Un marché public pour le 3919 : "C'est complètement inutile", dénonce l'association qui gère le numéro d'appel pour les femmes victimes de violences
Pour la présidente de la Fédération nationale solidarités femmes, cette mise en concurrence sur la ligne d'écoute 3919 risque d'entraîner une "perte totale de 40 ans d'expérience".
Passer un marché public pour la gestion du 3919 est "complètement inutile", dénonce mardi 17 novembre sur franceinfo Dominique Guillien-Isenmann, présidente de la Fédération nationale solidarités femmes (Fnsf), l'association qui gère le numéro d'écoute pour les femmes victimes de violences. La procédure de mise en concurrence, qui doit aboutir en 2021, est envisagée par le gouvernement à l'occasion du prochain élargissement des horaires de la ligne d'écoute, annoncé lors du "Grenelle" contre les violences conjugales. Cette mise en concurrence risque d'entraîner une "perte totale de 40 ans d'expérience", alerte la présidente de cette structure associative.
franceinfo : Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il lancer une procédure de marché public pour la gestion du 3919 ?
Dominique Guillien-Isenmann : Je ne peux pas répondre à cette question, puisque nous pensons que c'est complètement inutile. Le seul argument qu'on nous a donné n'est pas recevable. L'État parle du fait qu'avec 100% de subventions il faudrait passer un marché public. Or, actuellement nous sommes à environ 79% de subventions, le reste nous vient de dons privés. Donc il n'y a pas d'obligation à faire un marché public. Nous n'en avons pas eu d'autres arguments juridiques suffisamment valables pour nous permettre de comprendre pourquoi un marché public devrait être obligatoire. Nous sommes dans l'incompréhension totale.
C'est vous qui gérez cette ligne depuis sa création en 1992, vous êtes propriétaire du 3919. Qu'est-ce que l'ouverture d'un marché public changerait ?
Nous serions prestataires directs de l'État, ce que nous ne sommes pas actuellement, nous sommes indépendantes. Nous exécutons un service étatique, mais les subventions nous permettent d'avoir une indépendance quant aux choix, à la manière de procéder, quant à l'éthique, etc. D'autre part, on ne voit pas comment on peut lancer un marché public sur un numéro qui n'appartient pas à l'État. Et puis, on ne sait pas qui obtiendra ce marché.
Si quelqu'un d'autre que la fédération nationale solidarité femmes devait l'obtenir, il y aurait une perte totale de 40 ans d'expérience à peu près. Actuellement, le fonctionnement du 3919 s'appuie sur un réseau de 73 associations, qui fonctionnent de manière de façon cohérente. Ça veut dire qu'une femme qui appelle au 3919 peut être réorientée rapidement vers une de nos associations. C'est un plus qui n'existera plus.
Et puis, nous avons aussi développé un savoir-faire, développé des formations particulièrement pointues et poussées. Ce n'est pas un appel classique ce sont des écoutes particulières, bienveillantes, qui partent de l'idée que la femme dit la vérité. De là, on travaille sur la manière de mettre en lumière les possibilités pour cette femme de s'en sortir.
Quelle est la situation actuelle pour le 3919 ? Avez-vous eu davantage d'appels depuis le début de ce deuxième confinement ?
Pour l'instant, on n'a pas suffisamment de recul dans la mesure où seulement quinze jours sont passés. Il y a une légère augmentation, mais qui est pour l'instant difficilement mesurable. Il faut savoir qu'entre le premier confinement et le second, nous ne sommes jamais redescendus sur la base de ce qu'il y avait avant le tout premier confinement. Il y a eu une augmentation en gros de plus 70% d'appels pendant le premier confinement, c'était redescendu grosso modo à plus 15, 20 ou 30%. On n'est jamais redescendu.
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