Affaire Moussa Marega : Le racisme gagne du terrain dans les stades, pas les solutions envisagées
Depuis le début de la saison 2019-2020 de football, la liste est longue comme le bras. Les incidents à caractère raciste dans les stades se multiplient à travers l'Europe et pas un seul mois n'a été entaché depuis la reprise de la compétition. De Romelu Lukaku (Inter Milan), cible de cris racistes en septembre, à Inaki Williams (Athletic Bilbao), victime d'injures racistes en janvier, en passant par Mario Balotelli (Brescia) à deux reprises, Taison (Shakhtar Donetsk) ou encore Fred (Manchester United), les comportements nauséabonds se répandent comme une traînée de poudre dans les enceintes du football européen.
Hier est donc venu s'ajouter à cette triste liste le cas de Moussa Marega. Attaquant du FC Porto, le Malien affrontait hier son ancien club du Vitoria Guimaraes, dans le cadre de la 21e journée du championnat du Portugal. Victime d'insultes racistes provenant d'une partie du public du stade Afonso Henriques, Marega a explosé à la 68e minute, demandant à son staff d'être immédiatement remplacé. Retenu par ses coéquipiers, l'attaquant a insisté, alors qu'il venait d'inscrire le deuxième but de son équipe. Finalement remplacé, Marega a quitté la pelouse en adressant des doigts d'honneur aux supporters qui le huaient.
Après la rencontre, l'international malien s'est fendu d'un message cinglant à l'encontre des coupables sur son compte Instagram : "Je voudrais juste dire à ces idiots qui viennent au stade pour faire des cris racistes... Allez-vous faire foutre ! (...) J'espère ne plus jamais vous revoir sur un terrain de football. VOUS ÊTES UNE HONTE !!!".
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Pour la première fois de l'histoire du championnat portugais, un joueur a donc pris la décision de quitter la pelouse après ce genre d'incidents. Les messages de soutien à Marega ont rapidement émergé sur les réseaux sociaux, tandis que le Vitoria Guimaraes a, dans un communiqué publié après la rencontre, condamné "toute manifestation de violence, de racisme ou d'intolérance." Le club, 8e du championnat, s'est également désolidarisé de José Antunes, président de son Assemblée générale, qui a conseillé à Marega "d'aller chez le psychiatre".
En plus de condamner ces actes, les clubs offrent généralement une coopération avec les services de police pour retrouver les personnes coupables. Mais alors que les propos à caractère raciste se multiplient dans les stades aux quatre coins de l'Europe, les mesures actuellement en vigueur ne permettent pas de prévenir d'autres incidents. Le règlement de l'UEFA, qui stipule, selon un mécanisme graduel en trois étapes, qu'un arbitre peut arrêter, suspendre ou abandonner une rencontre si "le comportement raciste est d'une grande ampleur ou d'une grande intensité", ne semble pas porter ses fruits.
L'UEFA tire la sonnette d'alarme
Pourtant, plusieurs personnalités s'étaient déclarées en faveur de l'arrêt des rencontres en cas de cris racistes, dont le président de la FIFA Gianni Infantino, mais aussi en France le président de la Fédération française de football Noël Le Graët, le champion du monde 98 Lilian Thuram,, et même Emmanuel Macron en juillet dernier. Mais au-delà de faire cesser les propos racistes au moment où ils sont commis, suspendre quelques minutes les rencontres ne permet pas de résorber le problème à la source.
Alors que l'UEFA a fait de la lutte contre le racisme l'une de ses priorités en 2001 avec de nombreuses campagnes de sensibilisation, l'instance qui gère le football européen a tiré la sonnette d'alarme en octobre dernier, par l'intermédiaire de son président Aleksander Ceferin. À l'issue d'un match qualificatif pour l'Euro 2020 entre la Bulgarie et l'Angleterre, au cours duquel trois joueurs anglais (Raheem Sterling, Tyrone Mings et Marcus Rashford) ont été la cible de cris de singe, Ceferin s'est dit "déterminé pour éradiquer cette maladie", en appelant "la famille du football à travailler avec les gouvernements et les ONG pour déclarer la guerre contre les racistes. (...) Les gouvernements doivent aussi faire plus."
En sous-entendant que les fédérations de football nationales ne peuvent pas lutter seules contre le problème, l'on pouvait s'attendre à des réactions de la part des différents gouvernements concernés. Si l'Angleterre a annoncé être prête à prendre des mesures "si nécessaire", des solutions efficaces et durables à ce problème peinent à émerger. En Italie, où les incidents racistes sont récurrents dans les stades, les vingt clubs de Serie A ont signé une lettre ouverte, fin novembre, pour dire "basta" au racisme, "un motif de frustration et de honte".
Des sanctions davantage dissuasives ?
Et pour combattre ce fléau, la Fédération italienne de football (FIGC) a même envisagé un mécanisme utilisé par les services antiterroristes : un radar passif. "Il capte la provenance d'un bruit avec des micros directionnels, explique Gabriele Gravina, président de la FIGC. Il peut débusquer en direct une personne qui pousse un cri raciste." Initialement, la FIGC souhaitait utiliser cet instrument lors d'un match entre l'Italie et l'Arménie. Mais faute de temps - en raison de questions non réglées concernant de potentielles atteintes à la vie privée -, il n'a pas encore servi et pourrait être expérimenté dans les prochains mois seulement.
Face à ce mécanisme potentiellement liberticide, d'autres envisagent des sanctions plus dures à l'encontre des clubs dont les supporters ont un comportement déviant. En annonçant de potentiels matches à huit-clos ou, plus significatif encore, des expulsions de compétitions, les supporters susceptibles d'actes racistes s'auto-réguleraient. Une situation apaisée que le monde du football est encore loin de connaître.
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