Affaire Zahia : un procès sans vedettes
Le paradoxe est saisissant. La 16e chambre correctionnelle de Paris accueille le jugement du plus gros scandale sexuel qui ait jamais touché le foot français, mais est loin de faire salle comble. Entre la petite dizaine de badauds présents, les familles des prévenus et les curieux, le procès de l'affaire Zahia, dans lequel deux des noms les plus clinquants du football français sont cités à comparaître, n'attire pas les foules. Et pour cause : accusés d'avoir eu des rapports sexuels avec la célèbre "michetonneuse", mineure au moment des faits (en 2008 pour Benzema et 2009 pour Ribéry), les deux internationaux français, qui devaient figurer parmi les neufs prévenus ce lundi après-midi, manquent à l'appel. Les journalistes, au fait de l'absence des deux footballeurs, ne se pressaient pas pour prendre place sur les bancs du tribunal. Nous, si.
"Leurs obligations professionnelles ne justifient pas leur absence"
Devant le juge, l'avocat de Franck Ribéry, Me Carlo Alberto Brusa, s'est contenté de justifier l'absence de son poulain en évoquant "ses obligations professionnelles avec le Bayern Munich". Même argumentaire du côté de la défense de Karim Benzéma, brandissant en excuse salutaire "un match très important du Real Madrid en Coupe du Roi. Peu convaincu par la dialectique des hommes en robe, le juge rappelait que la loi était la loi, et qu'en aucun cas "leurs obligations professionnelles ne justifiaient leurs absences".
Autre absente de marque, Zahia Dehar. Portée partie civile puisque mineure au moment des faits en 2010, la jeune escort-girl avait décidé par la suite de s'extraire de sa position de victime, estimant que Franck Ribéry et Karim Benzéma l'avaient bien traitée, et qu'elle était consentante. Mais voilà : tout lien entretenu avec un réseau de proxénétisme, à plus forte raison lorsque les protagonistes sont mineurs, est puni par la loi. Et si les deux footballeurs étaient "consommateurs", les six prévenus présents au procès étaient des "fournisseurs".
Le "Zaman Café" au coeur du dossier
En avril 2010, les policiers avaient démantelé un vaste réseau de proxénétisme, autour du Zaman Café, un lieu de rencontres entre prostituées et férus de consommations sexuelles tarifées. Un bar, ou plus exactement un "cabaret oriental" selon les deux co-gérants présents à la barre ce lundi après-midi, Georges et Elie Farhat. Il y avait aussi Abousofiane Moustaïd, considéré comme la pierre angulaire de l'affaire. Cet ancien candidat au télé-crochet de "La Nouvelle Star" jouait, semble t-il, le rôle d'intermédiaire entre le "Zaman" et les "filles", dont la mineure - au moment des faits - Zahia. Ayant visiblement opté pour la stratégie défensive du "pas vu, pas pris", Georges et Elie Farhat n'ont eu de cesse de marteler ce lundi après-midi qu'ils ignoraient la présence de prostituées dans leur bar. Le moment que choisit le juge pour citer une conversation téléphonique entre le plus jeune des frères Farhat, Elie, et le dénommé "Abou", lequel lui demandait s'il devait ramener "des putes". Le jeune prévenu, face à ses contradictions, jurait qu'il ne parlait pas de "prostituées" mais de sa "petite amie et ses copines".
Dans la 16e chambre correctionnelle du Palais de Justice, l'aiguille de l'horloge tournait et les "perles" affluaient. Comme ce moment où le juge interrogeait Georges Farhat sur les 35 000 € retrouvés dans la cuvette de ses toilettes, ce à quoi le prévenu répondait qu'il n'avait "pas eu le temps de les déposer à la banque". Lieu favorisant la prostitution, rémunérations des employés et retombées financières occultes, "le Zaman Café" constitue indéniablement le terrain à dépoussiérer pour les magistrats et jurés.
Le procès de l'affaire Zahia, à l'issue duquel Franck Ribéry et Karim Benzema encourent 3 ans de prison ferme et 45 000 € d'amende, doit rendre son verdict dans trois jours. Si le jugement tourne mal pour les deux footballeurs, fort à parier qu'ils jugeront enfin bon de satisfaire leurs obligations légales. Zahia Dehar, elle, est toujours au top des "tendances Twitter".
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