Neuf femmes sur dix disent avoir subi une pression pour avoir un rapport sexuel, selon une enquête du collectif #NousToutes
Le mouvement féministe #NousToutes révèle les résultats d'un appel à témoignages sur le consentement. Près de 100 000 femmes y ont participé.
"Cette enquête montre à quel point ce sujet est un sujet majeur pour les femmes, assure la militante féministe Caroline De Haas. Il y a une méconnaissance dans la société de ce que sont des rapports à égalité." Le mouvement #NousToutes auquel elle appartient publie, mardi 3 mars, les résultats d'un vaste appel à témoignages* sur le consentement réalisé entre le 6 et le 17 février. Plus de 100 000 personnes ont répondu au questionnaire diffusé sur les réseaux sociaux, dont 96 600 femmes.
Ce sont les résultats de ces dernières qui ont été analysés – ceux des hommes étant trop peu significatifs. Et neuf femmes sur dix ayant répondu au questionnaire "déclarent avoir fait l'expérience d'une pression pour avoir un rapport sexuel". "Dans 88% des cas, c'est arrivé plusieurs fois", lit-on dans le communiqué de presse du mouvement. "C'est un chiffre impressionnant mais il a peu étonné parmi les militantes, c'est la réalité", commente Caroline De Haas.
Des "premières fois" non consenties
Selon cette enquête, de nombreuses femmes sont confrontées à de multiples violences dès l'entrée dans la sexualité. Une femme sur six témoigne ainsi que son premier rapport sexuel était non consenti et désiré. "Pour 36% [de ces femmes], ce rapport a eu lieu avant leurs 15 ans", note #NousToutes.
C'est ce qui est arrivé à Charline. Cette jeune femme de 20 ans a été violée à 15 ans par un ami de son "ex-copain". C'était sa "première fois". "On était dans son lit, il m'a déshabillée sans que je le veuille, il a mis un préservatif et m'a violée, raconte-t-elle à franceinfo. Je disais 'non', je le repoussais, mais il a mis tout son poids sur moi pour que je ne puisse plus bouger." Tétanisée, celle qui n'est encore qu'une jeune fille ne comprend pas ce qui vient de se passer. Elle n'en parle à personne mais ses relations avec les hommes s'en trouvent profondément perturbées.
Je n'étais pas à l'aise avec les hommes. Quand j'avais des petits copains, je pensais que si je ne couchais pas avec, ils ne m'aimeraient pas. J'avais une vision de la femme qui devait se soumettre au plaisir de l'homme.
Charlineà franceinfo
Boulimie, anorexie... Charline affronte seule les conséquences de ce viol. Ce n'est que deux ans plus tard, lorsqu'elle a des rapports consentis avec son copain de l'époque, qu'elle réalise ce qu'elle a vécu. "Je m'effondre et je lui raconte. C'est moi qui mets les mots dessus et je dis que c'est un viol, il comprend." Depuis, Charline va mieux, elle a vu des psychologues et en a, pour la première fois, parlé à sa mère il y a deux semaines. Elle témoigne aujourd'hui car ces sujets sont "encore trop tabous". "Si cela arrivait aujourd'hui, je porterais plainte", dit-elle.
Une pénétration forcée pour plus d'une femme sur deux
Autre chiffre très marquant de cette enquête, selon Caroline De Haas : "Plus d'une répondante sur deux (53,2%) déclare avoir fait l'expérience avec un ou plusieurs partenaires d'un rapport sexuel avec pénétration non consenti". Pour la militante féministe, "c'est le chiffre qui montre à quel point on a un problème grave". Selon la loi française, tout acte de pénétration sexuelle commis avec violence, contrainte, menace ou surprise constitue un viol.
Deux femmes sur trois (67,5%) ayant répondu au questionnaire déclarent également avoir fait l'expérience avec un ou plusieurs partenaires de faits pouvant s'apparenter à un viol ou une agression sexuelle. Pour 64,8% d'entre elles, c'est arrivé plusieurs fois au cours de leur vie.
Près de la moitié des femmes interrogées témoignent aussi de remarques dévalorisantes entendues lorsqu'elles n'avaient pas envie d'avoir un rapport sexuel. "T'as jamais envie", "Mais toi en fait, t'es un frigidaire", "A force, je vais aller voir ailleurs"… Voilà le genre de réflexions rapportées par les participantes de l'enquête.
T'es frigide, t'es chiante, on ne baise plus qu'une fois par semaine, fais un effort...
Propos rapportés d'une participantedans l'enquête de #NousToutes
Plus de 80% des femmes interrogées rapportent aussi des faits de violences psychologiques, physiques ou sexuelles au cours de rapports sexuels avec un ou plusieurs partenaires. Là encore, les paroles entendues par ces participantes sont éloquentes : "t'es un mauvais coup", "c'est de ta faute si tu ne sens rien", "de toute façon, personne d'autre ne voudra de toi", "pas assez bonne"…
Face à l'ampleur des témoignages reçus, le collectif #NousToutes demande le lancement par le gouvernement d'une enquête représentative "pour mesurer à quel point c'est un problème". Le mouvement réitère aussi sa demande de créer, sur le modèle de la Sécurité routière, "un module obligatoire dans la scolarité sur la question du respect et sur la prévention des violences sexistes et sexuelles". "On est face à un problème d'éducation de la société sur le consentement", conclut Caroline De Haas.
* Cette enquête diffusée sur les réseaux sociaux n'a pas valeur de sondage.
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