Annecy, une claque venue de loin
Au cinéma, l'agent OSS117 avait son parfait contraire avec l'agent 007. Dans le monde de l'olympisme, Annecy se trouve maintenant à l'opposé de Pyeongchang. Dans la course au dossier pour obtenir les Jeux Olympiques d'hiver en 2018, les 7 petites voix glanées par la première laissent une curieuse impression face aux 63 suffrages raflés par la Corée du Sud. Certes, l'erreur de Paris-2012, avec des réactions plutôt agressives suite à la défaite face à Londres, n'a pas été rééditée cette fois. Malgré le score humiliant, chacun a tenté de garder une bonne dose de dignité et de fair-play. Bien évidemment, il y a eu les lieux communs et les discours de façade, comme Guy Drut déclarant: "Ce n'est pas nous qui avons perdu, c'est la Corée du Sud qui a gagné." Ou encore le Premier ministre, François Fillon, disant: "C'était une compétition sportive. Dans une compétition, il y a des vainqueurs et d'autres qui ont fait des performances et qui n'ont pas remporté l'épreuve." La réalité de l'état d'esprit des Français filtre dans les propos de Charles Beigbeder, président du comité de candidature: "Je suis très surpris et extrêmement déçu. J'y croyais. La candidature française avait fait un sans faute et je pensais vraiment que l'on pouvait inverser la tendance".
C'était là le gros problème: Annecy est parti de loin, de très loin. En remontant à l'origine de la candidature, il convient d'ailleurs de rappeler que ce dossier, pas vraiment désiré par l'Etat, avait été mis sur les rails par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) pour redorer une image tricolore bien écornée par Paris-2012. Un motif peut-être trop léger pour se lancer dans une telle aventure. En proie à de profondes difficultés pour rassembler des fonds permettant de lutter avec Munich et Pyeongchang, les deux rivaux, Annecy-2018 a fait étalage de ses désunions, Edgar Grospiron, directeur général du comité de candidature, démissionnant en décembre 2010. Sept mois avant le vote final, un mois avant le dépôt du dossier, cela faisait tâche. L'ancien champion olympique de ski de bosses se plaignait du budget trop restreint. Auparavant, Jean-Claude Killy, membre du CIO, avait tiré la sonnette d'alarme et pris beaucoup de recul par rapport à cette candidature. Ce n'était pas le seul problème d'Annecy-2018, obligé de revoir sa copie après une inspection de la commission d'évaluation du CIO pour rassembler un peu plus les lieux de compétition. Et au moment où la candidature semblait prendre l'eau, où elle était proche de la sortie de route, l'Etat s'est impliqué davantage, participant à la nomination de Charles Beigbeder pour succéder à Grospiron, et à la volonté de trouver un lobbyiste de poids dans les couloirs du CIO. Mais tout cela est arrivé trop tard, sans doute, et la volonté de présenter ce dossier comme celui de Jeux à taille humaine ne pouvait pas masquer les carences, surtout face aux deux rivaux partis depuis bien plus longtemps avec des moyens bien plus importants. Rappeler que Pyeongchang en était à sa troisième candidature consécutive n'est pas anodin pour expliquer son succès. Rappeler qu'en temps de crise, dans un pays qui avait déjà remporté l'organisation de l'Euro-2016 de football, impliquant de gros investissements des collectives publiques, et dernièrement la Ryder Cup de golf, courir plusieurs lièvres à la fois était difficile. Sans omettre les habituelles lutte d'influence entre les différents protagonistes, politiques, sportifs... En mai dernier, un sondage effectué par la radio locale ODS Radio indiquait que 50% des habitants d'Annecy n'étaient pas favorables à la candidature. Un chiffre étonnamment élevé qui peut trouver son explication dans la campagne chaotique et les problèmes divers qui se sont accumulés, sans oublier la crainte des augmentations d'impôts locaux pour faire face à un tel projet.
"C'est dur à encaisser pour le sport français, parce que le sport français ne mérite pas ça, mais on va apprendre de cette défaite. On n'a sans doute pas suffisamment appris des précédentes défaites. On va apprendre de celle-ci. On va clairement débriefer", a déclaré Chantal Jouanno, la ministre des Sports. Les premiers éléments de réponse devraient émerger mardi prochain, 12 juillet, à l'occasion d'un conseil d'administration du CNOSF qui sera officiellement la première réunion post-crise d'une partie des victimes de la gifle de Durban. Pour la quatrième fois de suite, une candidature française est mise au placard par le CIO. Mais cette fois, cet échec ne semble plus aussi rédhibitoire que par le passé. "Des tas de gens, des membres du CIO attendent une candidature française pour les Jeux d'été 2020, 2024", rapporte Guy Drut, membre du CIO. "Cela appartient au président du Comité olympique français, et en priorité au président de la République française, mais il ne faut pas rester sur un échec." Une phrase qui a rapidement trouvé écho du côté de Nice, dont le maire, Christian Estrosi, a annoncé que "dans les semaines qui viennent, j'engagerai une consultation auprès des principaux décideurs institutionnels, économiques et sportifs intéressés par l'Olympisme, sur l'opportunité d'une nouvelle candidature pour les Jeux Olympiques de 2022".
Annecy avait été préféré à Nice pour porter cette candidature en 2018. Mais Pyeongchang a montré que la persévérance avait du bon. A condition de ne pas perdre de temps au départ, d'être uni et unanime, d'avoir les moyens et le talent. Une équation que la France n'a plus résolue depuis Albertville en 1992.
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