretien sont signées avec plusieurs mairies du département.

Cela montre bien que les cimetières ne sont pas à l'abandon, mais cela n'est pas toujours dissuasif pour ceux ou celles qui n'ont aucun respect des morts.

Elie Cohen, président du consistoire israélite du Haut-Rhin

à franceinfo

"Il est impossible d'avoir une sécurité absolue", concède également le président du consistoire de Moselle, Jean-Claude Michel. La surveillance est particulièrement délicate dans les cimetières ruraux privés – une quarantaine dans le département – parfois situés à l'écart des communes pour des raisons historiques. En mars 2017, c'est un promeneur qui avait signalé la dégradation d'une quarantaine de stèles à l'écart de la petite commune de Waldwisse. Trois jeunes avaient commis ces actes par jeu, sans égard pour la symbolique des lieux. "C'est évidemment impossible à gérer. Ce sont les communes qui font office de police et nous avons une très bonne coopération avec les maires du coin."

Des réponses pénales plus fortes

Aucune dégradation antisémite n'a été commise dans le grand cimetière juif de Metz, mais Jean-Claude Michel mène une réflexion autour de la vidéosurveillance, qui bute toutefois sur des difficultés d'ordre technique et juridique. "Le cimetière est énorme, il faudrait tellement de caméras... Par ailleurs, il faut obtenir une autorisation préfectorale et il y a des contraintes réglementaires. Il est par exemple interdit de balayer la route dans le champ de vision." L'intérêt d'une caméra, explique-t-il, est alors limité s'il est impossible de filmer le véhicule utilisé par des individus mal intentionnés.

Le député du Bas-Rhin, Sylvain Waserman, estime qu'il faut "faire confiance aux maires et leur laisser l'appréciation d'installer ou non des caméras", peut-être même sur tous les cimetières afin de ne pas "pointer ou flécher les cimetières juifs". S'ils en font le choix, ces élus doivent alors être accompagnés financièrement et techniquement par l'Assemblée des départements de France et l'Etat pour aborder ces "sujets complexes – recours ou non au 'monitoring', à l'enregistrement des images ?" L'ancien maire de Quatzenheim réclame également une "réponse pénale" plus complète dans ce genre de dossiers, avec des mesures de réparation  automatiques permettant de contraindre les auteurs à réparer les dégradations.

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