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Antoine Albeau, le roi de la planche à voile plus titré que Teddy Riner mais quasi inconnu

Avec 24 titres de champion du monde à son palmarès, ce windsurfer a glané bien plus de trophées que Teddy Riner ou Sébastien Loeb. Pourtant, il pâtit d'un manque de notoriété et rencontre des difficultés financières.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Antoine Albeau participe à une compétition de windsurf, le 30 juillet 2016 sur l'île de Fuerteventura (Canaries). (MAXPPP)

"Je suis le sportif français le plus titré" de l’histoire. Antoine Albeau ne cache pas sa fierté. A 45 ans, ce spécialiste de la planche à voile a sur ses étagères plus de trophées que Teddy Riner, Sébastien Loeb ou Martin Fourcade. Pourtant, vous ne connaissez sûrement pas son nom. Il vient de remporter les championnats du monde de windsurf à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le 26 novembre. Pour lui, c’est la "cerise sur le gâteau" : son 24e titre de champion du monde, comme il s'en réjouit sur son compte Instagram.

Un habitué des podiums

Son tout premier trophée, il l’a obtenu en 1992. "Il a été champion de France très jeune. Il gagnait tout, sourit son père, Jean-Marie, admiratif. Quand il avait 18 ans, je me disais que les sportifs s’arrêtaient tous vers 24 ans. Je n’avais pas compris qu’en fait, ce n'était pas 24 ans qu'il attendait, mais 24 titres mondiaux."

"J’ai remporté mon premier titre de champion du monde en 1997. Depuis, j'en ai gagné dans plusieurs catégories", raconte le fils. Après cette première étape internationale, Antoine Albeau devient un habitué de la première marche du podium. Il y grimpe presque tous les ans jusqu’à ce dimanche 26 novembre 2017. "Dimanche, c’était magnifique. Tout le monde pensait qu’il était fini, il leur a montré que non", se réjouit son père. Aux yeux de ses concurrents, il semble en effet inarrêtable. "Il a tout simplement rencontré toutes les situations de courses, participé à toutes les compétitions, tout au long de sa carrière. Il a sûrement déjà fait 10 fois plus de compétitions que moi, peut-être 20…" tente de compter Pierre Mortefon, arrivé troisième lors du mondial 2017.

Et le palmarès du géant à la chevelure blonde ne s’arrête pas là. "Je détiens aussi le record du monde de vitesse en planche à voile depuis 2015, à 98,65 km/h", ajoute le sportif. En dehors du sport, il collectionne également les médailles. Celles de l’Académie des sports en 2010 et 2015 et celle de l’ordre national du Mérite en 2015. "J’ai un petit peu de récompenses quand même", avance timidement le champion. "Plus que Brice de Nice !" s'exclame-t-il quand on le compare au surfeur niçois interprété par Jean Dujardin.

Antoine Albeau pose pour une photo à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le 12 novembre 2014. (FRED PAYET / AFP)

Éclipsé à la télé par le tennis et le rugby

Malgré cette carrière remarquable, Antoine Albeau reste peu connu du grand public. "Quand il a remporté son 24e titre, il y avait du tennis et du rugby au programme ce jour-là. À la télé, on ne parlait que de ça. Pas un mot sur Antoine, déplore son père. Je ne comprends pas, c’est un sport fabuleux." Pourquoi la planche à voile est-elle boudée par le petit écran ? Antoine Albeau a sa théorie. "Notre sport dépend du vent. C’est difficile d’amener des journalistes si tout peut être annulé à la dernière minute. Et puis, on va aussi aux quatre coins du monde", explique-t-il. Pour s’entraîner, le sportif alterne entre l’Espagne, Hawaï et les Antilles. Difficile, en effet, de le suivre.

Je n’ai pas assez fait de lobbying pour notre sport. Pendant des années, j’ai laissé la communication de côté. Je le regrette.

Antoine Albeau

à franceinfo

Ce retard, les plus jeunes du milieu l'ont remarqué. "Les organisateurs de compétitions, ou même Antoine, ont loupé certaines étapes au niveau de la médiatisation, déplore Pierre Mortefon auprès de franceinfo. Mais c’est super compliqué, on a déjà énormément de choses à gérer et peut-être que si Antoine avait passé plus de temps sur l’ordi, il n’en serait pas là aujourd’hui !"

