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Harcèlement de rue : "On a l'impression qu'il a fallu montrer les images pour qu'enfin on croit les femmes"

Raphaëlle Rémy-Leleu, de l'association Osez le féminisme, a réagi lundi sur franceinfo après avoir vu la vidéo de Marie Laguerre dans laquelle la jeune femme se fait agresser.

Article rédigé par franceinfo
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Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association Osez le féminisme, le 30 octobre 2017. (FRANCEINFO)

"On a l'impression qu'il a fallu montrer les images pour qu'enfin on croit les femmes", soutient Raphaëlle Rémy-Leleu, la porte-parole de l'association Osez le féminisme, en réaction à la vidéo de Marie Laguerre, qui a récupéré et publié le film de son agression à Paris.

"Nous ne sommes pas seules à vivre ces agressions au quotidien", explique sur franceinfo Raphaëlle Remy Leleu. Publiée sur les réseaux sociaux mercredi 25 juillet, la séquence a suscité de nombreuses réactions et de multiples soutiens. Lundi 30 juillet, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "violences" et "harcèlement sexuel".


franceinfo : Êtes-vous surprise par les nombreux soutiens portés à cette jeune fille sur les réseaux sociaux, ou est-ce que vous trouvez cela normal ?

Raphaëlle Rémy-Leleu : Je veux d'abord saluer la première réaction, le premier acte qui est très courageux. Marie est une jeune femme qui a osé médiatiser son agression et publier la vidéo. C'est déjà quelque chose de très fort de sa part. Bien entendu, la réponse à porter à ça, c'est un grand élan de sororité, de solidarité. On comprend enfin, en tant que femmes, que nous ne sommes pas seules à vivre ces agressions au quotidien.

Cela aurait-il été possible sans le mouvement #MeToo ?

Oui, bien sûr. Tout cela est dans la continuité de la progression des droits des femmes. Réclamer ce qui est un dû, ce que la société nous doit : la protection des femmes en tant qu'individus libres. Est-ce que ça aurait été possible sans #MeToo ? Sûrement, mais ça ne serait peut-être pas arrivé aussi tôt. On continue d'aller vers un progrès. Les femmes ont toujours parlé, ont toujours témoigné, mais aujourd'hui nous sommes crues. C'est là que ça devient important et c'est ça aussi qui encourage le témoignage. On se dit qu'on ne va pas passer pour une folle ou pour une hystérique. Il y a des personnes qui continuent à dire que ce n'est pas si grave que ça, et que ça n'est pas systématique. Mais on est de plus en plus écoutées et les gens réalisent qu'il est temps de changer les choses pour que plus jamais les femmes se sentent en insécurité, que ce soit dans l'espace public ou privé.

Concernant l'impact de cette vidéo, peut-on dire que l'image pèse plus que les mots ?

C'est ce qui est finalement assez terrible et paradoxal. On l'impression qu'il a fallu montrer les images, avoir la preuve irréfutable, pour qu'enfin on croit les femmes. Désormais, il va être temps de sortir de cette logique proche du fait-divers, de l'indignation collective, pour enfin construire autre chose, une société dans laquelle aucune violence contre les femmes et les filles ne sera admise. Dans le cas de Marie, le parquet a ouvert une enquête, c'est très rarement le cas lorsqu'une femme va témoigner de harcèlement ou d'agression sexiste dans la rue. 

La suite, c'est aussi la promulgation de la loi et des mesures contre le harcèlement de rue. Peut-on parler d'une étape supplémentaire ?

Ce sera une étape supplémentaire si ça fonctionne. On sait que la verbalisation du harcèlement de rue a été beaucoup débattue ces derniers mois. Il faut de véritables moyens pour que ça soit effectif et il faut surtout sortir de cette idée que ce serait du harcèlement de rue. Parce que ça n'est pas la rue qui harcèle, ça n'est pas un lampadaire qui a harcelé puis agressé Marie, ce sont bien des hommes qui avaient des comportements sexistes et il va falloir un changement beaucoup plus profond que cette tentative de verbalisation dans la rue. Par exemple, si le harcèlement continue alors qu'on rentre dans le hall de son lieu de travail, est-ce que c'est toujours du harcèlement de rue ? Est-ce que c'est verbalisable? Est-ce qu'il y a les moyens de verbaliser ? Il va falloir se donner les moyens et les outils d'abolir toutes les violences contre les femmes.

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