"Si elle est à l'Education nationale, ce n'est pas pour rien" : à six mois des Jeux, la promotion d'Amélie Oudéa-Castéra saluée par d'anciens ministres des Sports

Promue jeudi à l'Education nationale, Amélie Oudéa Castéra est désormais à la tête d'un grand ministère englobant aussi le Sport et les Jeux olympiques et paralympiques.
Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le premier ministre Gabriel Attal et la ministre de l'Education nationale, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques Amélie Oudéa-Castéra, prennent un selfie avec des élèves, lors d'une visite au collège Saint-Exupéry, à Andrésy (Yvelines), le 12 janvier 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

C'est une nomination qui a fait grand bruit. La ministre Amélie Oudéa-Castéra, déjà à la tête du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, s'est vu ajouter à son portefeuille le ministère de l'Education nationale (EN), jeudi 11 janvier. Une promotion qui n'a pas convaincu le syndicat d'enseignants Snes-FSU qui a déploré un acte "inconséquent et assez irrespectueux pour l'Éducation nationale" avec le risque d'avoir "une ministre à mi-temps".

Pourtant, d'anciens ministres des Sports, de bords politiques différents, saluent cette nouvelle. "La charge de travail est certes très lourde, mais en termes de capacité de travail et d'autorité, la ministre est en capacité de le réaliser", assure Jean-François Lamour, ministre des Sports entre 2002 et 2004, puis ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative entre 2004 et 2007. Pour Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des Sports entre 2014 et 2017 sous François Hollande, la charge de travail devrait être atténuée en vue de Paris 2024 grâce à "la nomination d'un ministre délégué aux Sports, et dans ce cas, nous serons bien armés 'gouvernementalement' pour affronter les Jeux olympiques et paralympiques."

Une équipe large pour mener les Jeux

Selon Jean-François Lamour, en exercice sous Jacques Chirac, cette promotion est loin d'être anodine. "Depuis son arrivée dans le gouvernement [en mai 2022], on ne l'a pas sentie fléchir, alors qu'elle a eu affaire à quelques sujets sensibles : les problèmes de sécurité au Stade de France, les dysfonctionnements au niveau fédéral, des faits de violences sexuelles au sein des fédérations. D'ailleurs, si elle est à l'Education nationale, ce n'est pas pour rien", appuie-t-il. 

"Amélie Oudéa-Castéra qui, initialement, se trouvait au dernier rang protocolaire, se retrouve à la quatrième place du gouvernement. C'est le signe qu'elle a fait preuve d'une réelle autorité en prenant les rênes du ministère des Sports et des Jeux."

Jean-François Lamour, ancien ministre des Sports

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Le défi, pour Amélie Oudéa Castera, sera de ne pas délaisser l'un des trois pans de son ministère élargi. Mais Jean-François Lamour tempère. "Dans l'organisation des JO, on est aujourd'hui dans une phase opérationnelle et non plus de conception. Il n'y a plus beaucoup d'arbitrages à rendre. Il y a encore un ou deux sujets un peu sensibles comme les transports et la sécurité, mais ce sera surtout le ministère de l'Intérieur, IDF Mobilités et les deux opérateurs historiques, RATP et SNCF, qui seront à la manœuvre." 

"C'est un événement qui se prépare très en amont et il y a toute une structure, le Cojop, qui assiste l'organisation. Elle sera sans doute entourée de secrétaires d'État ou de ministres délégués pour accomplir toutes ces missions qui sont en effet considérables", confirme Frédérique Bredin, ministre de la Jeunesse et des Sports entre 1991 et 1993 lors du second mandat de François Mitterrand, notamment lors des Jeux d'hiver d'Albertville en 1992.

Dernière ministre des Sports ayant eu en charge l'organisation de JO avant Amélie Oudéa-Castéra, Frédérique Bredin rappelle que cette mission "demande une concentration très forte et des moyens énormes. Cela demande aussi une présence sur le terrain, même si les JO ne dureront pas longtemps." L'Agence nationale du sport (ANS), créée en 2019, est également là pour veiller à la cohérence des projets sportifs territoriaux et ceux des fédérations, tout comme le délégué interministériel aux Jeux, Michel Cadot, en poste depuis 2020.

Une "opportunité incroyable"

Pour les anciens ministres interrogés, le rassemblement des deux ministères en un seul est une "opportunité incroyable. C'est quand même la première fois qu'une ministre des Sports devient ministre de l'Éducation nationale dans ce sens et non l'inverse. Ainsi, nous pouvons espérer que le sport trouve réellement enfin sa place à l'école", souligne Jean-François Lamour.

"C'est une suite logique, appuie Roxana Maracineanu, ministre des Sports entre 2018 et 2020 sous Emmanuel Macron, puis ministre déléguée chargée des Sports entre 2020 et 2022. Des dispositifs avaient déjà été initiés avec le rapprochement des clubs sportifs à l'école. On a aussi inscrit des fondamentaux sportifs dans le code de l'éducation avec les 'savoir nager, rouler'", rappelle l'ancienne ministre qui avait "proposé en 2020 de réaliser ce rapprochement". D'ailleurs, depuis 2020, les agents des deux ministères travaillent ensemble après la réforme de l'organisation territoriale (OTE), engagée par Roxana Maracineanu, afin de favoriser la coopération.

"Montrer que le ministère des Sports est un mouvement de fond dans la société, qui concerne tous les sportifs amateurs, c'est très important. Le fait que ce soit la ministre des Sports qui soit en même temps en charge de l'Éducation nationale et en charge des Jeux olympiques donne l'espoir de quelque chose qui concerne vraiment tout le monde", insiste Frédérique Bredin.

L'héritage en ligne de mire

Ce rapprochement est d'ailleurs vu d'un bon œil en matière d'héritage. "J'ai toujours considéré que le meilleur héritage pour les JO était de renforcer le sport à l'école et d'avoir accès au sport, qui est un enjeu de santé publique", poursuit Roxana Maracineanu. "Politiquement, c'est peut-être le moment exceptionnel de créer des passerelles entre le sport scolaire et sport fédéral, car on a en France, ces deux organismes qui, parfois, se regardent en chien de faïence, relève Thierry Braillard. Organiser les JO, ce n'est pas seulement organiser la compétition en elle-même. C'est avant tout promouvoir le sport et voir les Français davantage le pratiquer."

Toutefois, derrière cette joie affichée, Jean-François Lamour prévient : "Il y a un déséquilibre entre les deux ministères. La ministre devra être extrêmement vigilante à ce que le sport reste l'une de ses priorités." Mise en garde identique du côté de Roxana Maracineanu. "Il faut veiller à ce que le ministère des Sports garde ses missions régaliennes, que seul l'Etat peut garantir, comme sur la lutte contre les violences sexuelles. Je suis très attentive à cela. Il ne faut pas que cette réorganisation minimise le rôle du ministère des Sports", tranche-t-elle. Car l'héritage des Jeux s'observera aussi à travers un ministère fort à l'issue de l'événement, "ce qui ne veut pas dire qu'il est moins fort car l'Education nationale l'a rejoint, et à l'inverse, l'EN n'est pas délaissée parce qu'elle est avec le sport, tient à préciser l'ancienne nageuse. Il faut y voir l'aspect positif, qui est l'épanouissement des enfants, qui auront tout à gagner."

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