"Teddy Riner est un touriste"

Une sous-médiatisation qui se paie au niveau du grand public. Exemple : si l'on tape "sportifs français les plus titrés" dans Google, Antoine Albeau n’arrive que troisième derrière Teddy Riner et Sébastien Loeb. Il est pourtant loin devant les deux champions en nombre de médailles. "J’aimerais bien rencontrer Sébastien Loeb pour savoir s’il me connaît et, si c’est le cas, s’il sait combien j’ai de titres de champion du monde..." imaginait le véliplanchiste lors d’une interview.

Pour Teddy Riner, c’est chose faite. Le judoka était à Nouméa pendant les championnats du monde de windsurf. Les deux champions se sont rencontrés, comme en témoigne cette photo publiée sur Instagram. Teddy Riner "est un touriste, il n’est que 10 fois champion du monde et toi 24", plaisante un internaute dans les commentaires. "C’est qui sur la photo à côté d’Antoine Albeau ?" ironise un autre.

"Je vais taper aux portes des entreprises"

"Etant donné que seule une micro-audience suit l’actualité de cette pratique, elle ne présente pas beaucoup d’intérêt pour les annonceurs", décrypte Gary Tribou, professeur et spécialiste du sponsoring sportif. Antoine Albeau le vit au quotidien. Sans agent, difficile de trouver des partenaires. "Le sport n’est plus aussi populaire que dans les années 1980. C’est super dur", soupire-t-il. Pour financer sa carrière, il fait donc appel aux collectivités locales. La Charente-Maritime et l’île de Ré figurent parmi ses sponsors. Il met aussi à contribution ses connaissances avec, en première ligne, sa famille. "Si mes proches ne m’aidaient pas, je ne sais pas comment je ferais. Je ne participerais certainement pas à autant de choses", affirme le roi du funboard. Sa mère s'occupe par exemple de toute la partie administrative. 

"Pour les financements, je trouve grâce au bouche-à-oreille. Je vais taper aux portes des entreprises proches", ajoute-t-il. "Dans ces cas-là, ça se joue beaucoup avec le réseau, confirme Gary Tribou. C’est souvent un ami qui travaille dans une entreprise ou un ancien funboarder nostalgique qui va tenter de pousser le dossier de sponsoring."

C’est ainsi que l’autocollant Ford a fini sur la voile d’Antoine Albeau. Olivier Gallic travaille au service communication et affaires publiques de Ford France. Il y a quatre ans, lorsqu’il est arrivé chez la marque automobile, il a vu qu’un concessionnaire local parrainait le champion du monde de planche à voile. "Quand j’étais plus jeune, avec mes amis, on était des fans absolus de planche à voile et d’Antoine. Pendant des vacances sur l’île de Ré, on avait même tout fait pour le croiser", se souvient-il. Il a donc décidé de reprendre le dossier et de conclure le partenariat au niveau national.

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Financièrement, "c'est limite"

Pour la marque, ce n’est qu'"un petit investissement" pour améliorer son image, d’après Gary Tribou. Toutes ces aides restent en effet minimes. "C'est autour de 2 000 euros... Ce sont des petits coups de main", précise le spécialiste, qui cite l'exemple de plusieurs sportifs de haut niveau. Entre Ford et Antoine Albeau, il s'agit d'un partenariat matériel. "Ford fournit de grands utilitaires à Antoine. C’est un système de prêt annuel d’une voiture adaptée au transport de son matériel", décrit Olivier Gallic, qui s’amuse à se surnommer "partenaire mobilité" du champion.

Malgré cela, Antoine Albeau rencontre des difficultés financières. Une saison lui coûte entre 50 000 et 80 000 euros. "J’ai une dizaine de déplacements à payer, avec des gros dépassements pour les bagages à cause des planches. Il y a aussi l’équipement, qui évolue et devient de plus en plus cher. Pour nous, ce n’est pas juste une paire de chaussures et un ballon rond… C'est limite à la fin de chaque saison." Mais il reste positif. "J’arrive à me financer pour vivre ma passion. On se débrouille !" sourit-il, sans vraiment savoir de quoi demain sera fait. "On me demande souvent : 'Pourquoi tu continues ?'' Mais parce que c’est comme ça que je gagne ma vie !"

Je pense faire une saison encore. En 2019, je verrai bien ce que je ferai.

Antoine Albeau

à franceinfo

"Si j’arrête, je suis obligé de trouver autre chose." Il envisage de travailler "avec un de [ses] sponsors" ou de se concentrer sur son école de voile sur l’île de Ré, à l’endroit même où il est monté sur sa première planche, il y a quarante ans.

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