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Féminicides en hausse : "Ce que dit cette étude, c'est que les femmes sont en danger d'abord et avant tout chez elles", dénonce une avocate

Cent vingt-deux femmes ont Ă©tĂ© tuĂ©es par leur conjoint en 2021. L'avocate Anne Bouillon appelle Ă  lutter contre "une forme de violence endĂ©mique" et Ă  s'inspirer des Espagnols qui sont parvenus Ă  rĂ©duire de moitiĂ© le nombre de fĂ©minicides en dĂ©bloquant des "moyens considĂ©rables".

Article rédigé par franceinfo
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Anne Bouillon, avocate spĂ©cialisĂ©e dans la dĂ©fense des femmes victimes de violences au barreau de Nantes. (MARC ROGER / MAXPPP)

"Malgré les déclarations d'intention, le rendez-vous est toujours un rendez-vous manqué", dénonce samedi 27 août sur franceinfo Anne Bouillon, avocate spécialisée dans la défense des femmes victimes de violences au barreau de Nantes. Le nombre de féminicides a augmenté de 20% en France en 2021 par rapport à l'année précédente, avec 122 femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, selon le ministÚre de l'Intérieur. "Il faut travailler sur l'éducation de nos enfants, se demander pourquoi la domination masculine continue", estime t-elle.

>> Féminicides : "Ce n'est pas vrai que les femmes ne parlent pas", dément la présidente de la Fondation des femmes

franceinfo : Comment expliquez-vous que le nombre de féminicides en France non seulement ne diminue pas mais augmente ?

Anne Bouillon : Ce que l'on sait déjà, c'est le fait que les femmes meurent en France sous les coups de leur compagnon est un phénomÚne structurel, qu'on a affaire à une forme de violence qui est endémique, qui est ancrée, presque culturelle en France en 2022.

"Les hommes tuent leur femme parce qu'ils se sentent autorisés à le faire légitimement et qu'ils s'arrogent ce droit de mettre un terme à la vie de leur compagne."

Anne Bouillon, avocate

Ă  franceinfo

Ce que dit cette étude, c'est que les femmes sont en danger d'abord et avant tout chez elles car c'est au sein de leur domicile que les meurtres ont lieu et elles sont en danger aux cÎtés de leur compagnon.

Des signalements sont faits. Des plaintes sont dĂ©posĂ©es. Il y a parfois des ordonnances de protection et malgrĂ© cela, les crimes ont quand mĂȘme lieu, comment expliquer ça ?

On peut aussi se dire que sans ces signalements et sans des ordonnances de protection, les chiffres seraient encore plus dramatiques. Il faut d'abord continuer de travailler sur cette culture de la protection. Nous partons de loin. Il y a encore dix ans, j'avais des situations oĂč les femmes se voyaient refuser des dĂ©pĂŽts de plainte et on les renvoyait Ă  une conjugalitĂ© dysfonctionnelle en leur disant de simplement divorcer. Sur cette culture de la protection, nous avons par exemple un retard considĂ©rable sur nos voisins espagnols. Les choses Ă©voluent, mais Ă©voluent lentement. On se bat, nous, les activistes fĂ©ministes, pour avoir des moyens accrus. MalgrĂ© les dĂ©clarations d'intention, le rendez-vous est toujours un rendez-vous manquĂ©. De plus, je crois qu'on regarde un peu au mauvais endroit. Interrogeons-nous sur notre fonctionnement de sociĂ©tĂ©. Nous vivons dans une sociĂ©tĂ© patriarcale qui porte en germe la violence.

"Cette étude s'intéresse aux féminicides, mais interrogeons-nous sur le nombre de femmes victimes de violences conjugales. Le fait de tuer une femme, c'est finalement la violence conjugale portée à son paroxysme."

Anne Bouillon

Ă  franceinfo

Les femmes subissent de la violence au quotidien. Il faut travailler sur l'éducation de nos enfants, se demander pourquoi la domination masculine continue, pourquoi il y a toujours une organisation sociétale qui s'articule autour d'un dominant et d'une dominée.

Les ordonnances de protection ne sont manifestement pas toujours appliquées, c'est aussi un vrai problÚme ?

Effectivement, pas assez. Il faut Ă©galement que les armes soient systĂ©matiquement saisies. Ce que nous apprend cette ordonnance, c'est que l'utilisation d'armes Ă  feu est extrĂȘmement frĂ©quente lors des fĂ©minicides. Il faut que les conjoints violents soient Ă©loignĂ©s. Il faut que les enfants soient protĂ©gĂ©s. Il faut que les femmes soient protĂ©gĂ©es. Il faut prendre conscience que la conjugalitĂ© violente, elle s'exerce aussi au prisme de la parentalitĂ© et donc protĂ©ger les femmes et les enfants. Personnellement, je suis optimiste sur le fait qu'on va y arriver. L'Espagne est parvenue Ă  rĂ©duire de moitiĂ© le nombre de fĂ©minicides en dĂ©bloquant des moyens considĂ©rables. Il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas faire la mĂȘme chose.

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